La rencontre du géant européen du droit, Herbert Smith, et du leader australien, Freehills, donne naissance à une global law firm qui n’a pas attendu le poids des années pour adopter une fusion totale : les deux entités sont entièrement intégrées depuis octobre?2012. Une union déjà fertile.
L’Australie, la cible en vogue pour les cabinets internationaux, l’Afrique, le nouvel Eldorado des avocats, et même la Corée du Sud, un marché stratégique à peine ouvert : Herbert Smith Freehills est parvenu en quelques mois, voire en quelques semaines, à planter son drapeau – un iris bleu – sur chacune de ces places. Et même au-delà.

Herbert Smith, l’européen expérimenté
Herbert Smith était prêt pour une expansion de cette ampleur : le cabinet d’origine londonienne cherchait depuis longtemps à approfondir ses implantations internationales, raison pour laquelle la firme avait conclu un partenariat avec Gleiss Lutz en Allemagne en 2000 et Stibbe au Benelux en 2002. L’ambition d’Herbert Smith était encore plus claire depuis 2011 lorsque proposition a été faite de fusionner à ses partenaires. Face à leur refus, Herbert Smith s’est rapidement senti libre de voir au-delà de l’Europe.
Une des raisons de l’échec de la fusion avec Gleiss Lutz est structurelle. En raison de la régionalisation de l’économie allemande, le pays est un marché qui a vu plusieurs fusions entre cabinets locaux et internationaux avorter. Les avocats allemands sont très tournés vers le droit public ou le droit social et conservent pour beaucoup une clientèle locale. Leur intégration dans un cabinet global est ainsi plus complexe qu’ailleurs.
Herbert Smith peut s’appuyer sur son expérience dans des opérations de développement et d’alliances stratégiques et sur une équipe déjà bien assise. Avant la fusion avec Freehills, Herbert Smith comptait déjà seize bureaux répartis entre l’Europe (Londres, Madrid, Belfast, Paris, Bruxelles et Moscou), l’Asie (Pékin, Hongkong, Shanghai, Tokyo, Bang­kok, Singapour et Jakarta) et le Moyen-Orient (Doha, Dubai et Abu Dhabi).

Freehills, l’australien performant
Freehills est quant à lui un des premiers cabinets d’avocats d’affaires en Australie. Il est présent à Sydney, Melbourne, Perth et Brisbane, et s’est implanté à Singapour. Sa clientèle est composée de nombreuses sociétés minières nationales et internationales (nombreuses sont asiatiques) que le cabinet suit lors de leurs opérations à l’étranger, particulièrement en Afrique. La firme affiche également une forte pratique contentieuse qu’elle a développée vers l’international pour intervenir sur des dossiers de corruption transfrontalière, d’enquêtes multinationales ou de contrats internationaux.
Gavin Bell, joint-CEO du nouvel ensemble, commente l’opération : «?La fusion avec Herbert Smith a été essentiellement motivée par la similitude qui existait entre les cultures et activités des deux cabinets plutôt que par une volonté délibérée de la part de Freehills de trouver un partenaire international. Herbert Smith est le plus grand cabinet intégré dans la zone Asie Pacifique, région qui, selon les experts, est amenée à connaître une croissance significative dans la décennie à venir.?»

Blue Sky
Le projet Blue Sky est au cœur de la stratégie de développement d’Herbert Smith. Dans ses termes, le projet accélère le développement de la firme avec l’Allemagne, les États-Unis et l’Australie en ligne de mire. C’est donc cette optique qui a uni Herbert Smith à Freehills : «?Tout ce que nous réalisons aujourd’hui a été décidé il y a plusieurs années dans le projet Blue Sky dont les éléments ont été définis entre tous les associés du cabinet, explique Hubert Segain, managing partner du bureau parisien (lire encadré page suivante). Notre vision de la globalisation était claire, partagée et déterminée en amont.?» Pas de place pour l’improvisation.
Un des éléments fondamentaux de Blue Sky était l’implication des clients dans les décisions de développement de la firme. «?Nous avons consulté nos cinquante plus grands comptes avant la fusion pour connaître leur sentiment. Les résultats ont conforté notre choix : la fusion leur donnait non seulement l’accès à un réseau en Australie sous la même marque, une demande fondamentale depuis notre partenariat avec Gleiss Lutz et Stibbe, mais en plus nous avons pu vérifier l’intérêt concernant les synergies et l’absence de conflit d’intérêt?», précise Hubert Segain.

Le choix de l’intégration totale
Si la plupart des opérations de fusion entre deux cabinets d’avocats d’affaires suivent la règle timide et prudente des Verein issues du droit suisse, la méthode de rapprochement entre Herbert Smith et Freehills s’en éloigne. La nouvelle firme est issue d’une fusion totalement intégrée, ce qui induit la réunion des practices groups, la constitution d’équipes multinationales et bien sûr le partage des résultats. Ce dernier thème a été très largement étudié par les associés dirigeants. Le système de rémunération d’Herbert Smith est un pur lockstep, qui devrait évoluer vers un système hybride (développement de la clientèle, participation à la croissance du cabinet, pro bono, formation des plus jeunes, cross-selling, etc.). Cette modération du lockstep d’Herbert Smith permettra à terme, c’est-à-dire lorsque la période de transition de dix-huit mois sera achevée, de fonctionner sur la base d’un système unifié pour toute la firme. «?Faire évoluer le mode de calcul de la rémunération des associés était un des projets contenus dans Blue Sky. La fusion avec Freehills confirme que ce choix déjà ancien était le bon, commente Hubert Segain. Le pur lockstep a l’avantage de conserver une forte unité des practices et des compétences à travers l’ensemble de nos bureaux. Faire évoluer la firme jusqu’en Australie et dans d’autres territoires impose néanmoins de moderniser nos principes de fonctionnement.?»
Pour David Willis, joint-CEO, le choix de la fusion totale était judicieux : «?Nous avons opté pour une fusion réellement intégrale car nous pensons que ce type de structure est le mieux adapté pour fournir un service intégré et complet à nos clients – la création, dès le tout premier jour de la fusion, d’une structure unique et totalement intégrée a donné l’impulsion nécessaire pour permettre aux associés de travailler en étroite collaboration et de fournir un service de premier plan.?»

Des aménagements
Comme toute opération d’ampleur, l’intégration des équipes de deux entités nécessite des aménagements internes. Côté organisation, la fusion a renforcé les métiers historiques des deux cabinets. À présent, les activités se répartissent équitablement entre contentieux (contentieux des affaires et arbitrage), corporate (transactionnel et conseil) et les autres métiers (banque et finance, financement de projets, droit social, droit immobilier et droit de la concurrence).
Côté management, la fusion fera évoluer la gouvernance de la firme. David Willis, chairman d’Herbert Smith, est donc devenu co-chairman avec Gavin Bell, jusqu’à présent à la tête de Freehills. Il sera mis fin à ce dualisme à la fin de la période de transition. Cette articulation est le fruit d’une tractation avec David Willis, dont le mandat à la direction de la firme arrivait à son terme en 2011 mais qui a été appelé à poursuivre ses missions pour assurer la période post-fusion.

Focus sur l’énergie
Le secteur de l’énergie est au cœur de la stratégie qui sous-tend l’opération. Freehills, reconnu en contentieux des affaires, est également très performant sur ce marché, et le développement de la pratique énergie se poursuit au rythme de celui de l’Australie. Cette évolution va de pair avec le développement de l’axe Chine/Afrique depuis l’Europe et l’Australie. La clientèle de Freehills comprend de nombreux investisseurs asiatiques, dont les activités se tournent vers l’Afrique. L’appui des équipes européennes dédiées à l’Afrique est un atout majeur pour Freehills, tandis qu’Herbert Smith voit dans l’opération l’occasion de développer ses dossiers asiatiques et chinois en particulier.
Conséquence directe : la pratique arbitrage international est en plein essor. Pour cela, le bureau de Hong­kong a recruté un spécialiste en la matière, Jun Bautista, en octobre?2012. Le bureau de Moscou, également très tourné vers l’activité énergie et infrastructures, a développé une importante clientèle de fonds australiens présents en Russie. Il accompagne également le gouvernement russe aux côtés de Moscow Railway pour l’installation de rings d’exploitation notamment. Plus globalement, ce focus sur l’arbitrage international est le lien parfait entre la forte réputation en contentieux d’Herbert Smith Freehills et la stratégie de développement de l’activité énergie.

Les fruits de l’union
Il n’a pas fallu attendre longtemps pour que de l’union entre Herbert Smith et Freehills naissent de nouveaux bureaux. Dès octobre, la firme annonce que le bureau parisien est prêt à envoyer une équipe de six avocats à Conakry, en Guinée (lire encadré pages suivantes). En septembre, le bureau de New York est inauguré. L’équipe est tournée vers l’arbitrage international, le droit pénal économique et le contentieux des affaires. Pour la réalisation de cette opération, six nouveaux associés en provenance de Chadbourne & Parke ont rejoint le cabinet. Ils sont accompagnés par trois of counsels et huit collaborateurs. Un associé en arbitrage (Chris Parker) et un collaborateur sont également délocalisés depuis Londres. Cette implantation aux États-Unis est la première pour la firme, qui affiche clairement son ambition de prendre une place sur le marché des cabinets contentieux sans pour autant faire concurrence à ses partenaires américains en matière d’opérations corporate. Quasiment concomitamment, la firme obtient l’agrément d’installation de son bureau à Séoul, un projet de longue date. C’est la quatrième licence délivrée à un cabinet étranger. L’équipe sud-coréenne sera dirigée par l’associé londonien Tony Dymond qui s’est vu délivrer le certificat de permission d’ouverture d’un bureau étranger de consultants juridiques par le ministère de la Justice. Le bureau devrait voir le jour au cours du premier semestre 2013. Son activité se tournera, comme l’ensemble des bureaux de la firme, vers les opérations internationales. Il permet à Herbert Smith Freehills d’être présent aux côtés de ses clients locaux, comme Korea Electric Power Corporation. Le cœur de l’activité de l’équipe sera donc le contentieux et l’énergie.
Plus proche, l’Allemagne est le prochain marché à accueillir une équipe d’Herbert Smith Freehills avec l’annonce de l’ouverture en 2013 de nouveaux bureaux. Jouxtant de très près la fusion et les ouvertures à Séoul, New York et Conakry, la création des bureaux allemands a pourtant été ralentie par le pacte de rupture de l’alliance avec Gleiss Lutz interdisant au cabinet de s’y installer avant qu’un délai de douze mois ne se soit écoulé.

L’enjeu stratégique de Belfast
La branche australienne a vu d’un très bon œil la présence d’Herbert Smith dans une place stratégique pour les investissements : Belfast. Ouvert en avril 2011, le bureau irlandais est spécialisé dans le traitement de dossiers contentieux, arbitrage et enquêtes réglementaires de grandes envergures. Ces dossiers, nécessitant l’analyse rapide d’un nombre important de documents, bénéficient d’un coût de traitement moindre. Belfast permet donc le traitement des contentieux complexes à un coût moindre par
rapport au marché britannique. Ce bureau intervient donc en lien direct avec celui de Londres pour prendre en charge 45?% de son contentieux. Son succès se traduit par des annonces de développement. En décembre 2012, décision a été prise d’étendre son offre au droit immobilier, aux rapports d’audit et au droit bancaire. Des avocats australiens ont d’ores et déjà rejoint l’équipe irlandaise. L’équipe est d’ailleurs passée de vingt-six personnes en 2011 à soixante-cinq aujourd’hui.

Un peu de prospection
Herbert Smith Freehills en serait-il seulement à sa première phase d’expansion ? Le marché l’a démontré : les global firms se construisent fréquemment par adjonction de cabinets leaders dans leur pays, à l’image de Norton Rose qui s’est implanté au Canada, en Afrique du Sud et aux États-Unis (depuis la fusion avec Fulbrigt & Jaworski). K&L Gates et Middletons ont également réalisé une fusion transatlantique en fin d’année. L’hypothèse d’une nouvelle phase de développement par la prolongation du projet Blue Sky est d’autant plus envisageable qu’Herbert Smith n’a jamais caché son ambition de s’allier avec un cabinet américain. Reste à trouver le nom qui sera accolé à celui d’Herbert Smith Freehills…
Quoi qu’il en soit, avec vingt bureaux dans le monde, quelque 2 800 avocats et un chiffre d’affaires réuni d’environ 850?millions de livres (370?millions de livres pour Freehills et 480 pour Herbert Smith en 2011/2012), il est le huitième plus grand cabinet au monde quant au nombre d’avocats.
Reste maintenant à uniformiser l’ensemble des indicateurs de la nouvelle firme internationale et à établir le nouveau système de rémunération. Les dix-huit mois de transition seront bien utiles à Herbert Smith Freehills pour finaliser l’intégration de l’ensemble.

Conakry, un projet porté par Paris
L’activité en Afrique représente 15?% à 20?% du chiffre d’affaires du bureau de Paris, qui, jusqu’à présent, dirigeait les dossiers africains. Sous l’impulsion de Stéphane Brabant, associé dirigeant de l’Africa group et co-head de la pratique mines au niveau mondial (avec l’Australien Jay Leary) et Bertrand Montembault, associé dirigeant de la future équipe en Guinée, le bureau de Paris tient les rênes du développement de l’activité d’Herbert Smith Freehills en Afrique. «?Avec 285 sociétés minières australiennes installées en Afrique qui couvrent 780 projets, la fusion entre Herbert Smith et Freehills prend tout son sens depuis l’ouverture à Conakry?», se réjouit Stéphane Brabant. Ce dernier, qui a étudié en Australie, est présent en Afrique depuis plus de vingt ans. Il a passé sept ans au Gabon, où Bertrand Montembault l’a rejoint pour débuter sa carrière d’avocat. Leurs projets sont ambitieux : ouvrir un bureau à Conakry, grâce à la délocalisation de six avocats parisiens, et surtout, participer au développement d’un marché du droit des affaires pour les Africains. «?Nous sommes persuadés que l’installation de cabinets internationaux en Afrique subsaharienne entraînera un réel appel de dossiers pour les avocats locaux. Forts de nos convictions, nous dispensons des formations auprès de nos confrères et clients africains, développons nos partenariats avec de nombreux cabinets, en contentieux notamment, et avons créé des projets tournés vers les droits de l’homme et le droit de l’environnement?», expliquent-ils. Grâce à son expérience de longue date du terrain et des cultures, la nouvelle équipe se fixera donc pour objectif le développement du marché du droit des affaires en Afrique. D’ailleurs, l’équipe guinéenne devrait à terme être dirigée par un avocat local si la firme trouve le candidat idéal.
La clientèle du cabinet est bien sûr composée d’industries minières et pétrolières (BHP Billiton, Rio Tinto, Nordgold, etc.) mais pas uniquement. Les dossiers sont nombreux concernant des biens de consommation et des TMT par exemple. Ces dossiers sont également emblématiques de l’ancienneté de l’incursion du cabinet dans la région. Herbert Smith a par exemple conseillé Bharti Airtel sur l’acquisition de quinze réseaux africains de téléphonie mobile de la société Zain (pour une valeur de 10,7?milliards de dollars) ou sur l’acquisition de la société Zain Africa B.V cotée au Koweït, qui reste à ce jour l’un des plus gros dossiers de M&A jamais conduit en Afrique.
L’avenir d’Herbert Smith Freehills en Afrique ne passera pas par le Maroc, ni la Tunisie, mais certainement l’Algérie, où tout reste à faire. La firme travaille déjà avec deux cabinets locaux. L’Afrique du Sud et la Côte d’Ivoire sont également visées, toujours avec cette volonté de participer à la construction d’une véritable plate-forme couvrant le continent africain.



Paris, bientôt cinquante ans de présence
Herbert Smith Freehills est présent à Paris depuis 1964. Depuis le 1er décembre 2012, le mode de gouvernance a évolué. Le bureau s’est doté d’un managing partner (Hubert Segain) et d’un directoire composé de quatre associés : Stéphane Brabant, Isabelle Michou, Régis Oréal, Pierre Popesco et du directeur général du bureau, Jean-Didier Billard.
Cette direction est à la tête d’une équipe organisée en dix départements. Avec vingt-cinq associés, l’activité est équitablement répartie entre conseil et contentieux. Le bureau de Paris a été nommé récemment sur le panel mondial de BNP Paribas et de la Société générale toutes spécialités et toutes zones géographiques confondues, et ce, avant même la réalisation de la fusion avec Freehills.


La fin de l’alliance avec Gleiss Lutz et Stibbe
La communication officielle de la firme est claire : «?L’alliance entre Herbert Smith, Gleiss Lutz et Stibbe fut conclue sous la forme d’une collaboration formelle entre trois cabinets de premier plan et avait pour objectif de fournir un service continu au-delà des frontières ; chacun des cabinets conservant son indépendance, l’alliance ne constitua jamais un partenariat intégré. Après un examen global des objectifs de développements stratégiques qui débuta au printemps 2011, il devint évident pour Herbert Smith que le cabinet devait mettre en place une offre de services totalement intégrée. Quelques mois plus tard, courant 2011, Herbert Smith proposa donc à Gleiss Lutz et Stibbe de fusionner en une seule entité. Le cabinet était pleinement conscient, dès le départ, qu’il pouvait essuyer un refus de la part de Gleiss Lutz et Stibbe, il était prêt à faire face à cette éventualité. Gleiss Lutz et Stibbe firent savoir qu’ils ne souhaitaient pas engager de discussion avec Herbert Smith en vue d’une telle fusion. Depuis, le cabinet anglo-saxon a engagé une réflexion afin d’établir une présence en Allemagne. Le projet est déjà avancé et le cabinet est en bonne voie pour ouvrir un bureau en 2013.?»


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