La France est l’un des marchés européens les plus matures en matière d’outils technologiques à destination des professionnels du droit. Et elle conserve cette longueur d’avance malgré l’absence de soutien financier de la part des institutions européennes.

À l’ère du numérique, l’Europe se veut moderne. C’est la raison pour laquelle le groupe de travail sur la gestion du temps judiciaire de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (Cepej) a mis en place un outil permettant la pondération des affaires au service du bon fonctionnement des tribunaux. La même commission a d’ailleurs adopté, en juillet dernier, le rapport biannuel d’évaluation des systèmes judiciaires européens recensant leurs principales tendances. L’ensemble de ces mesures répond à un seul objectif : celui de la digitalisation des services juridiques en Europe. Toutefois, le regard des institutions européennes sur la legaltech reste fixé sur l’organisation judiciaire. Justice prédictive et numérisation des méthodes de travail des magistrats et greffiers demeurent les principaux sujets de travail, l’ensemble des autres segments de services ayant pour utilisateurs les entreprises ou les cabinets d’avocats étant mis de côté.

L’internationalisation

Malgré ce constat, le marché européen de la legaltech est florissant. Selon une étude réalisée par Market Research, son poids économique suivrait de près celui des États-Unis, les chiffres d’affaires cumulés étant estimés à 169,3 milliards de dollars en 2016, là où ceux du marché américain atteignent 437 milliards de dollars en 2017 selon le site Catalyst Investor.

Le poids économique de la legaltech française suivrait de près celui des États-Unis, les chiffres d’affaires cumulés étant estimés à 169,3 milliards de dollars en 2016, là où ceux du marché américain atteignent 437 milliards de dollars en 2017.

Le fait que le droit ne soit pas identique entre les pays d’Europe n’est par ailleurs pas un frein pour certaines start-up du droit qui n’hésitent pas à s’exporter. Au contraire, la construction d’un socle commun de réglementation comme le RGPD offre l’occasion de construire un marché global européen. À cela s’ajoute la tradition de civil law dont les grands principes juridiques sont partagés par de nombreux pays de l’Union. Les similarités entre les systèmes de droit sont telles que la duplication des technologies est à portée de main. Certains acteurs de la legaltech française l’ont bien compris, comme Legal Vision qui envisage d’ouvrir un bureau en Espagne et au Portugal. "Le droit des sociétés espagnol étant similaire au droit français, comme dans tous les pays de droit napoléaonien, notre technologie peut être dupliquée sans trop de difficulté", explique Loïc Le Goas, son CEO. D’autres pépites françaises préparent actuellement leur internationalisation, des annonces devraient avoir lieu dans les prochains mois. Cette stratégie est menée à chaque fois à titre individuel, l’Europe n’ayant pas encore dessiné de cadre économique pour qu’émergent des géants en son sein, comme l’observe Christophe Roquilly, professeur à l’Edhec : "Il faudrait un mouvement européen pour financer l’émergence de la legaltech européenne. Pour l’instant il n’y a rien de ce point de vue-là."

Parmi les pays de l’union européenne, la France semble nettement se distinguer. L’écosystème hexagonal, jeune et actif, est l’un des marches les plus matures du continent avec plusieurs centaines de marques couvrant de nombreux segments (voir la cartographie pages 24-25). "L’activisme y est très important, indique Gianclaudio Malgieri, avocat et professeur à l’Edhec. C’est un pays qui accueille par exemple de nombreuses entreprises technologiques de mise en conformité, notamment grâce à l’implication de la commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) dans l’application de la réglementation européenne relative à la protection des données personnelles." mais aussi des normes françaises anticorruption, anti-fraude. (lire l’article sur la regtech pages suivantes). Pourtant, la France n’est pas le pays européen qui accueille le plus de start-up étrangères. D’autres capitales comme Londres ou Bruxelles sont privilégiées par rapport à paris en raison de leur ouverture économique en Europe. "La belgique est très ouverte aux acteurs étrangers : de nombreuses entreprises americaines ont leur quartier général européen à Bruxelles", analyse Gianclaudio Malgieri. Conséquence : la legaltech en France reste encore préservée de la concurrence étrangère. Ce n’est que lors des appels d’offres lancés par les multinationales qu’elle se confronte à ses homologues étrangers (lire l’entretien avec Philippe Ginestié page 27). La globalisation du secteur est en marche, comme le prouve le partenariat lance en juin 2020 par le Canada et la France et réunissant l’Allemagne, l’Australie, la république de Corée, les Etats-Unis, l’Italie, l’Inde, le Japon, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, Singapour, la Slovénie et l’union européenne, pour le développement d’une intelligence artificielle.

Massilva Saighi

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