Romain Thiesset, avocat associé, Capstan Avocats

La fin d’année est proche et vient le temps, nécessaire aux résolutions de la nouvelle année, des bilans de l’année écoulée. Nous nous limiterons, mais la tâche nécessiterait déjà de longs développements, à commenter l’année sociale…

 

Les attentes, pour l’année 2015, étaient importantes, d’autant plus que les espoirs, nés d’annonces plus que de promesses, étaient nombreux. La sécurisation de l’emploi et la simplification du droit du travail semblaient être l’objet de toutes les réformes qui devaient enfin porter leurs fruits en 2015 : loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, mise en place du Conseil de simplification pour les entreprises, publication par ce dernier de 50 mesures de simplification, ordonnance du 26 juin 2014  portant simplification et adaptation du droit du travail, du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives… Ce mouvement s’est poursuivi, a priori, en 2015 : ordonnance du 29 janvier 2015 relative à la simplification et à la sécurisation des modalités d'application des règles en matière de temps partiel, ordonnance du 18 juin 2015 relative à la simplification des déclarations sociales des employeurs, loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité (dite Loi Macron), loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi (dite Loi Rebsamen)…

 

Malheureusement, ces annonces ne furent que nombreuses : le résultat est manifestement loin du compte. Bien plus, le contenu de ces mesures, souvent mal pensées, a pu et risque de produire l’effet inverse de celui recherché.

 

Il en est ainsi, par exemple, de la déclaration sociale nominative, dont la conception n’a pas été aboutie et qui ne permet pas de satisfaire toutes les obligations existantes de déclaration (notamment concernant le compte personnel de pénibilité, les intérêts sur les sommes dues aux salariés au titre de la participation…). Il en est ainsi également des règles établies par la loi du 20 janvier 2014, inadaptées aux ressources des entreprises, relatives à la prévention de la pénibilité et au compte personnel de pénibilité, qui pour certaines ont été supprimées avant même d’être appliquées.

 

Quant à la loi Macron, nombre de ses mesures auront un effet utile (harmonisation de certaines règles techniques en matière d’épargne salariale, facilitation de l’actionnariat salarié…), sans pour autant  répondre aux besoins immédiats de simplification des relations quotidiennes de travail, individuelles comme collectives. Pire, certaines mesures, notamment relatives au travail dominical, soulèvent des interrogations au moins aussi importantes que le régime précédemment applicable, qui devait pourtant être harmonisé et simplifié. Certes, le délit d’entrave est quant à lui prétendument dépénalisé ; en réalité, toutefois, la loi Macron supprime une peine d’emprisonnement, qui n’avait été prononcée qu’une seule fois, et double dans le même temps la peine d’amende… Enfin, on doutera plus généralement de l’effet utile de nombreuses dispositions de cette loi dont la mise en œuvre est subordonnée à des décrets d’application qui aujourd’hui encore font défaut.

 

Enfin, la loi Rebsamen n’apporte pas plus de satisfaction. En premier lieu, si celle-ci prétend simplifier les obligations des employeurs quant à l’information et à la consultation des représentants du personnel, il ne s’agit en réalité que d’un regroupement par thèmes d’obligations préexistantes (à l’exception de quelques obligations, marginales, supprimées par le législateur) ; regroupement qui perturbe par ailleurs l’agenda social. Cette même loi prétend, par ailleurs, simplifier les négociations au sein de l’entreprise ; en réalité, les obligations créées sont confuses et redondantes, et les employeurs peinent à déterminer le sens dans lequel elles doivent être menées. En toute hypothèse, ces obligations renvoient, pour leur contenu précis, à des décrets qui auraient dû être publiés depuis plusieurs semaines et dont on ne sait s’ils le seront un jour (en l’attente, les entreprises demeurent soumises, à compter du 1er janvier 2016, à des obligations qu’elles ne peuvent savoir respecter). S’agissant enfin de la simplification prétendue du fonctionnement des instances représentatives du personnel, il apparaît en réalité que la loi Rebsamen vient alourdir le Code du Travail en consacrant uniquement des pratiques qui ne font l’objet d’aucune contestation au sein des entreprises, parfois même en les restreignant (tel est le cas de l’organisation des réunions des instances par visioconférence, des délais de rédaction des procès-verbaux des réunions, de la possibilité de réunion des instances sur des projets communs,…) ; quant à la volonté d’élargir le recours à la Délégation Unique du Personnel et ses attributions, celle-ci est une nouvelle fois soumise à des décrets qui ne sont toujours pas publiés (alors que les dispositions antérieurement applicables ont été abrogées, faisant naître l’inquiétude et un sentiment de vide juridique aux entreprises dont les instances doivent être renouvelées).

 

Et ce diagnostic fait grâce du report unilatéral, par le gouvernement, des engagements consentis dans le cadre du Pacte de Compétitivité, ou encore de la problématique particulière de la prévoyance. Sur ce point particulier, on rappellera, en premier lieu, la publication le 30 janvier 2015 d’une circulaire tout simplement incompréhensible. On rappellera également la publication le 12 août 2015 d’une lettre-circulaire Acoss affirmant que la généralisation de la couverture santé à effet du 1er janvier 2016 interdirait, pour les régimes frais de santé, le recours à la condition d’ancienneté (position juridiquement erronée, mais qui permettait ainsi de redresser, en pratique, toute entreprise dont le régime prévoyait cette condition d’ancienneté). On fera enfin mention de la loi de financement de la sécurité sociale qui prévoit, parmi d’autres mesures, d’imposer à l’employeur la prise en charge au moins pour moitié du financement de tout régime frais de santé (même lorsque les garanties excèdent celles du panier de soins)… Le flou juridique, en matière de prévoyance, a été tel en 2015 que l’Acoss a été contrainte de publier le 23 septembre 2015 un communiqué suite à des déclarations alarmistes de l’Institut de la Protection Sociale sur les conditions de financement des régimes…

 

Il suffirait pourtant, partant du constant que notre droit social n’est plus adapté aux nouveaux modes et organisations de travail, d’engager une réforme respectueuse de quelques principes simples, parmi lesquels la négociation prioritaire du droit du travail au niveau de l’entreprise (éventuellement dans un cadre référendaire), la simplification du contrat de travail, la sécurisation de la procédure de licenciement et de l’indemnisation du salarié licencié, la libre organisation collective du temps de travail, ou encore le droit à une organisation sociale définie par chaque entreprise.

 

Dans ces conditions, s’agissant des résolutions que nous pouvons formuler pour cette nouvelle année, souhaitons que la réforme promise du Code du Travail sera réelle, et qu’elle permette avant tout de restaurer la confiance dans les relations de travail, condition nécessaire à la croissance et au bien-être des entreprises, des employeurs, et de leurs salariés.

 

L’Histoire, et ne serait-ce que l’année 2015, nous impose toutefois d’être raisonnablement confiants. Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent…

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