« La convergence fiscale serait une réponse efficace à la crise économique européenne »
Décideurs. Quel est l’intérêt aujourd’hui d’une convergence fiscale à l’échelle européenne? Comment se traduit-elle ?
Georges Nectoux. La convergence fiscale serait une réponse efficace à la crise économique européenne. Elle permettrait de simplifier la gestion des entreprises communautaires et d’encourager les autres à conquérir des marchés étrangers tout en améliorant l’attractivité du continent. En matière de TVA, l’Europe est relativement avancée puisque le régime est à peu près le même partout. La Commission européenne a publié un « livre vert » en décembre 2010 pour préparer une refonte et une simplification de la taxe. La Chambre de commerce et d’industrie de Paris a d’ailleurs participé à la réflexion en proposant notamment d’élargir son assiette, d’harmoniser la structure des taux et d’améliorer sa gestion et son recouvrement. Cette réforme devrait aller assez vite puisqu’il s’agit d’abord de retouche pour rendre le système plus clair et plus efficace.
Il y a également les taux qui se rapprochent. Sur ce sujet, la hausse du taux réduit français de TVA de 5,5 % à 7 % n’a rien de hasardeux, puisqu’il s’agit du taux réduit allemand. Malgré certaines exceptions, les pays européens avancent vers une harmonisation des taux.
L’impôt sur les sociétés (IS) reste en revanche un sujet beaucoup plus épineux. Les disparités entre les vingt-sept sont importantes, puisque le taux est de 10 % en Bulgarie et s’envole à 33,33 % pour la France, tandis que l’Allemagne atteint 15 %, même si une grande partie de la différence est compensée par d’autres impôts du même genre. Le calcul de l’assiette fiscale est également très disparate d’un pays à l’autre. Même s’il reste de nombreuses étapes à franchir, quelques avancées ont été réalisées. Le couple franco-allemand a ainsi publié, cet été, une déclaration de volonté de rapprochement. De même, la modification du régime français de report des déficits est largement inspirée de ce qui se fait en Allemagne. Enfin, une déclaration franco-allemande pour une assiette commune d’IS devrait être publiée en 2012.

Décideurs. Où en est la réflexion sur l’assiette commune consolidée pour l'impôt des sociétés (ACCIS) ?
G. N. C’est un projet qui est sur le bureau de la Commission depuis dix ans maintenant. Il permettrait aux entreprises transnationales et volontaires de disposer d’une assiette commune consolidée d’IS. L’assiette imposable serait ensuite attribuée selon une clé de répartition aux différents pays dans lesquels les entreprises exercent une activité. Cette clé prendrait notamment en compte trois facteurs : le chiffre d’affaires, le personnel et les immobilisations. À ce stade, une harmonisation des taux d’IS est encore impossible à imaginer. Le projet est globalement bien avancé et a déjà fait l’objet d’une proposition de directive. Mais un accord va être extrêmement compliqué à obtenir au vu de la règle de l’unanimité et de la stricte opposition de certains pays comme le Royaume-Uni au projet. L’ACCIS impose également de définir les règles comptables à appliquer. S’il existe effectivement une base comptable commune, la norme IFRS (International Financial Reporting Standards), il reste à déterminer une règle de transposition pour transformer les résultats comptables en résultats fiscaux. Il n’y a rien de concret sur le sujet, on en parlera encore dans dix ans.
Il n’est toutefois pas impossible que certains pays s’unissent pour adopter ce projet. Mais beaucoup de questions restent en suspens, comme la gestion du contrôle fiscal, le rythme du système d’amortissement, etc. Le projet pourra aboutir sur certaines mesures plus ciblées, mais il a peu de chance d’être adopté dans sa globalité.

Décideurs. Comment voyez-vous évoluer l’impôt sur les sociétés au cours des prochaines années ?
G. N. En matière de taux, l’IS français est déjà très haut, mais l’assiette imposable est relativement étroite. Je ne vois pas de grandes réformes de l’IS émerger mais des mesures budgétaires plus précises se dessinent, comme la suppression de l’exonération d’impôt sur les plus-values lors de la vente de filiales (niche Copé). Une remise en cause de l’exonération ne devrait pourtant pas rapporter beaucoup d’argent à l’État, les opérations de ce type ayant déjà eu lieu. En revanche, une réflexion sera probablement engagée sur le plafonnement de la déductibilité des frais financiers. La France est l’un des rares pays à autoriser une déductibilité sans limites, ce qui avantage surtout les grandes entreprises. Mais il est difficile de voir une véritable stratégie émerger.

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