Retour sur le 70e congrès des experts-comptables réunis en nombre autour du thème « l’expert-comptable numérique ». Stéphane Cohen, président de l’Ordre de Paris Île-de-France, revient pour Décideurs sur sa vision de l’avenir, sur fond de tension avec les avocats depuis l’adoption de la loi Macron.

Un tiers des experts-comptables de France (soit six mille professionnels) se sont réunis à l'occasion de leur 70e congrès début octobre au palais des Congrès autour du thème « l’expert-comptable numérique ». Le point avec Stéphane Cohen, président de l’Ordre de Paris Île-de-France.

 

Décideurs. Trois jours dédiés à l’avenir de la profession autour de la digitalisation. À l’instar des avocats, est-ce une réponse à la concurrence de nouveaux acteurs sur votre marché ?

Stéphane Cohen. Tout à fait. Comme les avocats, nous souffrons d’une concurrence accrue de nouveaux acteurs low cost. Il existe par exemple un service tout à fait contestable de l’Association nationale d'assistance administrative et fiscale (Anaafa) qui propose aux avocats « ta compta au prix d’un pain au chocolat » ou « ta déclaration au prix d’une tradition ». Mais aussi des confrères qui ont développé des offres 100 % en ligne. Ce qui montre que notre métier est amené à profondément changer et que les experts-comptables doivent maîtriser les outils numériques pour faire évoluer leur pratique.

 

Décideurs. Avez-vous lancé des poursuites contre ces offres low cost ?

S. C. Non, nos confrères qui les ont créées l’ont fait en respectant notre déontologie. La profession bénéficie par ailleurs de la liberté dans la fixation des prix. Nous sommes vigilants mais les règles qui encadrent la communication sont relativement permissives. Finalement, il me semble que leurs offres correspondent à une certaine demande du marché. J’invite mes confrères à se saisir des opportunités offertes par la digitalisation, d’autant que nous connaîtrons début 2017 avec la facture électronique la dernière impulsion à une complète comptabilité virtuelle. C’est la raison pour laquelle nous avons signé un partenariat avec la Banque publique d’investissement (BPI) pour mettre en place un financement dédié à la mutation de nos cabinets.

Plus largement, nous devons prendre le tournant de la mise en valeur de nos prestations. Il faut que notre activité devienne majoritairement une activité de conseil en pilotage des entreprises, en s’appuyant sur les données comptables, fiscales et sociales bientôt entièrement informatisées.

 

Décideurs. Cela signifie-t-il que les experts-comptables de demain feront majoritairement du conseil, et donc du conseil juridique ?

S. C. Bien sûr. Les experts-comptables sont des experts en gestion de patrimoine, stratégie fiscale, financement des opérations financières et restructuration d’entreprises. Par ailleurs, la loi Macron a inscrit dans la loi une pratique déjà ancienne : le conseil juridique à titre accessoire. Dans la vraie vie, c’est bien nous qui apportons aux PME et TPE les premiers services du droit. Cela signifie que nous intervenons rarement sur la partie juridique des opérations plus complexes telles que les fusions-acquisitions ou dans la rédaction d'un pacte d’actionnaires par exemple, qui nécessitent l’expertise d’un avocat. La loi Macron nous permet ensemble de mieux répondre aux besoins des entreprises.

 

Décideurs. Experts-comptables et avocats sont donc partenaires ?

S. C. La preuve : nous organisons avec le barreau de Paris et la Chambre des notaires de Paris une journée de conférences sur la transmission d’entreprise le 23 novembre au palais Brongniart, un thème qui réunit nos différentes expertises. Nous souhaitons travailler avec le barreau de Paris pour une parfaite collaboration entre nos professions. Un expert-comptable ne prendra jamais le travail d’un avocat.

 

Décideurs. Vous êtes donc prêts à l’interprofessionnalité capitalistique permise par la loi Macron ?

S. C. La vraie réponse aux besoins des entreprises est la création d’un guichet unique de services juridiques et fiscaux. Il sera donc intéressant de créer ces structures d’exercice commun entre avocats, notaires et experts-comptables. Il est simplement dommage que la loi Macron ait exclu les commissaires aux comptes des structures interprofessionnelles.

 

Propos recueillis par Pascale D’Amore

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