À la tête de la direction de la compliance France de BNP Paribas Real Estate depuis un an, Yamina Sahri revient sur sa vision de la conformité, les enjeux de la matière et la politique qu’elle déploie au sein du leader européen des services immobiliers.

Décideurs. Cela fait un an que vous avez pris la tête de la direction de la compliance de BNP Paribas Real Estate. Quel est votre bilan et quelles mesures avez-vous mis en place en matière de compliance ?

Yamina Sahri. À mon arrivée, il y avait deux priorités. La première, d’ordre réglementaire, consistait à adapter le dispositif de connaissance client (KYC) afin de prendre en considération les impacts de la quatrième directive 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme. La seconde priorité était d’ordre organisationnel avec la création d’une gouvernance optimisée par la redéfinition des rôles de chaque acteur de l’entreprise. Cette nouvelle gouvernance a d’une part entraîné une meilleure compréhension des enjeux de la fonction par l’ensemble des salariés au sein de la société, et d’autre part, permis au département compliance de développer des expertises sur des thématiques dédiées (la loi Sapin 2, GDPR).

Quels sont les enjeux de la compliance dans le secteur des services immobiliers ? 

Face aux exigences accrues des régulateurs dans le secteur de l’immobilier, la compliance se renforce chez les grands acteurs de l’immobilier, rattrapant l’évolution globale du marché.

Toutefois, les professionnels de l’immobilier doivent davantage intensifier leurs efforts et se mobiliser afin de protéger le secteur du risque réputationnel et/ou de sanctions, comme le souligne Tracfin dans son dernier rapport d’activité en pointant du doigt le nombre encore faible de déclarations de soupçons dans le secteur. Pour ce faire, les professionnels de l’immobilier doivent s’inscrire comme partenaires privilégiés des autorités.

Le secteur immobilier est parfois confronté à un certain nombre d’affaires de corruption. Comment prévenir efficacement la survenance de telles pratiques ?

Chez BNP Paribas Real Estate, l’activité immobilière est segmentée en plusieurs lignes de métier. Certains secteurs restent plus exposés aux risques de corruption comme la promotion et le property management.

Pour prévenir efficacement la survenance de ces pratiques, il est important d’identifier les risques en élaborant une cartographie adaptée aux spécificités de chaque ligne de métier. Il est également nécessaire de mettre en place un dispositif favorisant la transparence, notamment sur les thématiques suivantes : cadeaux et invitations, conflits d’intérêts, mandats publics ou privés.  Un dispositif d’alerte interne, dans lequel la confidentialité du lanceur d’alerte est la préoccupation centrale, est également primordial. Enfin, la sensibilisation permanente des acteurs économiques reste évidemment essentielle. Elle passe nécessairement par les différents moyens de communication dédiés à l’ensemble des collaborateurs comme le e-learning, les rappels et les formations quotidiennes.

Aujourd’hui la compliance est-elle vue comme un facteur de performance ou est-elle encore perçue comme une contrainte ?

À l’origine, les acteurs économiques voyaient la compliance comme un facteur de contrainte et comme une source de coûts. Le mauvais calcul consistant à rapprocher sanction et coût lié au non-respect de la réglementation a été progressivement abandonné pour diverses raisons, notamment du fait de la mise en place de cellules de contrôle possédant des compétences plus grandes et des pouvoirs étendus en termes de sanctions pouvant aller jusqu’à 5 millions d’euros. C’est assez dissuasif ! D’autres facteurs ont joué un rôle dans ce changement de vision particulièrement par la mise en place en interne de process qui permettent d’anticiper et de gérer au mieux les risques pour aller vers une meilleure gouvernance.

Ce dont je suis convaincue, c’est qu’une entreprise soucieuse de conformité s’inscrit dans une logique de développement de relations pérennes fondées sur le professionnalisme, et les plus hauts standards de qualité et de service. C’est un élément de crédibilité et de confiance vis-à-vis de nos clients et partenaires. C’est en ce sens que la compliance est au cœur de la performance d’une entreprise.

"la sensibilisation permanente des acteurs économiques reste évidemment essentielle"

Comment instaurer une réelle culture de la compliance dans une entreprise comme la vôtre ?

La direction doit adhérer totalement à la culture de la compliance. Chez Real Estate, « the tone at the top » est primordial afin que les mêmes valeurs soient partagées au sein de l’entreprise. Nous avons le soutien inconditionnel de notre management au plus haut niveau, ce qui permet le ralliement des collaborateurs. Une communication constante sur le sujet est nécessaire ainsi qu’une adaptation pertinente du dispositif réglementaire. À l’inverse, si la mise aux normes est trop contraignante, elle entraînera irrémédiablement un rejet des différents collaborateurs. C’est pour cela qu’il me semble nécessaire d’encourager la prise d’initiatives et de favoriser les retours réguliers d’expérience des opérationnels. Au sein de BNP Paribas Real Estate, la compliance est le sujet de tous. Pour chaque problématique, la personne compétente est là pour nous accompagner. L’efficacité du dispositif réglementaire repose dans la capacité de Real Estate à rassembler les collaborateurs autour de l’intérêt d’avoir une fonction compliance.

Quels sont les enjeux de demain pour un compliance officer ?

Le compliance officer a affaire à un contexte où les textes et les nouvelles exigences réglementaires (Sapin 2, GDPR, AML) se multiplient. Demain, il devra être en mesure d’exercer une veille constante afin d’anticiper les adaptations nécessaires du dispositif interne. Il devra nécessairement disposer d’une parfaite connaissance du secteur d’activité et des risques associés. Ce paramètre est devenu une donnée essentielle lors des phases de recrutement. Devenir un partenaire clé pour le métier sans se limiter à un rôle de contrôleur, c’est ce vers quoi doit tendre cette fonction. Finalement, être une force de propositions, favoriser l’activité et garantir la gestion et la maîtrise des risques, voilà le cahier des charges du compliance officer de demain.

Quelles sont les trois qualités que doit posséder un bon responsable de la conformité ? 

Le responsable de la compliance doit être en interaction quotidienne avec les acteurs économiques et un business partner indépendant avec une bonne compréhension des problématiques du secteur immobilier. Il est tenu de prendre des décisions éclairées et pragmatiques tout en tenant compte des enjeux business et la réglementation. C’est un véritable pédagogue, ce qui lui permet de communiquer tant en interne qu’en externe. Il doit rassembler et promouvoir la culture de la conformité au sein de l’entreprise et de manière plus générale dans le secteur, aussi bien avec ses clients qu’avec ses confrères.

 Alexandre Lauret

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