Par Nicolas Genty, avocat associé. Fidal
La Loi Hamon (17 mars 2014 relative à la consommation), indépendamment de l’introduction en France de l’action de groupe, consacre un volet aux relations fournisseurs/distributeurs, en apportant des précisions à la Loi de Modernisation de l’économie sans en modifier les principes de base. Toutefois, on peut s’interroger sur le maintien de l’approche dite de «?rééquilibrage des relations?». Cette approche indispensable en relation B to C montre ses limites en relation B to B.

Principales dispositions

La formalisation des conditions générales de vente (CGV)
Hier «?socle de la négociation commerciale?», elles sont aujourd’hui «?socle unique?» de la même négociation commerciale. Cette modification est censée rassurer les fournisseurs face aux demandes de tarif spécifique sans passer par la négociation notamment de conditions particulières de vente ou d’autres obligations. De plus, les CGV doivent désormais être transmises au plus tard le 1er décembre hormis pour les produits soumis à un cycle de commercialisation particulier (deux mois avant le point de départ de la période de commercialisation). Le législateur a par ailleurs légèrement fait évoluer les règles relatives aux délais de paiement concernant les factures périodiques et la procédure d’acceptation des marchandises. Indépendamment de la loi Hamon, le fournisseur devra s’assurer qu’il a pris en compte les évolutions de la négociation engendrées par la LME (introduction de l’interdiction de la soumission à un déséquilibre significatif et suppression de l’interdiction des pratiques discriminatoires). Il sera nécessaire pour les opérateurs de vérifier que les CGV jouent effectivement le rôle d’outil de négociation et de coopération.

La formalisation de la convention récapitulative annuelle
Le barème de prix devra désormais être annexé à la convention récapitulative. Certains y verront sûrement un risque (ou une chance ?) de figer le tarif pendant la durée de la convention. La question de la modification tarifaire en cours d’année est extrêmement complexe d’autant plus que celle-ci est influencée par les textes relatifs au déséquilibre significatif et à la rupture brutale de relation commerciale. De plus, la loi prévoit désormais que le prix convenu résultant de la négociation entre en vigueur au plus tard le 1er mars et que les éléments financiers composant la négociation (conditions de l’opération de vente, services de «?coopération commerciale?» et «?autres obligations?») doivent entrer en vigueur au même moment. On pourra s’interroger sur le sens du rappel de l’interdiction de la disproportion des avantages déjà en partie visée à l’article L.442-6 du Code de commerce (et donc désormais sanctionnée administrativement ?) ainsi que celui qui devra être attaché à la précision selon laquelle les «?autres obligations?» peuvent faire l’objet d’une réduction de prix «?globale?». Gageons que ces deux dispositions auront des conséquences sur les arbitrages réalisés entre les différentes catégories d’avantages et provoquer des mouvements entre ces catégories (remontée de l’arrière vers l’avant, baisse technique de tarif…).
De plus, la loi prévoit pour certains produits dont la liste pourra évoluer(1), l’obligation de prévoir une clause de renégociation que les professionnels ont rapidement qualifiée de clause de «?revoyure?» obligeant les parties à se rencontrer en cas de fluctuation du prix des matières premières. Enfin, il est prévu que chaque opération de Nouveaux Instruments Promotionnels sous mandat (NIP) devra désormais être prévue dans un contrat écrit qui devra détailler certains éléments. En revanche, lors des discussions, a été supprimée l’obligation de prévoir dans la convention récapitulative l’enveloppe globale de NIP.

L’exécution de la convention
Le législateur vise trois comportements qu’il souhaite voir modifier :
Les échanges en cours de négociation : désormais le distributeur devra répondre «?de manière circonstanciée à toute demande écrite du fournisseur portant sur l’exécution?» de la convention récapitulative.
Le décalage entre le prix convenu et le prix facturé ou payé : désormais il sera interdit «?de passer, de régler ou de facturer une commande de produits ou de prestations de services à un prix différent du prix convenu?» résultant de la convention récapitulative éventuellement modifiée ou des CGV acceptées par le client sans négociation.
Garantie de marge : enfin, dans une rédaction qui ne manquera pas de poser des problèmes d’interprétation, il est prévu qu’au nombre des avantages indus qui peuvent être obtenus par un partenaire commercial, figure désormais «?la demande supplémentaire, en cours d’exécution du contrat, visant à maintenir ou à croître abusivement ses marges ou sa rentabilité?».
Indépendamment des modifications, les opérateurs restent suspendus aux décisions qui seront prises par les autorités en matière de contrôle et surtout d’application des nouvelles sanctions administratives qui devraient être prononcées plus rapidement que les anciennes sanctions.

En attendant une nouvelle loi ?

La Loi relative à la consommation marquera peut-être la fin de cette surenchère législative dans les relations B to B.
Peut-on raisonnablement imaginer que le cadre réglementaire soit indéfiniment renforcé ?
Le cadre actuel apparaît très complexe à mettre en œuvre dans des domaines d’activités habitués à l’exercice (notamment relations entre l’industrie alimentaire et les grands distributeurs).
Que dire alors dans d’autres domaines qui ne connaissent pas les mêmes préoccupations.
Ces différentes évolutions législatives marquent leurs limites en raison de la réticence des opérateurs économiques à porter devant les Tribunaux, les litiges qu’ils peuvent connaître.Pour pallier cette difficulté, le Législateur a prévu de longue date pour les abus commis dans le cadre des relations fournisseur-distributeur, une action autonome du ministre de l’Économie afin d’intervenir en lieu et place des victimes. Toutefois, eu égard aux multitudes de relations existantes entre fournisseurs et distributeurs, peut-on raisonnablement imaginer que l’État se substitue à l’ensemble des victimes ?
L’action de l’État ne peut pas être la seule réponse. À notre sens, l’approche doit évoluer.
Collectivement, ne peut-on pas imaginer que les acteurs des différentes filières concernées et notamment la filière alimentaire prennent leur destin en main à travers une modification des comportements des différents opérateurs (producteurs, transformateurs et distributeurs) ? L’adoption d’une charte commune prévoyant une négociation raisonnée et le recours facilité voire encouragé à la médiation en cas de difficulté rencontrée pourraient permettre d’améliorer plus efficacement la situation que l’adoption d’une Loi dont l’effet est forcément limité et retardé.
Individuellement et sans attendre de mouvement collectif, les acteurs pourraient faire évoluer les outils de la négociation et leur comportement.
À écouter les acteurs, il y a une forme d’urgence à laquelle la loi ne peut pas forcément répondre.

1-Actuellement essentiellement viande, poisson, lait, œufs et les produits issus de leur première transformation.

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