Henri-Nicolas Fleurance (DGFA): «L’Afrique passe à la vitesse supérieure dans ses investissements d'infrastructures»
Décideurs. Quelle est la stratégie de De gaulle Fleurance & Associés sur le continent africain?
Blaise-Philippe Chaumont. Pour nous, l’Afrique est une terre de développement importante : nous avons commencé par le Maghreb, et depuis deux ans nous accélérons nos actions sur l’ensemble du continent. Selon le rapport Doing Business 2015 de la Banque mondiale, l'Afrique subsaharienne est la région du monde qui a enregistré le plus grand nombre de réformes visant à améliorer le climat des affaires en 2013-2014. C’est un marché en forte croissance, plein d’opportunités pour nos clients (entreprises africaines, filiales africaines d’entreprises françaises, entreprises françaises ou internationales actives en Afrique…), dont les besoins en conseils juridiques sont considérables. Et notre Société d’avocats a une expérience et une expertise pertinentes à mettre au service de projets africains.
Henri-Nicolas Fleurance. Au sein de notre Société, il existe une véritable « culture projet ». Cette méthode transversale est notre mode de développement et a été répliquée pour nos interventions en Afrique. Nous faisons en effet intervenir l’ensemble de nos compétences (financement, corporate, droit des concessions et PPP, IT, etc.) et les combinons en fonction des profils et expertises nécessaires au traitement du dossier. Capitalisant sur l’expérience des marchés africains sur lesquels nous opérons, nous souhaitons développer notre expertise – notamment à partir de Paris, tout en travaillant en coordination avec un réseau de good friends. Nous travaillons en synergie avec certains cabinets africains, choisis avec soin, de façon à satisfaire nos clients et constituer des équipes internationales sur des projets multi juridictionnels. Mais bien entendu, notre réseau est non exclusif: lorsque nos clients ont déjà mandaté un avocat dans un pays donné, nous travaillons évidemment avec lui.
B.-P.C. Notre développement dans les zones francophones et Ohada est logique, du fait de la proximité des traditions juridiques locales avec la pratique française, mais nous ne voulons pas nous cantonner à cette région. Nous intervenons notamment au Nigeria, au Ghana et au Mozambique, notre préoccupation étant d’agir pour nos clients quelle que soit leur localisation sur le continent.
Décideurs. Comment adaptez-vous votre fonctionnement unique en « équipe projet » aux activités africaines?
H.-N.F. Les associés, aux expertises variées, sont rapidement mobilisés sur des dossiers complexes et des équipes ad hoc sont ainsi créées pour chaque dossier. Notre société dispose de cent avocats et juristes soutenus par des moyens technologiques performants.
Sylvie Perrin. Nous n’hésitons pas à faire appel à des experts techniques ayant une connaissance parfaite des enjeux de leur domaine. Nous coopérons d’ailleurs avec GM Consultants, des experts sur les questions d'établissements de paiements notamment dans le secteur des télécoms. Cette proximité avec des non-juristes est bénéficie dans l’analyse des dossiers.
Décideurs. Vous intervenez principalement en financement de projets et infrastructures, dans les domaines de l'énergie, de l'IT et des transports. Quelles sont les problématiques rencontrées sur le continent?
S. P. Dans le secteur de l’énergie, l’Afrique est en train de sauter une étape pour directement s’engager dans la voie des énergies renouvelables. Nous souhaitons accompagner les acteurs industriels conscients de cette problématique environnementale, ainsi que les gouvernements cherchant à apprendre des erreurs de l’Occident. De grands groupes internationaux fortement implantés en Afrique réfléchissent à une transition énergétique, par le biais de l’énergie thermique principalement – énergie solaire à condensation: nous intervenons pour des investisseurs souhaitant participer à cette accélération de transformation des sources d’énergie.
Dans le domaine des transports, notre expérience des enjeux liés aux concessions et aux PPP, et aux coûts et aux risques nous permet d’accompagner utilement les acteurs. Notre équipe IT, en amont des enjeux et des changements de paysage, intervient sur des projets transfrontaliers pour des acteurs étrangers.
Décideurs. La garantie des financements est une question épineuse en Afrique…
S. P. La question essentielle demeure toujours le risque pays. Or, malgré cela, les projets continuent de se conclure. Les risques doivent être appréhendés en amont du projet et répartis entre tous les acteurs, selon le rôle qu’ils ont à jouer. D’une façon générale, aujourd’hui un projet de financement adoubé par la Proparco (filiale de l’Agence française de développement, AFD) et la Banque africaine de développement (BAD) est un projet bancable. On peut même dire que c’est une condition sine qua non pour qu’un projet fonctionne.
En attendant que les marchés de capitaux se développent, des fonds se sont constitués pour apporter leur garantie aux banques commerciales, comme le fonds Gari, constitué en 1994, par l’AFD, la Banque européenne d’investissement (BEI), la BOAD et des banques commerciales. Ce fonds permet de remédier aux difficultés locales: incertitudes quant à la réalisation des sûretés, lourdeurs administratives et absence de marché secondaire pour les biens d’équipement. Il permet d’aider les banques commerciales africaines à gagner en expertise d’évaluation des risques.
Le Fonds africain de garantie pour les PME (FAG) a été lancé en 2012 sur l'ensemble du continent. Et depuis moins de deux ans, un fonds de garantie s’est constitué au Cameroun pour aider les PME. Car la question d’actualité, c’est la garantie du fiancement des PME, et notamment des PME locales.
Tous ces fonds n’arrivent pas à faire face à une demande croissante. Il est essentiel d’apporter une expertise combinée pour rassurer les banques et leur permettre d’intervenir davantage sans ces fonds de garantie.
Décideurs. Le continent se développe rapidement et de nouveaux secteurs moteurs émergent, tels que le retail, les télécommunications, le mobile banking, etc. Vers quels secteurs souhaitez-vous faire évoluer votre activité africaine?
B.-P.C. Nous souhaitons garder une approche multisectorielle: les infrastructures, l’énergie et l’IT sont nos angles d’attaque principaux, mais nous restons à l’affût d’opportunités dans d’autres domaines porteurs comme la finance, y compris l’assurance ou le retail. Il existe de grandes possibilités de développement notamment pour la finance. C’est un secteur en plein essor où nous avons une grande expertise en France qui pourrait être transposée sur le continent africain.
H.-N.F. Nous accompagnons également des gouvernements, tel celui de la Guinée, qui nous sollicitent notamment pour des projets de construction d’infrastructures mais également pour d’autres États pour la défense de leurs intérêts au contentieux. Les perspectives pour notre Société d’avocats en Afrique sont incontestablement nombreuses. Reste une difficulté, la maîtrise du temps: si les financements sont indéniablement difficiles à aller chercher, il ne faut pas sous-estimer le facteur temps aux différents stades de la conduite des projets.
Propos recueillis par Elodie Sigaux
En photo, de gauche à droite : Sylvie Perrin, Henri-Nicolas Fleurance, Blaise-Philippe Chaumont