L'évolution du droit conduit à un développement des programmes de conformité au sein des entreprises – traduisant une obligation de moye qui s'impose à elles de veiller au respect des règles qui leur sont applicables –, de nature à les exonérer en tout ou partie d'éventuels fautes ou manquements commis en leur sein, à condition

L'évolution du droit conduit à un développement des programmes de conformité au sein des entreprises – traduisant une obligation de moyens qui s'impose à elles de veiller au respect des règles qui leur sont applicables –, de nature à les exonérer en tout ou partie d'éventuels fautes ou manquements commis en leur sein, à condition que ces programmes soient effectifs et non de simple apparence.



Nés aux États-Unis dans les années 1980 pour prendre en considération les efforts fournis par les entreprises et leur bonne foi quant à l'application des réglementations, les programmes de conformité ne cessent de se développer avec l'internationalisation des échanges commerciaux, les scandales financiers tels que Enron, WorldCom ou Siemens - qui ont conduit à la naissance de législations spécifiques - et se trouvent renforcés par les conséquences de la crise actuelle.
Ces programmes se sont ainsi généralisés sur le continent européen, la France faisant toutefois figure de mauvais élève en la matière tant ils sont mal compris, sans que soient véritablement mesurés les avantages qui existent à les appliquer et les risques qu'il y a à les ignorer.

Ces programmes peuvent être définis comme regroupant l'ensemble des mesures prises par une entreprise afin de garantir que ses collaborateurs respectent, dans son activité quotidienne, les règles en vigueur applicables.
Se fondant sur le principe comply or explain, qui devient un élément central du gouvernement d'entreprise dans l'Union européenne, des codes de conduite ont ainsi été mis en place mais accueillis avec circonspection : l'adhésion à un code obligerait l'entreprise à expliquer les raisons de son engagement ; à l'inverse, la non-adhésion à un code signifierait que l'entreprise s'écarte des dispositions qui s'y trouvent.
Ces critiques ont été développées envers les programmes de conformité au motif qu'ils contribueraient à établir une véritable loi interne pouvant se retourner contre la société en cas de défaillance, comme si une autorité de tutelle ou judiciaire ne pouvait trouver d'autres moyens pour la sanctionner.
Toutefois, ces critiques ne résistent pas aux avantages de tels programmes, à condition qu'ils ne soient pas un simple effet d'« éthique cosmétique », aux effets alors désastreux en cas de poursuites.
Un programme de conformité réel consiste avant tout à gérer le risque juridique en assurant la conformité aux règles en vigueur pour éviter la destruction de valeur.
Cette gestion du risque juridique passe notamment par un processus d'identification des risques propres à chaque entreprise, par leur analyse, leur surveillance et leur correction. Est ainsi encouragée une culture de la conformité qui devient instinctive au sein de l'entreprise et évite la pesanteur bureaucratique, propre à paralyser l'effectivité du système et à favoriser le contournement des règles.
Ceci suppose évidemment une implication réelle des dirigeants, des moyens humains, techniques et financiers dédiés à la formation des collaborateurs, à la visibilité du programme, à son effectivité et une sanction des comportements non-conformes.
Compris comme n'étant pas une charge financière supplémentaire, un tel programme deviendra le moyen de consolider des procédures internes, d'éliminer les incohérences et les systèmes d'information redondants, en impliquant les collaborateurs de l'entreprise et ses partenaires par la mise en place d'une politique claire et affirmée de conformité, contribuant ainsi à une augmentation de la valeur de l'entreprise par une diminution du risque juridique et judiciaire aux conséquences incalculables en termes d'image et de réputation.
Avantage concurrentiel envers des adversaires non-conformes, réponse aux pressions sociales et externes, préservation de la réputation par sa crédibilité, contribution à une bonne notation vis-à-vis des marchés financiers, un programme de conformité devient ainsi un levier de la performance de l'entreprise tant il est certain a contrario qu'une mauvaise conformité est de nature à générer une sous-performance.
Les pouvoirs publics n'ayant pas les moyens de déceler les non-conformités et fraudes complexes au sein de l'entreprise, un mouvement législatif se dessine en confiant désormais la charge de la prévention et du contrôle à l'entreprise elle-même. Se constitue ainsi un véritable commissariat au droit, impliquant audits juridiques et certifications, la crise actuelle annonçant un accroissement de cette autorégulation.

À titre d'exemples :
- l'article L.464-2 du Code de commerce dispose que les entreprises peuvent proposer à l'Autorité de la concurrence des engagements « de nature à mettre un terme aux pratiques anticoncurrentielles », qui doivent être crédibles, vérifiables et susceptibles de régler l'atteinte à la concurrence pour ouvrir droit à une réduction d'amende ;
- les articles L.225-37 et L.225-68 du même code imposent à une société cotée, lorsqu'elle « se réfère volontairement à un code de gouvernement d'entreprise , de préciser  les dispositions qui ont été écartées et les raisons pour lesquelles elles l'ont été  » ou, au cas où elle ne se réfère pas à un tel code, d'indiquer « les règles retenues en complément des exigences requises par la loi et [d]'explique[r] les raisons pour lesquelles la société a décidé de n'appliquer aucune disposition de ce code  »;
- les articles L.561-32 et R.561-38 du Code monétaire et financier imposent la mise en œuvre de procédures « pour le contrôle des risques » en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, le périmètre des personnes assujetties à ces obligations étant extrêmement large ;
- le Foreign Corrupt Practices Act, qui a vocation à s'appliquer notamment aux groupes français ayant des intérêts directs ou indirects avec les États-Unis, impose la mise en œuvre de programmes de conformité dont l'insuffisance ou le manquement est sévèrement sanctionné ;
- les autorités de régulation telles que l'AMF, la CNIL, la HALDE adoptent des recommandations et travaillent actuellement sur des politiques de conformité destinées à mieux réguler leurs domaines d'activités respectifs. Le 1er juillet 2010, l'AMF va ainsi mettre en place un dispositif de certification et de validation des connaissances notamment des responsables de la conformité, sanctionné à terme par une amende en cas de défaut de formation ;
- l'introduction en droit français de la huitième directive oblige notamment les comités d'audit des sociétés cotées à assurer le suivi de l'efficacité des systèmes de gestion des risques, ce qui pourrait conduire à un renversement de la charge de la preuve en l'absence ou en l'insuffisance d'un programme de conformité ;
- comme pour la délégation de pouvoirs, qui est aujourd'hui considérée par la jurisprudence comme obligatoire pour nombre d'entreprises, les programmes de conformité, en permettant de justifier que l'entreprise a respecté son obligation de moyens quant à l'application de la réglementation qui s'impose à elle, peuvent ainsi contribuer à écarter ou diminuer la responsabilité pénale de l'entreprise et de ses dirigeants en cas d'infractions.
L'obligation de moyens qui pèse sur l'entreprise - professionnelle dans son secteur d'activité qui ne peut dès lors ignorer les risques auxquels elle est nécessairement exposée - la contraint désormais à justifier qu'elle a mis en œuvre une politique de conformité à même de prévenir, de détecter et de sanctionner les fraudes et manquements pouvant survenir en son sein. À défaut, l'entreprise et ses dirigeants sont alors susceptibles d'encourir une responsabilité aux plans civil et pénal qui tiendra compte de cette abstention ou de cette insuffisance.
Cette évolution du droit en la matière impose donc aux entreprises françaises d'anticiper ce mouvement en mettant en œuvre des programmes de conformité réellement efficaces et non pas simplement déclaratifs ou artificiels, sources alors de graves conséquences.

Mai 2010

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