Jean-Pierre Boivin, associé fondateur, Boivin & Associés, membre du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques
«Le processus de Séville cherche à imposer des référentiels communs à une Europe disparate»
La question de la gestion environnementale des risques industriels se heurte aux nécessités de croissance économique et aux intérêts souverains des États européens. Rencontre avec l’associé fondateur du cabinet spécialisé en droit public des affaires et de l’environnement, Boivin & Associés.
Décideurs. Comment les politiques français appréhendent-ils la question du risque industriel ?
Jean-Pierre Boivin. Le débat n’est pas récent : depuis plus de trente ans, notre pays se soucie de la prévention des risques industriels sur le territoire, notamment depuis l’accident Seveso en Italie qui a conduit à l’adoption de la première directive du même nom. Suite à la catastrophe AZF de Toulouse, le législateur a renforcé la sécurité autour des principaux sites industriels avec la loi «?Bachelot?». Deux idées majeures émergent : d’une part, renforcer la prévention des accidents avec la mise en place d’études de dangers plus étayées reposant sur une analyse des risques fouillée. D’autre part, mettre en place un glacis de protection autour des sites à haut risque en instituant des zones d’éloignement des tiers au moyen d’outils régaliens : expropriation dans les zones de risques à cinétique rapide, droit de préemption des communes dans les périmètres à risques moindres mais significatifs et, enfin, sur les surfaces moins impactées, zones de délaissement ou périmètres dans lesquels des travaux de confortement de l’existant peuvent être imposés aux occupants. L’objectif de ce texte est de réconcilier activités industrielles et habitats urbains en résorbant progressivement les secteurs dans lesquelles l’étude de danger fait ressortir des risques globalement inacceptables.
Décideurs. Comment l’Europe se préoccupe-t-elle de la gestion des risques et des émissions industrielles ?
J.-P. B. La gestion des risques et des émissions industrielles est une préoccupation constante partagée par le Parlement, la Commission et le Conseil. Leurs efforts se sont coagulés autour de deux familles de textes structurant les actions de l’Union dans ces domaines. Sur le versant des risques industriels, les directives Seveso I, II et III sont venues graduellement mettre en place et renforcer une politique de gestion du risque d’accident majeur. À ce titre, la directive Seveso III affine l’analyse des risques en l’adossant aux mentions de danger telles que définies dans le règlement CLP. Sur le versant des émissions industrielles, la directive IPPC – texte fondateur – a récemment été révisée et refondue au sein de la directive IED. Ce texte déploie des outils ambitieux comme le rapport de base en matière de remise en état des sols mais surtout les Bref qui rendent contraignant, pour chaque filière qu’ils organisent, le recours aux meilleures technologies disponibles (MTD) définies dans le cadre communautaire à travers le processus de Séville.
Décideurs. Ces politiques sont-elles réalistes dans la crise que traversent l’Europe et la France en particulier ?
J.-P. B. Une réponse nuancée paraît de bon aloi. Les textes relatifs à la sécurité industrielle ne soulèvent, par principe, pas d’objection. Ils ne concernent d’abord qu’un nombre restreint d’installations exploitées, pour la plupart, par des groupes industriels de premier rang. Ils nécessitent la mobilisation de personnels et de bureaux d’études hautement qualifiés dont les coûts ne sont pas négligeables, mais la sécurité devient un élément fort de communication de la stratégie industrielle des opérateurs. Néanmoins, la mise en place de la loi Bachelot à travers les PPRT pose de sérieuses difficultés.
Les enjeux de l’IED sont, pour leur part, plus délicats à cerner. Le processus de Séville repose sur un paradoxe : il cherche à imposer des référentiels communs à une Europe disparate. De profondes différences marquent encore les économies et les structures administratives des États du Nord et du Sud. Le degré de transposition des directives par chacun des États n’indique que très imparfaitement leur respect du droit communautaire et la disparité des corps d’inspection disponibles ajoute encore aux écarts existants. Le désir affiché d’appliquer une norme identique aux équipements industriels de l’ensemble des États membres se heurte au principe de réalisme, pour relever davantage, sur de nombreux plans, d’une pétition de principe. Il en résulte structurellement des inégalités entre les opérateurs en raison du lieu d’implantation de leur outil.
Décideurs. Comment les politiques français appréhendent-ils la question du risque industriel ?
Jean-Pierre Boivin. Le débat n’est pas récent : depuis plus de trente ans, notre pays se soucie de la prévention des risques industriels sur le territoire, notamment depuis l’accident Seveso en Italie qui a conduit à l’adoption de la première directive du même nom. Suite à la catastrophe AZF de Toulouse, le législateur a renforcé la sécurité autour des principaux sites industriels avec la loi «?Bachelot?». Deux idées majeures émergent : d’une part, renforcer la prévention des accidents avec la mise en place d’études de dangers plus étayées reposant sur une analyse des risques fouillée. D’autre part, mettre en place un glacis de protection autour des sites à haut risque en instituant des zones d’éloignement des tiers au moyen d’outils régaliens : expropriation dans les zones de risques à cinétique rapide, droit de préemption des communes dans les périmètres à risques moindres mais significatifs et, enfin, sur les surfaces moins impactées, zones de délaissement ou périmètres dans lesquels des travaux de confortement de l’existant peuvent être imposés aux occupants. L’objectif de ce texte est de réconcilier activités industrielles et habitats urbains en résorbant progressivement les secteurs dans lesquelles l’étude de danger fait ressortir des risques globalement inacceptables.
Décideurs. Comment l’Europe se préoccupe-t-elle de la gestion des risques et des émissions industrielles ?
J.-P. B. La gestion des risques et des émissions industrielles est une préoccupation constante partagée par le Parlement, la Commission et le Conseil. Leurs efforts se sont coagulés autour de deux familles de textes structurant les actions de l’Union dans ces domaines. Sur le versant des risques industriels, les directives Seveso I, II et III sont venues graduellement mettre en place et renforcer une politique de gestion du risque d’accident majeur. À ce titre, la directive Seveso III affine l’analyse des risques en l’adossant aux mentions de danger telles que définies dans le règlement CLP. Sur le versant des émissions industrielles, la directive IPPC – texte fondateur – a récemment été révisée et refondue au sein de la directive IED. Ce texte déploie des outils ambitieux comme le rapport de base en matière de remise en état des sols mais surtout les Bref qui rendent contraignant, pour chaque filière qu’ils organisent, le recours aux meilleures technologies disponibles (MTD) définies dans le cadre communautaire à travers le processus de Séville.
Décideurs. Ces politiques sont-elles réalistes dans la crise que traversent l’Europe et la France en particulier ?
J.-P. B. Une réponse nuancée paraît de bon aloi. Les textes relatifs à la sécurité industrielle ne soulèvent, par principe, pas d’objection. Ils ne concernent d’abord qu’un nombre restreint d’installations exploitées, pour la plupart, par des groupes industriels de premier rang. Ils nécessitent la mobilisation de personnels et de bureaux d’études hautement qualifiés dont les coûts ne sont pas négligeables, mais la sécurité devient un élément fort de communication de la stratégie industrielle des opérateurs. Néanmoins, la mise en place de la loi Bachelot à travers les PPRT pose de sérieuses difficultés.
Les enjeux de l’IED sont, pour leur part, plus délicats à cerner. Le processus de Séville repose sur un paradoxe : il cherche à imposer des référentiels communs à une Europe disparate. De profondes différences marquent encore les économies et les structures administratives des États du Nord et du Sud. Le degré de transposition des directives par chacun des États n’indique que très imparfaitement leur respect du droit communautaire et la disparité des corps d’inspection disponibles ajoute encore aux écarts existants. Le désir affiché d’appliquer une norme identique aux équipements industriels de l’ensemble des États membres se heurte au principe de réalisme, pour relever davantage, sur de nombreux plans, d’une pétition de principe. Il en résulte structurellement des inégalités entre les opérateurs en raison du lieu d’implantation de leur outil.