S’il ne peut être raisonnablement escompté que la France résiste encore longtemps aux sirènes des tenants de l’action de groupe, le contentieux de la respoabilité du fait des produits de santé devrait rester ho du champ d’application d’une telle réforme.

S’il ne peut être raisonnablement escompté que la France résiste encore longtemps aux sirènes des tenants de l’action de groupe, le contentieux de la responsabilité du fait des produits de santé devrait rester hors du champ d’application d’une telle réforme.

La class action contamine aujourd’hui insidieusement, mais régulièrement, tous les débats juridiques. Cette action permet à un requérant d’exercer, au nom d’une catégorie, une action en justice. Deux décisions illustrent l’actualité du débat français en la matière. Le 13 janvier 2010, le TGI de Paris a débouté Vivendi qui contestait la participation de français à une class action devant un tribunal de New York. La Cour d’appel de Paris a, quant à elle, le 22 janvier 2010, déclaré nulle l’action d’UFC-Que choisir, dans le secteur de la téléphonie mobile, pour défendre les intérêts de 3 700  consommateurs. À la suite de certaines initiatives communautaires, même le président de l’Autorité de la concurrence appelle, à l’occasion de ses vœux, l’adoption d’une telle réforme pour la réparation des dommages concurrentiels.

Ces affaires, tout comme celle du site Classaction.fr(1), montrent que des pratiques, ou à tout le moins des tentatives, se développent pour pallier l’absence d’action de groupe. La pression communautaire semble toutefois, à terme, rendre inéluctable une prise de position en faveur d’une action de groupe à la française. Cependant, même si cette réforme semble difficile à éviter, son extension aux contentieux de la responsabilité du fait des produits de santé doit être évitée.



UNE RESISTANCE FRANCAISE DIFFICILE

Si les associations de consommateurs disposent de plusieurs actions judiciaires, seule la représentation conjointe
(2) permet d’obtenir collectivement la réparation de préjudices individuels. Les intéressés en soulignent toutefois les lourdeurs et l’inefficacité.

Les associations de patients agréées se sont également vues reconnaître le droit à certaines actions
(3). Elles ne peuvent toutefois que s’adjoindre à une procédure en cours devant la juridiction pénale et ne peuvent solliciter que la réparation d’un préjudice collectif. L’action en représentation conjointe n’est en effet pas prévue à leur profit. Notons que la question pourrait se poser de savoir si, en tant que consommateurs de médicaments, des patients pouraient solliciter une association de consommateurs agréée.
 
En l’absence de contrainte communautaire, la France ne connaît donc pas l’action de groupe et a pris le temps du débat. Les enjeux sont importants, les intérêts divergents, les débats interminables : un feuilleton rythmé par divers rapports, projets et propositions.

Tout d’abord, des projets de 2006 prévoyaient une class action ouverte aux seules associations agréées, pour la réparation des préjudices matériels des consommateurs, d’un montant inférieur à 2 000 euros, nés d’un manquement d’un professionnel à ses obligations contractuelles. Bien que s’écartant du modèle américain, ces projets ont été critiqués et retirés. Le rapport Attali pour la libération de la croissance de 2007 et le rapport Coulon pour la dépénalisation de la vie des affaires de 2008, ont préconisé une fois encore la création d’une action de groupe à la française. La dernière proposition de loi, dangereusement calquée sur le modèle américain, a été retirée à l’automne 2009. Le 21 octobre 2009, un groupe de travail a reçu pour mission l’examen, une nouvelle fois, de l’opportunité et des conditions de l’introduction de l’action de groupe. Ses travaux sont attendus dans le courant du premier semestre 2010.

En 2008, les autorités communautaires ont elles aussi apporté leur contribution
(4) et un instrument législatif devrait être adopté avant la fin du mandat de la Commission.


UNE LEGITIME EXCLUSION DU CONTENTIEUX DE LA RESPONSABILITE DU FAIT DES MEDICAMENTS.

Même s’il existe un fort courant pour l’instauration d’une class action en France, le domaine de la santé ne devrait pas être inclus dans son champ d’application.

Tout d’abord, les inquiétudes des consommateurs concernent les secteurs où des abus ont été constatés ou sont redoutés. Le président Guy Canivet affirmait qu’« introduire l’action collective est une évolution inéluctable » et soulignait qu’ « un certain nombre de grands groupes adoptent des solutions contraires au droit ». C’est également « d’actions collectives contre les pratiques abusives », dont parlait le Président Jacques Chirac en 2005 à l’occasion de la présentation de ses vœux à la Nation. L’action de groupe aurait ainsi des vertus préventives contre certains comportements illégaux et conscients des entreprises. Or, pour ce qui la concerne, l’aléa « inconscient » est inhérent à l’activité de l’industrie pharmaceutique marquée notamment par le risque de développement, postérieur à un bilan bénéfice/risque identifié au moment de la mise sur le marché des médicaments. Le fait générateur de la responsabilité d’un laboratoire du fait d’un médicament ne sera jamais la résultante de l’adoption de « solutions contraires au droit », pas plus que d’un comportement illicite et intentionnel. L’affection iatrogène ne saurait être la résultante d’une « faute lucrative » pour laquelle le rapport d’information relatif à la responsabilité civile de juillet 2009, préconisait de réserver les actions collectives.

Ensuite, les tenants de l’introduction d’une action collective soulignent sa nécessité pour protéger le consommateur dans le cas où le faible montant de son préjudice le dissuade de tout recours judiciaire. Un des projets de loi visait le « préjudice hors de proportion avec le coût et les contraintes d’une action individuelle ». Or, en matière d’affections iatrogènes, le préjudice évalué en argent n’est pas négligeable, loin s’en faut. Par ailleurs, la loi du 4 mars 2002 a institué un mécanisme de résolution amiable des conflits parfaitement efficace et opérationnel. Cette voie réduit, si ce n’est anéantit, le coût et les contraintes de l’action pour le patient, et prive donc la class action de sa justification et de sa ratio legis pour ce qui concerne l’industrie pharmaceutique.

Enfin, appliquée au contentieux de la responsabilité du fait des médicaments, une class action sur le modèle américain heurterait le principe du contradictoire, du fait de l’absence d’identification des demandeurs. La class action française devrait être limitée aux contentieux mettant en cause des droits objectifs, tels les procès faits aux actes ou demandes de cessation d’un comportement. L’exclusion des contentieux indemnitaires du champ d’une future class action étant illusoire, le respect du contradictoire imposerait à tout le moins de la limiter aux cas de victimes d’un dommage identique, le caractère subjectif du contentieux étant alors considérablement réduit. En revanche, en matière de santé, les contentieux indemnitaires ont une dominante subjective, ce qui rend le système de l’opt out impossible, sauf à porter au principe du contradictoire une atteinte inacceptable.

Mars 2010

1 Condamnation pour démarchage illicite
(Civ. 1ère ch. 30 sept. 2008, n°06-21.400).
2 Article L. 422-1 du Code de la consommation
3 Articles L. 1114-1 et s. du Code de la santé publique.
4 Livre blanc de la DG concurrence et Livre vert de la DG Sanco.

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