Paradoxale ou prévisible, l’arrivée de l’extra-financier dans les directions financières bouleverse leur périmètre, tant sur les plans juridiques, financiers, qu’en matière de RH et de stratégie. Aperçu de l’emprise de ces critères sur la direction administrative et financière.

D'après une étude PwC sur les priorités des directions financières en 2024, 50 % des directeurs financiers plaçaient la valorisation de l’impact ESG comme leur principal défi en 2024. La prochaine mise en application de la directive européenne sur le reporting de durabilité (CSRD) influence les besoins de recrutements, de nouvelles compétences et l’accès au financement. La direction financière est touchée de toutes parts par la prise de conscience des nouveaux enjeux de durabilité. L’expansion de l’extra-financier dans le quotidien des DAF a des répercutions juridiques, financières, RH et stratégiques, engageant des équipes qui incarnent, plus que jamais, une fonction transverse à toute l’entreprise.

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Juridique : un calendrier réglementaire chargé

L’échéance la plus importante tient en quatre lettres : CSRD, pour Corporate Sustainability Reporting Directive. L’entrée en vigueur de la directive a pris effet en janvier 2024 et contraint les premières sociétés concernées à publier leur reporting de durabilité dès 2025. L’objectif ? Mesurer l’impact de l’entreprise sur l’environnement et les effets des enjeux environnementaux et sociaux sur sa performance économique. Une mission qui incombe en majorité aux directions financières, historiquement plus armées pour collecter et produire de la donnée. L’année 2024 est aussi celle de la dernière étape de la mise en oeuvre de la taxonomie européenne. Les structures concernées, principalement les grandes entreprises, cotées ou non, de plus de 250 salariés et les établissements de crédit, d’assurance ainsi que les fonds d’investissement doivent être en mesure d’identifier la part verte de leur chiffre d’affaires, de leurs investissements et de leurs dépenses d’exploitation.

L’objectif de ce cadre réglementaire est de permettre aux investisseurs de mesurer le degré de durabilité d’une activité. Applicable progressivement à tous les acteurs européens depuis juin 2020, 2024 est l’ultime échéance. Les entreprises doivent à présent délivrer un reporting complet, 50 000 acteurs sont concernés dans l’Hexagone. Enfin, la dernière échéance réglementaire concerne le règlement européen SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation), à l’origine de la classification des fonds relevant des articles 6, 8 ou 9. Les sociétés de gestion concernées doivent donc produire de l’information sur la durabilité de leurs actifs de sorte à améliorer la compréhension des investissements, quant à leurs expositions aux risques environnementaux, politiques et leurs performances en matière d’ESG.  Si la classification est entrée en vigueur depuis 2023, nombreuses sont celles qui éprouvent des difficultés à collecter les informations nécessaires. D’après une étude KPMG, publiée en 2024, sur l'ESG dans la gouvernance des entreprises, 55 % des entreprises, une légère majorité du panel étudié, pilotent leur stratégie ESG en tenant compte de la taxonomie européenne.

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Finance : le coût de la conformité

Collecter de l’information extra-financière coûte cher. La Commission européenne évalue la hausse du coût de reporting dans le cadre du respect de la CSRD à 3 600 millions d’euros par an, auxquels s’ajoutent 1 200 millions d’euros de coûts annexes pour l’ensemble des entreprises concernées. Si l’institution se veut rassurante et précise que ces frais vont avoir tendance à diminuer à moyen long terme, le coût de l’extra‑financier pèse sur les trésoreries dont les directions financières ont la charge. En parallèle, l’obtention de financement est de plus en plus indexée sur les performances extra-financières de l’entreprise. D’après une étude PwC, 56 % des investisseurs ont déjà interrompu une transaction pour des raisons liées aux critères ESG. La notation extra-financière s’inscrit durablement dans la recherche de financement des DAF. Ressources humaines : besoin urgent de renforts L’échéance des premiers reportings publics en 2025, s’ajoutant à un contexte économique instable, a engendré une sur-sollicitation des directions financières.

D’après l’étude KPMG, dans 18 % des cas, elles ont la responsabilité exclusive des reportings, et pour 26 %, elles participent au groupe de travail responsable de la production de données. En sous-effectif pour répondre à toutes ces nouvelles missions, les métiers de trésoriers, contrôleurs de gestion, responsables financiers, entre autres, sont en tension. " L’arrivée de la CSRD génère des besoins croissants au sein des directions des affaires financières. On fait confiance à la DAF pour prendre en charge la collecte de données, la structurer jusqu’à la publication de l’information finale. Les équipes se retrouvent structurellement en pénurie d’effectifs et ont donc davantage besoin d’être accompagnés ", témoigne Sébastien Courbe, directeur général de Primexis, un cabinet de conseil et d’expertise comptable. Les compétences sollicitées sont inédites, " La CSRD induit de nouveaux défis, notamment comprendre des structures de coûts. Aujourd’hui, un contrôleur de gestion est confronté à de nouvelles données comme les émissions de gaz à effet de serre, les valoriser et les intégrer au reporting suppose de nouvelles compétences ou le besoin d’être accompagné ", ajoute-t-il. Note positive, si "les effectifs des directions financières ont cruellement besoin de renforts, la dimension extra-financière qui leur incombe de plus en plus, semble attirer des jeunes profils", complète Sébastien Courbe.

"le rôle du DAF évolue pour inclure une dimension de plus en plus stratégique." Caroline Landré, directrice financière de Welcome To The Jungle

Stratégie : l’incontournable du comex

L’actualité des directions financières confère au DAF une place grandissante au sein du comex. Il est en première ligne sur le financement de la transition, la production de reportings nécessaires aux décisions stratégiques et développe une vision globale des besoins de toute la société en matière de transformation extra-financière. Une évolution dont témoigne la nouvelle génération de DAF, dont Clément Louis, CFO de la start-up Tapnation, lequel confirme que "le DAF sera de plus en plus transversal, même si sa place dépend de la taille de l’entreprise, elle aura tendance à s’accroître." Un état de faits qu’il constate notamment avec l’arrivée de l’extra-financier dans les discussions stratégiques. Un constat partagé par Caroline Landré, directrice financière de Welcome To The Jungle, qui précise que "le rôle du DAF évolue pour inclure une dimension de plus en plus stratégique. Nous serons amenés à participer activement à la définition de la vision et des orientations de l’entreprise, à être des partenaires clés de la direction générale et à jouer un rôle de premier plan dans la croissance et l’innovation". Des bras droits de CEO, qui montent en puissance et illustrent l’avenir d’une fonction de plus en plus désenclavée. 

 

 

 

Céline Toni