« Le 24 octobre 2012 signe le premier ou le dernier jour du reste de ma vie d’avocat », se souvient le défenseur de Jérôme Kerviel.
 « Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit ». Nous sommes le 24 octobre 2012. Après des mois de travail acharné, « j’ai l’intime conviction que la défaite est proche, pourtant il est inconcevable de perdre », explique David Koubbi. Sur la route qui le conduit à son cabinet, le téléphone ne cesse de sonner. « Je reçois près de cent cinquante appels et messages. »

Dix heures. Autour du bureau d’architecte, l’avocat et son client patientent sans échanger un mot. Rue Troyon, le premier étage est comme en apesanteur. Seules les notes du morceau Salut à toi de Bérurier noir viennent perturber « l’ambiance de mort ». Jérôme Kerviel et David Koubbi préparent leur combat contre la finance et, plus précisément, la Société générale, « la Générale », comme préfère la désigner l’homme de robe.

Deux heures plus tard, c’est l’ensemble du cabinet, « en formation de combat », qui se rend au Palais. Les berlines du convoi s’engouffrent les unes après les autres dans le parking Harlay, quai des Orfèvres. « C’est le jour du dénouement. La presse est omniprésente et tous veulent un "mot"! »
Les deux hommes préfèrent se retrancher au sous-sol et enchaînent les cigarettes. Apparemment, imperturbables. « Nous savons que nous allons à l’échafaud. » David Koubbi a beau faire bonne figure, il bouillonne intérieurement : « La veille, sur Twitter nous avons appris que nos deux plaintes pour faux et usages de faux, ainsi que pour escroquerie au jugement à l’encontre de la Société générale, ont été classées sans suite par le parquet. »

Quatorze heures passées, la défense de l’ancien trader, sur le pied de guerre, fait son entrée à l’intérieur de la première chambre de la cour d’appel de Paris, « là même, où ont été jugés Dreyfus et Pétain », rappelle l’avocat d’affaires.
« La Cour ! », proclame l’huissier. « Jérôme est assis devant moi, mes mains sont posées sur ses épaules. » La présidente, Mireille Filippini, apparaît. « Elle ne regarde pas l’assemblée, baisse la tête et en trois petites minutes annonce d’une voix presque inaudible son délibéré ». L’arrêt confirme le jugement de première instance : Jérôme Kerviel est condamné à cinq ans de prison, dont trois fermes, et à verser 4,9 milliards d’euros de dommages-intérêts à la « Générale ». À cette annonce, « je suis ivre de colère, je suis révolté et j’ai envie de tout envoyer valser. »

Sur les marches du palais de justice, face à l’armée de caméras et de micros tendus, David Koubbi déclare, plus résolu que jamais : « Nous nous étions fixé pour objectif de défendre monsieur Kerviel contre une injustice absolument lamentable. Je constate que nous avons échoué. Nous allons cependant continuer de le soutenir dans son combat. »
Dans la voiture les reconduisant, les deux hommes, abattus, esquissent pourtant un sourire. « Tant qu’il y a du noir, il y a de l’espoir », chantaient les Béru dans leur album Même pas mort

Deux ans plus tard, « les deux plaintes déposées contre la banque sont en cours d'instruction au pôle financier de Paris », explique l’avocat,« les 4,9 milliards d’euros de dommages-intérêts ont été annulés par la Cour de cassation et la peine de Jérôme Kerviel a été aménagée.» L’ex-trader porte désormais un bracelet électronique. Prochain rendez-vous, le 13 novembre devant la cour d’appel de Versailles pour la suite de l’affaire « dite Kerviel », comme aime le souligner David Koubbi.


Camille Drieu

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