Par Roland Poirier, associé en droit fiscal, Brandford Griffith
“But I don’t want to go among mad people” Alice remarked. “Oh you can’t help that”, said the cat “we’re all mad here. I am mad. You are mad”.”How do you know I’m mad said Alice ?”.”You must be” said the cat, “otherwise you would’nt have come here”. Pourtant, la France continue d’attirer les investisseurs ou les partenaires étrangers. Avec Altice, ce sont aussi General Electric, DongFeng, FoSun qui s’intéressent à notre technologie ou à nos marchés. Mais malheur aux entreprises déficitaires !

Entreprises déficitaires : l’emploi du report déficitaire est jugulé
Les entreprises déficitaires sont les laissées-pour-compte de l’éveil des politiques au poids de l’impôt. Mettant en avant une convergence avec l’Allemagne où ce dispositif existe, l’imputation du déficit reportable a été plafonnée depuis 2011 à un million d’euros plus 60 % du bénéfice. Cette convergence a ensuite fait long feu puisque le législateur a ramené la part du bénéfice sur laquelle peut s’imputer le déficit reportable à 50 %. Dans le même temps, le report en arrière du déficit sur le bénéfice des trois derniers exercices a été limité au bénéfice du dernier exercice dans la limite de un million d’euros. Le Plan de relance de l’économie de 2009 prévoyait le remboursement anticipé par l’État des créances nées du report en arrière des déficits. En supprimant le carry-back, on a trouvé une solution simple et efficace pour épargner les finances publiques. Contrairement au crédit d’impôt recherche qui utilise la fiscalité comme un outil d’orientation économique, la décision de juguler l’emploi des déficits a pour seule logique de préserver les recettes de l’État. En cause, le faible rendement de l’impôt sur les sociétés qui est moitié moins élevé que celui de l’impôt sur le revenu des ménages. Pourtant, comme l’a démontré une étude menée par le Trésor, cette faiblesse est davantage due à une insuffisante rentabilité des entreprises qu’à une prétendue étroitesse de son assiette de calcul. Dans le même temps, un coup de rabot a réduit de 25 % le droit des entreprises à déduire leurs intérêts d’emprunt au-delà de trois millions d’euros, sans souci du fait que les entreprises en difficulté doivent emprunter plus que d’autres, ne serait-ce que pour financer leur fonds de roulement. Une entreprise déficitaire est donc doublement pénalisée : d’une part, elle doit acquitter l’IS sur la moitié de son bénéfice une fois son redressement amorcé, sans égard à l’importance de son report déficitaire ni aux dettes qu’elle doit rembourser ; d’autre part, elle doit continuer à payer des intérêts sur la dette correspondant à l’économie d’IS dont elle privée, dont la déduction est rabotée. Le coût de l’emprunt augmente mécaniquement du fait de la non-déduction d’une partie des frais financiers qui, couplée à l’encadrement des déficits, obère la capacité de l’entreprise à investir. Quant à la possibilité de transférer son déficit à d’autres sociétés de son groupe, elle est limitée par le seuil d’intégration fiscale fixé à 95 % en France contre 50 % en Allemagne et 75 % au Royaume-Uni. Toutefois, contrairement à d’autres pays, il faut souligner que la France maintient les reports déficitaires en cas de changement de contrôle. Le pire est à venir si l’entreprise en difficulté doit se restructurer. Frottant un peu de sel sur ses blessures, la loi a étendu les cas dans lesquels une entreprise perd ses déficits si son activité connaît un changement substantiel. On souscrit à l’idée de réserver l’imputation des déficits aux seuls bénéfices des activités qui les ont antérieurement générés, mais il aurait été possible d’isoler ces activités grâce à la comptabilité analytique plutôt que de rejeter la déduction dans son ensemble, comme si l’adjonction d’activités nouvelles corrompait l’entreprise. L’expression « dépense fiscale » par laquelle il est de mode de désigner l’impôt que l’État renonce à prélever comme si tout lui était dû, est révélatrice d’une tentation chez certains de collectiviser le profit, en abandonnant seulement aux entreprises une sorte de « cost-plus ».

Entreprises bénéficiaires : des prélèvements fiscaux inchangés
Quant aux entreprises bénéficiaires, elles seront restées sur leur faim après la déclaration de politique générale du Premier ministre le 8 avril. Les Assises de la fiscalité recommandaient pourtant de ramener le taux de de l’IS dans la moyenne européenne à 25 %. Il culmine aujourd’hui à 38 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 250 millions d’euros, à quoi il faut ajouter 3 % si les bénéfices sont distribués. Une contribution additionnelle de 1 % sur l’excédent brut d’exploitation qui figurait dans le projet de loi de finances pour 2014 a été retirée de justesse. En comparaison, l’IS passera à 20 % en 2015 au Royaume-Uni. Il se situe aux alentours de 25 % en Allemagne, fiscalité locale incluse. Dans le cadre du « Pacte de responsabilité » le premier ministre s’est engagé à diminuer progressivement le taux de l’IS jusqu’à 28 % d’ici à… 2020 et à supprimer « définitivement » la contribution exceptionnelle de 10,7 % assise sur l’IS « à l’horizon 2016 », ce qui semble vouloir dire que cette taxe temporaire, prévue pour s’appliquer jusqu’aux exercices clos le 30 décembre 2015, s’appliquerait encore aux exercices clos le 31 décembre 2015 et en 2016. Au-delà de leur effet pédagogique, les Assises de la fiscalité ont donc fait chou blanc, et la perspective de baisse de la fiscalité des entreprises tient du mirage. Comme Alice, un peu lassées, certaines entreprises pourraient finir par chercher le chemin de la sortie.

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