Par Philippe Gautier, avocat associé, Capstan Avocats

La loi Macron devait révolutionner la procédure prud'homale jugée par certains commentateurs comme trop longue et peu professionnelle.
L'idée de la réforme était donc de donner une place prépondérante aux magistrats professionnels, l'échevinage étant même  envisagé, et de raccourcir les délais de procédure.


La volonté exprimée de remettre en cause le paritarisme avait d'ailleurs déclenché différents mouvements de "grève"  paralysant  durant plusieurs semaines le fonctionnement de nombreuses  juridictions.


Relation de cause à effet  ou  confrontation à la dure réalité budgétaire (création nécessaire de postes de magistrats), force est de constater à la  lecture des dispositions relatives au volet prud’homal de la loi dite Macron du 5 août 2015 que les attentes des commentateurs précités ont certainement été déçues.


S'agissant de l'objectif de professionnalisation,  la loi met en place un processus de formation améliorée et continue des conseillers prud'hommes.


Cinq jours en début de mandat et 6 semaines par mandat.
Les praticiens du  droit du travail savent bien toute la complexité et la constante évolution  de cette matière.
Un quarantaine de  jours de formation  sur un mandat de 6 années ne peut, à l'évidence, suffire à sérieusement l'appréhender.


La loi prévoit également un recours plus fréquent au magistrat professionnel et pas seulement, comme précédemment, en cas d'impossibilité pour les 4 conseillers prud’hommes de se départager.


L'affaire  pourra désormais être directement renvoyée devant le juge professionnel par le bureau de conciliation et d’orientation (nouvelle dénomination du bureau de conciliation).
Ce renvoi devant le  juge peut être ordonné,  soit à la demande des parties, soit si la nature de l'affaire le justifie.


Il est peu probable que les deux parties, pour des raisons diverses, s'accordent sur une telle démarche.
Le renvoi décidé en raison de la nature de l'affaire (et qui ne nécessite pas l'accord des parties) suppose, quant à lui, que les conseillers estiment que la complexité de la problématique juridique ou l'ampleur des demandes sont telles qu'eux-mêmes (ou leurs pairs) ne sont pas en capacité d'apporter une réponse appropriée et que seul un juge professionnel en serait capable.
Sans douter de la propension des conseillers prud'hommes à faire montre d'humilité, la probabilité qu'ils "s'auto dessaisissent" apparaît on ne peut plus faible.


S'agissant de l'objectif de raccourcissement des délais,  il se traduit, tout d'abord par la création d'une formation restreinte devant laquelle le bureau de conciliation et d’orientation (BCO) peut renvoyer l'affaire et qui doit statuer dans un délai de 3 mois.


Cette possibilité ne vise que les affaires, portant sur la contestation d’un licenciement ou une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et suppose  l'accord des parties.
Là encore, il y a  peu de chances que ces dernières s'accordent sur une procédure dont l'une pourra estimer qu'elle ne lui apporte pas toutes les garanties de bonne justice et  l'autre qu'elle est trop rapide.


Autre  disposition qui peut être un facteur d'accélération (foudroyante) de  la procédure c'est  la faculté donnée au BCO de juger le fond du dossier.
On est toutefois là dans une hypothèse qu'il est possible de qualifier d'accidentelle. Cela suppose, en effet, que le défendeur ne se soit pas présenté à l'audience de conciliation sans avoir justifié d'un motif jugé légitime par les conseillers et alors même qu'il aura reçu préalablement, de la partie adverse,  les éléments appuyant sa demande.


On le voit donc au travers de cette rapide présentation des mesures législatives  phares, la révolution en matière prud’homale n'est pas pour maintenant.
Le paritarisme demeure le principe.
Mais faut-il vraiment le regretter dès lors que le constat est souvent fait qu'il  est garant, non  pas toujours d'une parfaite rigueur juridique dans l'approche des problèmes traités, mais, à tout le moins, d'une certaine tempérance  dans le quantum des condamnations prononcées ?


Quant à la durée de la procédure, elle sera certainement, comme auparavant, liée à la fois à l'encombrement de la juridiction (dans certains conseils de prud'hommes hors région parisienne des affaires peuvent être bouclées en quelques mois) et à la diligence des parties.

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