À la tête du bureau parisien d’Eversheds Sutherland depuis février 2015, Rémi Kleiman détaille la stratégie de son équipe de 70 avocats. Au cœur de son engagement pour la firme : la diffusion de la culture de la discrétion dans un collectif réunissant une importante variété de profils. Entretien.

Décideurs Juridiques. En France, Eversheds Sutherland est très discret. Accepter une interview est-il le signe d’un changement de stratégie de communication ?

Rémi Kleiman. Une des raisons de notre discrétion est la confidentialité des dossiers que nous traitons, en contentieux et arbitrage mais pas uniquement puisque certaines opérations immobilières se réalisent dans le plus grand silence. Mais si en France nous restons orientés sur nos clients, en Angleterre nous sommes réputés pour être des challengers puisqu’Eversheds est né de la réunion de cabinets de province partis conquérir La City sous la même marque. Cette démarche nous a enseigné la modestie.

Qu’est-ce qui vous pousse à communiquer plus ?

Nous pourrions mieux présenter certains de nos pôles d’excellence comme le luxe, l’IP/IT et le private equity. Mais aussi nos terrains d’innovation comme celui qui nous a poussé à créer Konexo, une société de services juridiques et compliance alternatifs dont le capital est ouvert à des investisseurs externes. Les clients du bureau français ont souvent recours à cette offre.

Quelle place joue Paris dans la firme globale ?

Le bureau de Paris ne va pas doubler de taille dans les prochaines années puisque le marché français est mature. En revanche, notre action s’inscrit dans la maîtrise de notre force de frappe en Europe continentale, notamment entre la France, les Pays-Bas, l’Allemagne et le Luxembourg. Nous avons d’ailleurs ouvert ce dernier bureau il y a deux ans à peine et notre équipe néerlandaise a grandi très vite. Concrètement, cette zone géographique totalisait un chiffre d’affaires de 40 millions de livres sterling il y a 5 ans. Nous atteignons 100 millions aujourd’hui.

Cela est aussi la conséquence de la structuration d’Eversheds Sutherland n’est-ce pas ?

Tout à fait, parce qu’entre temps, nous avons intégré au sein de la LLP les quatre bureaux allemands qui étaient jusque-là nos partenaires. Ce nouveau statut a révélé le prisme international de nos associés allemands. D’autres de nos bureaux comme ceux en Espagne, en Italie ou en Roumanie font partie d’une entité européenne distincte. En France en revanche, nous avons toujours été intégré à LLP puisque nous sommes le premier bureau étranger d’Eversheds.

Comment illustrer votre force de frappe européenne ?

Ce qui nous différencie culturellement de nos concurrents est que nous sommes une firme internationale au sein de laquelle les associés consacrent beaucoup de temps pour se connaître et nouer des relations autour de nos clients communs. Il y a dix ans déjà nous citions Tyco pour illustrer ce mode de fonctionnement à la fois intégré et adapté à chaque pays. Aujourd’hui, nous ajoutons Turkish Airlines, que nous conseillons dans toute l’Europe, mais aussi la Iata (l’association canadienne qui gère les accréditions des agences de voyage pour l’émission de billets d’avion) avec laquelle nous travaillons jusqu’en Afrique

La firme est également de plus en plus remarquée pour ses actions en faveur de la diversité. Que fait Paris en particulier ?

Le bureau de Paris est issu du cabinet anglais Frère Cholmeley Bischoff qui avait des bureaux sur l’avenue du Président Roosevelt. L’équipe d’origine, dont certains membres sont encore présents aujourd’hui, était composée de nombreux solicitors britanniques, d’avocats inscrits aux barreaux d’Inde ou de l’Ile Maurice. La diversité est donc notre culture.

"Paris est le premier bureau étranger d’Eversheds"

Depuis, nous tentons d’adapter aux particularités réglementaires françaises les actions de la firme en faveur de la diversité. Il nous faut inventer un modèle. Et lorsque nous recrutons des talents avec un objectif d’inclusion, nous parvenons à réunir des équipes qui correspondent à nos valeurs. Notre diversité se voit. Nous croyons aussi beaucoup aux réseaux internes qui consistent à fédérer les personnes de bonne volonté souhaitant que notre firme soit une plateforme de changement dans la société.

Pourriez-vous citer quelques-unes de vos initiatives ?

Avec "Perspective", nous avançons dans l’intégration des LGBT+ et nouons des partenariats avec des associations qui travaillent à la défense de leurs droits. Grâce à "Ability", aux côtés du Cercle Montesquieu, nous sensibilisons à la situation des personnes handicapées mais aussi au bien-être et à la préservation de la santé mentale. Avec le Club du XXIe siècle, nous réfléchissons aux freins liés à l’absence d’indicateurs de diversité.

En matière de parité, vous visez 30 % de femmes associées. Comment procéder ?

Aujourd’hui à Paris cet objectif n’est pas atteint mais cela arrivera. Pour cela, nous ne comptons pas sur les paramètres démographiques. Nous identifions les talents et organisons du mentoring pour éviter le plafond de verre, tout en réalisant un travail de changement de mentalité des hommes. Au niveau global, nos instances représentatives contiennent de nombreuses femmes talentueuses : des membres du board, des directrices de practice groupes ou encore la managing partner européenne, Helen Thomas.

Propos recueillis par Pascale D'Amore

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