Le directeur de la clientèle institutionnelle revient sur les décisions annoncées par la BCE.
Décideurs. Comment les annonces du président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, ont-elles été accueillies par les marchés financiers ?
Sylvain Favre-Gilly.
Je dois dire qu’avant ces annonces, les marchés étaient quelque peu sur la défensive. Historiquement, les investisseurs ont souvent été déçus par la faiblesse des annonces qui pouvaient être dévoilées par l’institution basée à Francfort. Une déception qui s’explique, le plus souvent, par leurs attentes trop importantes. Force est toutefois de constater que ceux qui redoutaient la timidité de la BCE en ont eu, cette fois-ci, pour leurs frais. Les décisions délivrées par Mario Draghi sont même allées au-delà de leurs espérances.
En annonçant la baisse des taux de refinancement et un taux de dépôt désormais négatif, la BCE devrait inciter les banques à ne pas garder leurs liquidités, mais au contraire à les prêter. Autre nouvelle et non des moindres, la possible mise en place d’un plan de quantitative easing qui porterait sur les asset back securities, ce qui soutiendrait, en pratique, l’acquisition des créances de PME européennes. Le rôle des asset managers est, à ce titre, tout aussi important dans le financement de l’économie puisqu’à travers le processus de titrisation un grand nombre de fonds d’investissement auront ainsi accès à ces entreprises. Un signal qui devrait logiquement inciter les banques à se déployer davantage sur ces secteurs.

Décideurs. Ces décisions seront-elles de nature à faire bouger les marchés ?
S. F.-G.
Nous sommes, à vrai dire, plutôt confiants sur cette question. Peu après ces annonces, le taux à dix ans des obligations émises par le Portugal est passé en l’espace de seulement quelques heures de 3,36 % à 3,28 %. Cette baisse significative témoigne de la confiance des investisseurs.
Mais la vraie question porte en réalité sur l’impact économique de ces mesures. Lorsque la banque d’Angleterre a mis en place son programme SLS (Special Liquidity Scheme), qui était l’équivalent du LTRO (Long Term Refinancing Operations) présenté par la BCE, l’impact fut relativement incertain. C’est d’ailleurs tout le problème de ces dispositifs qui offrent la possibilité aux banques de financer très facilement leurs investissements. Le danger est alors d’acheter des actifs existants, qui ne seront pas de nature à relancer l’économie réelle. La question d’une politique efficace de relance de la croissance reste donc entière.

Décideurs. Une remontée des taux d’intérêt et un possible choc sur le marché obligataire sont-ils totalement à exclure ?
S. F.-G.
Le marché obligataire évolue très rapidement. Prenons l’exemple du taux de rendement de l’obligation émise par l’État espagnol à dix ans. Avec un taux de 2,56 %, il présente un rendement inférieur au taux à dix ans des États-Unis, actuellement de 2,60 %*. C’est un résultat très spectaculaire. Les annonces de la BCE ont amené un rally très important sur la partie courte de la courbe (un à cinq ans). Le marché ne différencie plus les obligations émises par l’Allemagne et les pays voisins. En pratique, nous constatons un écart inférieur à dix points de base sur cinq ans entre la France et l’Allemagne. Ce mouvement de compression des spreads peut bien sûr s’expliquer par la confiance des investisseurs envers l’action BCE et par les signes positifs de reprise, mais également par l’abondance des liquidités.

Décideurs. Le retour de la Grèce sur le marché obligataire marque-t-il un tournant dans
la gestion de la crise de la zone euro ?
S. F.-G.
À l’instar de celui du Portugal, le retour de la Grèce sur le marché obligataire marque une étape très importante dans la gestion de la crise de la zone euro et peut même s’apparenter à une sortie de crise. Si l’on prend un peu de recul, on s’aperçoit désormais que l’Espagne et l’Italie sont à des niveaux très proches des pays les plus solides. Pour la Grèce, la problématique est encore différente car elle sort d’une situation complexe sur le plan fondamental. Mais aussi surprenant que cela puisse paraître, l’écart n’est toutefois pas si important que cela, le taux à dix ans de la Grèce étant actuellement de 5,4 %.
Pour investir sur le marché obligataire, il faut avant tout bien définir le risque que l’on est prêt à prendre et la rémunération que l’on attend. S’agissant de BlackRrock, nous gérons une multitude de fonds et notre positionnement varie selon la stratégie établie par chacun d’eux. Certains de nos gérants n’hésitent pas à se positionner sur des obligations périphériques, tout cela dans la limite des budgets de risque. À cet égard, la Grèce nous paraît être une option valable au même titre que d’autres pays de la zone périphérique.

* Interview réalisée le 10 juin

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