L’ancien directeur des achats de Cegelec et de la SNCF, Pierre Pelouzet, incarne une institution à l’action très ciblée : le médiateur des entreprises. À la résolution des conflits par voie de médiation s’ajoute son objectif de réparer le lien de confiance entre les acteurs économiques.

Du chocolat pour briser le silence entre deux partenaires en conflit. Pierre Pelouzet s’en souvient encore. Il aura fallu que le médiateur des entreprises ait l’idée de sortir une boîte de chocolats sur la table autour de laquelle étaient réunis deux chefs d’entreprise en conflit pour que le dialogue soit restauré, l’un cédant à la gourmandise et l’autre ne pouvant s’empêcher de réagir. « Alors que toute discussion était impossible et à la surprise de tous, ils se sont finalement mis d’accord », se souvient celui qui dirige cette institution publique créée par un décret du président de la République datant d’avril 2010. L’aspect psychologique est fondamental dans sa mission de médiation : « Un conflit très dur entre un fabricant de matelas et un grand distributeur s’était cristallisé parce que le premier pensait que le second voulait sa perte afin de racheter son activité à la barre du tribunal de commerce, raconte l’homme au contact facile et au regard bienveillant. La fermeture de cinq usines était en jeu. La première journée de co-médiation s’est clôturée au milieu de la nuit par un aparté entre les deux dirigeants qui se sont mis d’accord en moins d’une heure. Il leur fallait juste le déclic. Cinq jours de dialogue plus tard, la boîte était sauvée ! »

Un déséquilibre économique

Baguette magique ou procédure bien huilée ? Le taux de succès des médiations réalisées par la soixantaine de médiateurs à Paris et en région s’élève à 75 %. Pour y parvenir, alors que le nombre de dossiers est passé de 100 par an en 2012 à 100 par mois aujourd’hui, il faut trouver le bon interlocuteur. « Il s’agit souvent du dirigeant ou d’un responsable opérationnel ou juridique, explique Pierre Pelouzet, mais nous allons parfois trouver le délégué régional, le chef de service ou un membre de l’équipe du préfet lorsque nous faisons entrer une administration à la table des négociations. » Il faut aussi identifier le bon médiateur, celui qui saura rapprocher les deux parties et faire en sorte qu’elles s’écoutent, se comprennent et, pour finir, se mettent d’accord. « Nous faisons aussi de la médiation collective, ajoute le médiateur, lorsque nous sommes sollicités par une fédération professionnelle. » Cela s’ajoute à un champ d’intervention très large allant d’un conflit entre deux entreprises, généralement lorsqu’il existe un déséquilibre économique entre elles, à la contestation d’un crédit d’impôt recherche, au redressement fiscal ou de l’Urssaf, en passant par un contentieux relatif aux aides européennes…

Le taux de succès s’élève à 80 % lorsqu’un conflit éclate entre des entreprises labélisées par l’institution, c’est-à-dire formées à la médiation. Car l’enjeu auquel fait face Pierre Pelouzet, dont le mandat vient d’être reconduit pour trois ans, est de restaurer la confiance entre les acteurs économiques. Cela passe bien sûr par des méthodes efficaces de résolution amiable des litiges, grâce à une sélection de médiateurs – bénévoles – en provenance du monde judiciaire, de l’entreprise, du conseil, etc., mais aussi par la multiplication des outils de prévention des litiges. Dans l’objectif de faire évoluer la culture des dirigeants, le médiateur leur diffuse par exemple un guide pratique dans lequel il vulgarise la procédure pour se porter candidat à un marché public : « Nous leur donnons les bons tuyaux afin que des textes de loi trop fastidieux et des règles trop complexes ne détériorent pas la relation de confiance qu’ils entretiennent, explique Pierre Pelouzet. Finalement, on joue le traducteur entre deux langages, d’un côté celui de la petite ou moyenne entreprise et de l’autre celui de l’administration. »

Cette mission s’avère plus facile, concède le médiateur, lorsqu’un avocat ou un juriste entre dans la discussion. Car le but est de mettre de côté les éléments juridiques pour mieux y revenir ensuite. Le chef d’entreprise sachant qu’il peut se reposer sur un expert du droit à ses côtés pour se concentrer sur le dialogue. « L’humain fait partie du juridique, il doit prendre une part de plus en plus importante dans la discussion », conclut Pierre Pelouzet. La médiation, c’est la technique au service de l’humain, et non le contraire.

 

Chiffres rapport 2019

20 000 acteurs économiques accompagnés depuis 2010
Plus de 6 500 saisines
92 % des demandes proviennent des TPE-PME
75 % des médiations aboutissent de façon satisfaisante


Pascale D'Amore

 

Lire Médiation conventionnelle : l'atout d'une initiative privée

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