Par Laurent Cruciani, avocat associé, Capstan Avocats


Les récents échanges ayant eu lieu à l’occasion du projet de loi pour la croissance et l'activité, dit « projet de loi Macron », ont pu encore amener à entendre de la part de certains politiques, que le droit du travail ne serait bientôt plus « pénalisé ».

Mythe ou réalité ?

Comme chacun sait, si le droit du travail peut naturellement entraîner la saisine du Conseil de Prud’hommes concernant les litiges individuels nés à l’occasion de l‘exécution ou de la rupture du contrat de travail, il peut également entraîner la responsabilité pénale des employeurs.
Ainsi, nombre d’infractions peuvent amener à la condamnation pénale du chef d’entreprise à une peine d’amende et/ou d’emprisonnement, quelle que soit la taille de la société en question :

- le travail dissimulé,
- la violation des règles élémentaires d’hygiène et de sécurité ayant conduit, soit à des violences involontaires (des blessures), soit au décès du salarié (ce qui est alors qualifié d’homicide involontaire),
- le délit d’entrave au fonctionnement des instances représentatives du personnel…

S’il apparaît assez logique que des infractions, particulièrement lourdes de conséquences, puissent être punies d’amende et/ou d’emprisonnement, la question d’une éventuelle peine d’emprisonnement du chef d’entreprise pour des infractions sans gravité pour l’intégrité physique des salariés a toujours posé question.

Cette question a, de fait, entraîné en pratique une relative clémence des juges (qui prononcent très rarement des peines d’emprisonnement pour les infractions les plus légères de droit du travail, comme le délit d’entrave pouvant pourtant sur un plan théorique être puni d’un an d’emprisonnement et/ou de 3 750 € d’amende).

Le délit d’entrave peut certes être caractérisé lorsqu’un employeur refuse de tenir des réunions légalement obligatoires, mais également, lorsque l’employeur a simplement oublié de donner une ou deux informations à son comité d’entreprise, ou pire encore, lorsque l’employeur remet à son comité d’entreprise un document qui s’avère être très légèrement incomplet.

La peine encourue, notamment d’emprisonnement n’apparaissait-elle pas aujourd’hui démesurée et une vision plus pragmatique ne devait-elle pas être privilégiée ? Un embryon de réponse semble aujourd’hui se profiler à l’horizon, en passant par cette dépénalisation du droit du travail.
Ainsi, dans son discours prononcé dimanche 26 octobre 2014 lors du Conseil stratégique de l'attractivité, le chef de l'Etat a affirmé : « Les peines pénales associées au délit d’entrave, qui parfois même pouvaient être des peines de prison qui n’étaient bien sûr jamais prononcées mais qui néanmoins pouvaient inquiéter, seront remplacées par des sanctions financières. »

Aucune précision n'avait cependant été donnée à cette époque sur le calendrier de la réforme (positive) annoncée… jusqu’à la parution du projet de loi Macron.

Ce 19 février 2015, l'Assemblée nationale vient de rejeter la motion de censure déposée au titre de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution et d'adopter en première lecture le projet de loi pour la croissance et l'activité, dit « projet de loi Macron » qui sera donc examiné en commission par les sénateurs du 17 au 19 mars et du 24 au 26 mars prochain.

Le projet de loi contient un article 85 bis très court, relatif à cette dépénalisation du droit du travail. Loin d’une dépénalisation totale de la matière, le nouveau texte supprime de manière pragmatique la peine de prison encourue pour l’atteinte au fonctionnement régulier des institutions représentatives du personnel, mais porte l’amende de 3 750 euros à 7 500 euros.
La dépénalisation annoncée par certains n’est donc pas générale, mais ne touchera que le délit d’entrave en supprimant simplement la peine potentielle d’emprisonnement.

Avancée indéniable pour le chef d’entreprise, l’on peut seulement déjà regretter que seul le délit d’entrave soit concerné par ce début de mouvement de dépénalisation, alors que nombre de petits infractions risquent de demeurer encore sous le coup d’éventuelles peines d’emprisonnement et s’interroger sur un autre projet plus ambitieux sur ce point. À suivre ?

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