Par Richard Renaudier et Marine Nossereau, avocats associés. Cabinet Renaudier
L’action de groupe en France devrait être définitivement adoptée en 2014. Réservée à la réparation des préjudices patrimoniaux résultant d’une atteinte au droit de la consommation ou au droit de la concurrence, cette nouvelle procédure devra être prise en considération par les opérateurs économiques dans le cadre de leurs activités.

L’action de groupe, évoquée depuis plus de vingt ans, n’a jamais été aussi proche de voir le jour en droit français : le projet de loi relatif à la consommation, déposé par M. B. Hamon en mai 2013, a été discuté en deuxième lecture à l’Assemblée nationale en décembre et devrait donc être adopté au cours du premier semestre 2014. Cette nouvelle procédure a pour objectif de «?garantir l’effectivité de la règle de droit (1)?», en permettant aux consommateurs d’agir collectivement contre des professionnels alors qu’ils n’auraient pas agi individuellement, du fait de la faiblesse des montants en jeux, du coût et de la lourdeur des procédures. Ce faisant, l’action de groupe tend à «?rééquilibrer les rapports entre les professionnels et les consommateurs (2)?» et relève de la régulation économique. Cette création fait écho aux travaux de la Commission européenne pour harmoniser l’action de groupe consécutive à une condamnation pour pratique anticoncurrentielle dans tous les États membres. L’analyse du projet de loi permet d’identifier les risques d’exposition des entreprises à une action de groupe, afin d’anticiper les éventuelles actions collectives des consommateurs.

Présentation de l’action de groupe
Engagée par une des quinze associations nationales de défense des consommateurs agréées, l’action de groupe aura pour finalité de permettre la réparation des préjudices subis individuellement par des consommateurs placés dans une situation identique ou similaire, et ayant pour cause commune le manquement d’un même professionnel à ses obligations légales ou contractuelles.
La nouvelle action pourra être intentée suite à un manquement d’un professionnel commis lors de la vente de biens ou de la fourniture de service, ou encore, résulter de la violation du droit de la concurrence. Dans ce dernier cas, la condamnation ne pourra être prononcée que sur le fondement d’une décision définitive des autorités de concurrence pour entente ou abus de position dominante. La question de savoir si ce champ d’application doit être étendu au domaine de la santé et de l’environnement a été discutée mais renvoyée à un examen ultérieur.
L’action de groupe ne permettra que la réparation des préjudices patrimoniaux résultant des dommages matériels subis par les consommateurs. Seront donc exclus les préjudices corporels et moraux. Par exemple, des consommateurs blessés par un four défectueux ne pourront obtenir collectivement que le remboursement du four ou son remplacement et devront engager des actions distinctes pour la réparation de leurs préjudices corporels.
S’agissant d’indemniser des dommages sériels, le secteur des biens de grande consommation, de même que les secteurs dans lesquels sont proposés des contrats d’adhésion (services bancaires, assurance, téléphonie, énergie) pourraient donc être exposés à des actions collectives.

Risques identifiés
Qualifiée d’«?arme de dissuasion massive?» (3) par M. B. Hamon, ministre à l’origine du projet, l’action de groupe provoque la crainte d’alourdir les charges des entreprises de manière disproportionnée (d’où, par exemple, l’opposition du Medef ou l’annonce de recours parlementaires devant le conseil constitutionnel).
En pratique, les préjudices sériels visés étant souvent de faible valeur, on peut penser que peu de consommateurs auront conservé la preuve de leur achat (tickets de caisse de produits de grande consommation, facture d’achat), ce qui tend à limiter le risque. Toutefois, cette preuve sera largement simplifiée contre les entreprises qui disposent de fichiers clients détaillés : le juge pourra leur enjoindre sous astreinte de communiquer leurs fichiers clients afin de délimiter le groupe de consommateurs lésés. Les entreprises disposant de fichiers clients pourraient alors plus particulièrement faire l’objet de la procédure simplifiée prévue par le législateur selon laquelle lorsque l’identité et le nombre des consommateurs lésés sont connus et lorsque ces consommateurs ont subi un préjudice d’un même montant, le juge peut les condamner à les indemniser directement et individuellement après les avoir informés individuellement (par ex. : accorder une indemnité à tous les clients d’un opérateur téléphonique suite à une panne).
Les entreprises devront alors réfléchir aux mesures qui pourraient être mises en place pour éviter une action de groupe et les sanctions pécuniaires potentiellement lourdes en résultant, de même que les risques d’atteinte à l’image de l’entreprise.
Le projet de loi prévoit que le juge statue sur la responsabilité du professionnel «?au vu des cas individuels présentés par l’association requérante?». Les entreprises auront donc tout intérêt à éviter en amont la constitution de groupes de consommateurs mécontents susceptibles de se rapprocher des associations. Pour cela, les entreprises doivent améliorer les procédures d’identification des dysfonctionnements notamment via des dispositifs de veille et améliorer le suivi de la qualité des réponses qui y sont apportées. Le suivi et le traitement de toutes les plaintes de consommateurs aux services consommateurs ou devant les juges de proximité, le retrait du marché des produits litigieux, pourraient ainsi concourir à limiter les risques de confrontation de l’entreprise à une action de groupe. En droit de la concurrence, la mise en place de programme de conformité devrait être également promue de ce fait. L’avènement de ce nouveau risque professionnel devrait également amener les entreprises à s’interroger sur la souscription de polices d’assurance, le montant des primes dépendant des efforts de prévention entrepris.
Les premières actions de groupe ne manqueront pas de susciter de vifs débats, notamment sur tous les points dont l’appréciation est laissée aux juges. Il sera intéressant de savoir à partir de combien de victimes potentielles sera valablement engagée l’action de groupe d’une association, quel standard de preuve sera requis et quelles indemnités seront prononcées. De leur côté, les entreprises contesteront ces actions, en soulevant des questions prioritaires de constitutionnalité (conformité aux libertés individuelles, aux droits de la défense, au principe d’égalité, à la liberté contractuelle, au droit au recours, etc.) ou en discutant la réalité du préjudice ou l’insuffisance de preuve.

1- Exposé des motifs projet de loi relatif à la consommation
2-http://www.economie.gouv.fr/loi-consommation/action-groupe
3-Colloque IRJS, 26 avril 2013, Sur la voie de l’action de groupe



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