Les praticie d'opératio de cession doivent faire preuve d'une particulière vigilance loque celles-ci s'accompagnent peu de temps après de la mise en œuvre de restructuratio au plan social.

Les praticiens d'opérations de cession doivent faire preuve d'une particulière vigilance lorsque celles-ci s'accompagnent peu de temps après de la mise en œuvre de restructurations au plan social. Sous réserve de conditions strictes, la responsabilité civile quasi-délictuelle du cédant peut être en effet recherchée dès lors que celui-ci ne s'est pas assuré de la viabilité de son projet de cession et notamment de ses conséquences vis-à-vis des salariés. Point d'arrêt sur un contentieux en devenir.

Dans un important arrêt en date du 13 janvier 2010, la Cour de cassation a rappelé le principe de la responsabilité contractuelle exclusive de l'employeur à l'occasion des licenciements opérés par celui-ci(1). Cette décision, qui devrait marquer un important coup d'arrêt aux actions en recherche de la responsabilité des actionnaires des sociétés employeurs, ne préserve cependant pas ces derniers de la mise en œuvre d'éventuelles actions sur un terrain non plus contractuel mais délictuel ou quasi-délictuel, notamment à la suite d'opérations de cession.
Les principes de cette responsabilité sont, rappelons-le, posés par les articles 1382 et 1383 Code civil et nécessitent la réunion des conditions cumulatives suivantes :
- l'existence d'une faute (article 1382) ou à tout le moins d'une négligence ou imprudence (article 1383),
- d'un dommage,
- et, enfin, d'un lien de causalité entre ces deux derniers.
La jurisprudence s'est pour sa part prononcée en de rares occasions à propos de la possibilité pour des salariés d'engager la responsabilité d'une société cédante ou de celle d'un groupe dont ils étaient précédemment issus consécutivement à la rupture de leur contrat de travail. Ces décisions ont pour l'essentiel concerné des situations dans lesquelles des sociétés avaient été cédées puis avaient ensuite fait l'objet d'une procédure de liquidation ou de redressement judiciaire.
Peut tout d'abord être cité cet arrêt de la Cour de cassation en date du 14 novembre 2007 qui a considéré que lorsqu'un groupe cédait une filiale, les salariés de cette dernière, licenciés deux ans plus tard par le cessionnaire placé en liquidation judiciaire, étaient recevables à engager contre ledit groupe une action en réparation du préjudice résultant, à la suite de la cession, de la perte de leur emploi et de la diminution de leur droit à participation dans la société cédée ainsi que de la perte d'une chance de bénéficier des dispositions du plan social mis en place par ce groupe(2).

Cas d'espèce :
Les salariés licenciés d'une entreprise en liquidation se retournent contre l'ancien actionnaire.

Si ce dernier arrêt permet de constater que la Cour de cassation admet par principe la recevabilité d'une telle action, il n'est pas éclairant sur la nature de la faute reprochée au groupe qui n'était alors pas encore en cause.
A ce sujet, l'on peut plus utilement se référer à un jugement du tribunal de grande instance d'Angers en date du 3 février 2009(3).
Cette affaire opposait la Société Thierry Mugler SAS qui avait cédé sa filiale, la Société Couture et Logistique (SCL), au groupe Balmain. Environ un an après la cession, la société SCL avait fait l’objet d’une liquidation judiciaire.
Les salariés de cette société avaient alors exercé un recours contre la SAS Thierry Mugler aux fins d’obtenir des dommages-intérêts sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil, reprochant à la société cédante « de ne pas avoir pris toutes les précautions pour s’assurer de la solvabilité et de la pérennité du Groupe Balmain, repreneur, et soutenant que la cession à ce dernier a été accompagnée de fautes d’imprudence et de négligence de leur ancien employeur, la SAS Thierry Mugler, fautes qui leur ont causé un préjudice quant à leur emploi ».
Le tribunal de grande instance d’Angers a débouté les salariés de leur demande, estimant qu’on ne pouvait reprocher à la Société Thierry Mugler « une quelconque légèreté de nature à justifier l’indemnisation des préjudices subis par les salariés demandeurs du fait de la perte de leur emploi  ».
Son raisonnement aboutissant au rejet des prétentions des salariés s’est fondé sur les faits suivants, reprenant notamment les arguments allégués par la Société Thierry Mugler en défense :
- dans le cadre de la procédure de concertation avec les partenaires sociaux, le comité central d’entreprise avait missionné un expert-comptable ; il ressortait de l’étude effectuée par le cabinet d’expertise que « si le Groupe Balmain présentait une insuffisance de rentabilité nette, sa situation financière était saine  » ;
- sur la base de cette expertise, le CCE avait émis un avis favorable à la cession de la Société SCL ; dès lors, le tribunal en conclut que le projet de cession « paraissait à tous économiquement viable » et qu’il ne pouvait être reproché à la Société Thierry Mugler « de ne pas s’être entourée de renseignements suffisants sur la solvabilité du Groupe Balmain et la pérennité de ses activité » ;
Compte tenu de ces éléments, le tribunal a refusé de faire porter la responsabilité de la liquidation judiciaire de la société - objet de la cession - à la Société Thierry Mugler.

 

Vérification de la situation économique et financière du cessionnaire.

Au vu de ces éléments, les salariés d'une société cédée ne devraient donc pouvoir engager la responsabilité de l'entreprise cédante qu'à la condition de pouvoir démontrer l'existence, d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité.
En ce qui concerne le dommage, celui-ci pourrait par exemple résulter de la simple privation de mesures d'accompagnements ou de possibilités de reclassement dont les intéressés auraient pu bénéficier si leur licenciement économique était intervenu au sein du Groupe cédant.
S'agissant de la faute, celle-ci s'avère bien plus délicate à caractériser. Ainsi pourrait-elle procéder d'une légèreté blâmable dans l'examen de la situation du repreneur ou encore d'un abus de droit dans la conclusion du contrat de cession de l'entreprise au motif que celle-ci ne serait intervenue qu'à la seule fin de faire procéder à des licenciements par une société n'appartenant plus au groupe, afin de permettre au cédant d'alléger ses obligations financières ou en termes de reclassement vis-à-vis des salariés.
Précisons à cet égard que de tels litiges pourraient présenter un risque d'occurrence particulièrement élevé s'il ne devait apparaître à l'opération de cession - bien que cela ne suffise pas nécessairement à notre sens à caractériser une "faute" - d'autre finalité que celle de permettre au Groupe "d'externaliser" la mise en œuvre de licenciements. Inversement, la cession reposant sur un scénario économiquement viable pour la poursuite de l'activité - peu important que celui-ci nécessite la mise en œuvre dans un bref délai d'une large restructuration affectant une partie même très significative du personnel - le risque d'engagement de la responsabilité du cédant pourrait se trouver amoindri.
En d'autres termes, la démonstration du caractère viable de l'opération de cession quant à la poursuite de l'activité et de l'existence pour le cédant d'un objectif à l'opération autre que celui consistant à transférer en dehors du périmètre de son Groupe le risque social et les obligations légales afférentes au licenciement économique peuvent être des éléments déterminants en cas de litige.

En pratique, de tels risques contentieux sont bien entendu amoindris lorsque que des engagements sont pris par le cédant concernant sa participation aux mesures d'indemnisation et d'accompagnement (reclassement, formations, mobilité,…) aux bénéfices des salariés de la société cédée. Cela étant des précautions doivent être également prises dans ce cas car les engagements ainsi souscrits peuvent alors incidemment révéler une responsabilité non pas uniquement "sociale" mais également juridique du cédant…

 

1 Cass. soc. 13 janvier 2010, n° 08-15776.
2 Cass. soc. 14 novembre 2007 n° 05-21.239.
3 Non frappé d'appel.

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