3 800 avocats – dont 1 350 associés – et 70 bureaux dans 43 pays font de Baker & McKenzie le premier cabinet mondial en matière de chiffre d’affaires. Une emprise internationale sur fond d’intégration locale
La firme traditionnellement positionnée sur le secteur industriel s’affirme en matière de droit bancaire et financier et plus largement sur tous les marchés porteurs. Baker & McKenzie vient ainsi de remporter l’appel d’offres lancé par Colt Group – qui rassemble plus de 250 compagnies de télécoms et totalise 1,6 milliard d’euros de chiffre d’affaires – parmi quarante-cinq cabinets d’avocats en concurrence. Ce contrat, qui porte sur une prestation de services juridiques en droit commercial, IT, télécoms et régulation dans treize juridictions, devrait rapporter à la firme environ un million de livres sterling par an. Selon le directeur juridique de Colt, Baker & McKenzie a été choisi parce qu’il garantit un niveau équivalent de service par chacune de ses équipes locales. Depuis janvier, le cabinet est également le conseil de Carlsberg en matière de corporate/M&A, banque et finance, droit de la concurrence et droit commercial international.

Client driven
Sur le marché français, on dit de Baker & McKenzie qu’il est le plus parisien des américains et le plus américain des parisiens. La formule se décline localement. Mais comment maintenir l’homogénéité avec un haut niveau d’autonomie des bureaux dans un environnement global ? La question est centrale dans la stratégie internationale de la firme aux 3 800 avocats répartis dans 43 pays.
Baker & McKenzie s’est attaché à partager sa culture, mais aussi ses méthodes de management et donc à créer des synergies au sein de son réseau. Le bureau de Luxembourg, créé en octobre 2010 grâce à l’intégration du cabinet local Findling Collin Fessman, avec l’aide de l’équipe parisienne, travaille ainsi en collaboration avec les pôles fiscal, private equity et droit immobilier de Paris. On retrouve ce type d’opération au Moyen-Orient, entre les pays de l’ex-Union soviétique, entre l’Allemagne et l’Autriche ou encore en Asie. L’idée est que la centralisation du management rend plus efficace la mise en œuvre de la stratégie régionale et mondiale.
Le développement des clientèles domestiques et la prise en compte des particularités locales interviennent ensuite. « Nos clients nous sont fidèles parce que nous sommes présents partout où ils en ont besoin. Ils savent que leurs dossiers seront traités à l’identique à Paris et en Argentine. Cette force est due à notre approche attentive d’implantation locale. Nous conservons le savoir-faire de chacun des associés tout en s’assurant de l’efficacité de leur intégration », explique le chairman Eduardo Leite (lire aussi son interview pages suivantes). Il illustre ainsi la formule maison « Un réseau global, des clients locaux ». Le bureau parisien par exemple affiche un ratio de 70 % de clientèle locale pour 30 % de clients en provenance du réseau. « Nous mesurons notre succès à notre capacité à conserver et développer notre clientèle domestique », commente Éric Lasry, le nouveau managing partner à Paris.
Ces deux éléments fondamentaux assurent l’équilibre entre le réseau mondial et l’autonomie des équipes locales. Ils se déclinent donc dans toutes les opérations et démarches stratégiques de Baker & McKenzie. Et les dernières données chiffrées ne peuvent que les confirmer dans ce sens : le chiffre d’affaires mondial connaît une croissance de 8 % en 2011, soit 2,27 milliards de dollars. L’ensemble des régions du monde suivent la même direction : l’Europe et le Moyen-Orient affichent 6,3 % de croissance, les Amérique plus 4,4 % et l’Asie Pacifique plus 13,8 %.


Une organisation fédérale
L’organisation de Baker & McKenzie est plus « fédérale que coloniale », selon l’expression d’Éric Lasry. Une certaine marge d’autonomie est laissée à chaque bureau. Cette organisation, enviée par beaucoup et souvent imitée, se retrouve dès l’origine de la firme. Au lendemain du plan Marshall, Russell Baker et John McKenzie ont en effet déjà en tête d’accompagner leurs clients partout dans le monde. Ils s’y appliquent en ouvrant un bureau à Caracas en 1949, six ans seulement après leur association.
« Aujourd’hui, le fédéralisme est l’un des piliers de notre modèle qui porte ses fruits. Nous résistons à toutes les épreuves grâce à l’éclatement de nos centres de décision, ce qui assure notre réactivité. Ce type d’organisation nous permet d’être autonomes dans la prise de décisions et de garantir une fluidité exceptionnelle dans nos contacts quotidiens. L’approche de la relation client est un peu différente puisqu’il s’agit pour nous de les accompagner de façon coordonnée et polyvalente, souvent régionale ou internationale », explique Éric Lasry. À titre d’exemple, Chicago, berceau de la firme, ne guide pas la politique globale de la firme. Elle accueille certes le centre administratif et financier, mais elle est devenue un bureau autonome, au même titre que les autres intégrés au sein de la région Amérique du Nord. De même pour New York, place financière incontournable où est situé le head of business development.
Cette organisation, où la pluridisciplinarité est également essentielle, permet de résister aux coups durs, comme la crise financière de 2008 ou la fermeture en mars 2012 du bureau de San Diego : le staff et les dossiers ont été relocalisés à San Francisco et Palo Alto. De même, en janvier dernier, lorsqu’un associé en charge du private equity aux Pays-Bas a quitté la firme pour former son propre cabinet. Amsterdam, qui a été conquise en 1957 et compte quarante associés pour deux cents avocats, reste tout de même une place forte. La renommée des équipes néerlandaises est définitivement acquise depuis que Baker & McKenzie a supplanté les cabinets hollandais Stibbe, Houthoff Buruma, De Brauw Blackstone Westbroek dans les classements internationaux.

Une culture prédominante
Selon le magazine The Lawyer, 20 % du total des associés anglais choisiraient Baker & McKenzie s’ils étaient amenés à changer de cabinet. « Nous ressentons une forte demande d’associés qui souhaitent nous rejoindre. Notre degré d’autonomie induit la transparence des décisions, ce qu’on ne retrouve pas nécessairement chez nos concurrents », explique Régis Fabre, qui a occupé le poste de managing partner du bureau de Paris durant quatre ans. « Chez Baker & McKenzie, un associé n’est pas un ?cadre supérieur? », confirme son successeur.
Démocratie, respect, multiculturalisme, entrepreneuriat et innovation : ces valeurs sont la base de la fluidité qui règne, selon les associés, au sein de chaque équipe, de chaque bureau et de la firme tout entière. Les règles de fonctionnement sont déterminées clairement, les décisions d’organisation sont ensuite prises collégialement – à 85 % parfois, même si cela nécessite des heures d’échanges ! La méthode de calcul des rémunérations est adaptée à chacun des bureaux, encore une fois pour une meilleure souplesse sur les marchés locaux. Cela n’induit pas pour autant de distorsion dans la facture d’honoraires présentée au client qui a fait appel aux services d’avocats de différents bureaux. Les taux de facturation sont harmonisés avant présentation finale.
Le multiculturalisme se retrouve à la fois dans l’échange entre les associés locaux et dans la diversité du haut management, comme en témoigne la présence d’Eduardo Leite, de nationalité brésilienne, à la tête du cabinet depuis 2010, ou, avant lui, de la Française Christine Lagarde. Les femmes justement, qui représentent 30 % du partnership de la firme, sont également un bon exemple de diversité. À Paris, les deux derniers associés sont ainsi Stéphanie Auféril, nommée en wealth management et Caroline Silberztein, recrutée en prix de transfert.

En haut de l’affiche

Sur le marché, Baker & McKenzie est souvent critiqué pour l’important écart entre son chiffre d’affaires et son niveau de rentabilité. Le revenu par associé (profit per partner, PPP) n’atteint pas celui de certains cabinets américains qui dépassent la barre des deux millions de dollars. Cela s’explique par le business plan de Baker & McKenzie. La firme, qui a fondé sa réputation auprès d’une clientèle industrielle, a ensuite développé une structure full service pour répondre aux besoins grandissants des clients. À côté des lucratives activités corporate classiques, les pôles social, IP/IT, fiscal, antitrust, droit public et contentieux sont autonomes et génèrent leur propre chiffre d’affaires. Les critères d’association ne sont donc pas uniquement guidés par la rentabilité du candidat. « Ce service complet a un coût », explique Éric Lasry, pour qui il est naturel que Baker & McKenzie n’ait pas le même niveau de rentabilité en termes de PPP que leurs concurrents dédiés quasi exclusivement aux métiers de la banque et de la finance.
Le PPP élevé de certaines firmes est également dû à une présence limitée aux places majeures dans le monde. Or, Baker & McKenzie a pour principe de croissance d’assurer une présence partout où les besoins des clients se font sentir. Il est certain que des bureaux comme Caracas, Doha ou Istanbul sont moins rentables que Londres, New York ou Paris. Il faut appliquer le taux en vigueur sur le marché local, illustrant une fois de plus la difficulté à assurer une présence globale. Les clients bénéficient ainsi d’une offre full service à un prix raisonnable.
En réalité, les associés sont longtemps restés éloignés des données de classement. L’idée de profitabilité est venue tardivement sur le tapis des décisions stratégiques de la firme, confie Éric Lasry. « Lorsque je suis entré au comité exécutif en 2004, nous avons redéfini nos priorités et, en conséquence, notre stratégie. En l’espace de quatre ans, le PPP a doublé ! » Cette nouvelle voie est devenue quasi obsessionnelle durant tout un cycle, notamment sous la coupe de John Conroy, devenu chairman après Christine Lagarde. Baker & McKenzie a ainsi connu un pic de rentabilité grâce à une politique de concentration sur les grands comptes par des équipes totalement intégrées. Le renforcement des practices groups, notamment vers le secteur de l’industrie, a également porté ses fruits. Enfin, la firme s’est recentrée sur une politique de talents managériaux. Résultat : le chiffre du PPP américain a augmenté de 7 % en 2011 pour atteindre 1,2 million de dollars. Une marge de progression lente, mais de la croissance tout de même, en dépit de la crise.

Firme globale du XXIe siècle
Sur ces bonnes bases, les opérations de croissance s’enchaînent. En mai 2011, est ouvert le bureau de Doha au Qatar, le sixième de la région Moyen-Orient-Afrique du Nord. L’équipe est spécialisée en banque et finance (incluant la finance islamique et le financement de projet), les énergies et les infrastructures, le corporate M&A, le droit immobilier, la construction et le contentieux. En octobre 2011, Baker s’installe à Istanbul grâce au partenariat exclusif signé avec un des leaders locaux : Esin Attorney Partnership. Le mois suivant, la firme accueille un nouveau CFO (global chief financial officer) : Ian Dinwiddie, en provenance d’Allen & Overy, pour qui il a exercé en qualité de directeur général financier durant vingt ans avant d’être nommé président de Thomson Reuters HBR (Hildebrandt Baker Robbins). En février 2012, l’associé responsable de la zone Europe du cabinet Guarrigues, José María Alonso Puig, rejoint le bureau de Madrid de Baker & McKenzie, pour en prendre la tête. Il a exercé en qualité de co-managing partner du géant espagnol entre 2000 et 2009. En janvier dernier, le bureau de Tokyo est renforcé avec l’arrivée de cinq avocats, dont deux associés, en provenance de Linklaters en corporate M&A. Il a notamment conseillé en mars 2011 le conglomérat japonais Itochu lors de l’acquisition pour 637 millions de livres de Kwik-Fit. Enfin, le cabinet vient d’annoncer l’ouverture de son bureau à Johannesburg grâce au recrutement d’une équipe en provenance de Dewey LeBoeuf. Les seize avocats sud-africains interviennent particulièrement dans le secteur de l’énergie, une activité clé pour Baker & McKenzie.
C’est justement pour suivre les besoins des clients qu’Éric Lasry et Léna Sersiron ont créé en juillet 2010 à Paris le groupe compliance & risk management avec une quinzaine d’avocats. La matière a même gagné les bureaux en Amérique latine, ou en Asie, où ces questions ne sont pas encore prioritaires. À Washington, l’ancien numéro 2 du ministère de la Justice, Paul McNulty, a rejoint la structure pour prendre en charge cette activité. La firme a même créé une structure indépendante sur le territoire américain pour gérer ces questions.
« Nous nous plaisons à dire que Baker & McKenzie a inventé la firme globale du XXe siècle et réinvente la firme globale du XXIe siècle ! », synthétise le nouveau managing partner parisien.


Le renouvellement du haut management parisien
Régis Fabre termine cette année son mandat de quatre ans ? la tête du bureau de Paris. Depuis juillet?2008, sa principale fierté est d’avoir su maintenir la croissance du chiffre d’affaires et une constante progression des effectifs. Il a évité les licenciements secs et poursuivi une politique
de recrutement de talents.
«?Les cabinets d’avocats vivaient sur une idée de générosité qui était éloignée du calcul des coûts de fonctionnement. Chez Baker & McKenzie, nous avons procédé ? un audit des budgets de chaque practice group et rationalisé nos coûts?», explique Régis Fabre.
? partir de juillet?2012, Éric Lasry le remplace. Élu managing partner à deux reprises déjà (1999 à?2001 et?2003 à 2005), il a également dirigé le pôle corporate à Paris et fusions-acquisitions entre la France et les États-Unis à Chicago. Il a exercé dix ans outre-Atlantique et a siégé au comité exécutif de 2004 à 2008. Il est aujourd’hui idéalement placé pour apprécier la stratégie globale de la firme et fera de Paris une place exemplaire de son application.
? la tête du bureau, ses objectifs sont multiples. Poursuivre le client driven entamé sous la coupe d’Eduardo Leite, notamment en période de crise, à un moment où les grandes entreprises réduisent leurs demandes de prestations juridiques. Les associés sont encouragés à être proactifs dans le contact client. L’idée de performance sera conjuguée au sens large : à tous les niveaux de la firme, la perméabilité sera de mise pour offrir aux clients un service d’excellence et une valeur ajoutée. La gouvernance peut également être améliorée pour augmenter la rapidité de la prise de décision. Les équipes d’avocats doivent se constituer rapidement et les conflits potentiels d’intérêts détectés au plus tôt. Éric Lasry entend également mettre l’accent sur la pluridisciplinarité, pour confirmer la firme dans son assise full service. Cela passe par l’attrait de nouveaux talents tout en conservant
la maîtrise de la croissance. Une stratégie qu’il dévoilera en détail à ses associés lors de sa prise de fonctions en juillet.
Quelques repères :


- Bureau fondé en 1963.

- Effectifs à la fin 2011 : 29 associés, 210 collaborateurs, pour un total de 305 personnes.

- Total des effectifs avec le bureau du Luxembourg : 355.

- Un chiffre d’affaires 2011 de 81,7?millions d’euros (+?7?% sur quatre ans).

- Le droit fiscal et le M&A représentent chacun environ 25?% de l’activité. Les autres pôles représentent chacun entre 5 et 10?% de l’activité du cabinet.

Pour aller plus loin, lire l'entretien avec Eduardo Leite, président du comité exécutif, Baker & McKenzie


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