Pierre-Olivier Bernard, associé et fondateur du cabinet Opleo Avocats, revient sur l’actualité du private equity alors que de plus en plus d’entreprises sont en phase de transmission. Le cabinet développe une approche à 360 degrés lors d’opérations de capital-transmission, toujours au service des dirigeants entrepreneurs qu’il accompagne avec une attention particulière aux questions de gouvernance, décisives pour l’avenir d’une entreprise. 

 Décideurs. Sur quels sujets avez-vous été le plus sollicités par des équipes dirigeantes ces derniers mois ?

Pierre-Olivier Bernard. Les sujets de gouvernance ont été au coeur des préoccupations des dirigeants, qu’il s’agisse de transmission d’entreprise, de changement de management ou à l’occasion de la passation entre une équipe sur le départ et une nouvelle génération. Les questions de responsabilité du dirigeant ont également beaucoup occupé le cabinet, notamment dans un environnement où l’on assiste à une forte pénalisation du droit des affaires, accroissant les risques auxquels sont confrontés les entrepreneurs. Je constate également une recrudescence des management buy-outs dans un contexte de marché favorable aux opérations small et midcap. Un LBO qui se déboucle en MBO témoigne de valorisations à des niveaux accessibles aux dirigeants. Cela explique pourquoi nous avons été de plus en plus sollicités pour les accompagner dans leur montée en puissance à l’occasion d’opérations capitalistiques. Les MBO sont également confrontés à des questions de gouvernance, car il s’agit d’articuler la rentabilité des capitaux et la remontée des liquidités attendues par l’investisseur, même s’il est minoritaire.

Quel lien faites-vous entre ces sujets de transmission et l’actualité du private equity ?

Ces thématiques sont au coeur de l’identité du cabinet, nous travaillons à la jonction entre la transmission du patrimoine et le capital-investissement. Ainsi, un dirigeant qui reprend une entreprise peut avoir le souhait de la transmettre à ses enfants dans le futur. Dans le cas d’une transmission familiale, nous anticipons les problématiques de gouvernance autant que la mise en place de pactes Dutreil. Un dispositif plus adapté aux opérations de MBO que de LBO, ces dernières ayant une maturité d’engagement plus courte et donc moins flexible pour travailler des projets de transmission en famille.

L’encadrement du pacte Dutreil a été l’objet de débats lors de la dernière loi de finances dans le but de restreindre le dispositif, qu’en est-il de sa pérennité aujourd’hui ?

Effectivement, le pacte Dutreil a connu plusieurs évolutions significatives en 2024 et d’autres réformes d’ampleur sont envisagées. Il s’agit donc d’oeuvrer à l’amélioration de la transmission d’entreprise au-delà de ces outils fiscaux. Rappelons que le pacte Dutreil concerne uniquement les transmissions intrafamiliales, lesquelles ne représentent que 10 % des opérations de transmission. Les LBO, les MBO, les opérations de M&A relèvent également du capital-transmission.

"En France, en comparaison avec l’Allemagne, il y a beaucoup de TPE et de PME, mais peu d’entreprises de taille intermédiaire"

Les opérations de capital-transmission ont-elles vocation à croître ?

C’est un problème d’ordre macroéconomique. Par exemple, en France, en comparaison avec l’Allemagne, il y a beaucoup de TPE et de PME, mais peu d’entreprises de taille intermédiaire. Or, les opérations de capital-transmission permettent à ces petites entreprises de changer d’échelle, ce qui favorise la création de richesse et d’emplois. La croissance future du tissu entrepreneurial français repose sur ces opérations. Cependant, aujourd’hui, de nombreuses PME ne parviennent pas à franchir le cap de la transmission, cela les empêche de se transformer en ETI.

"Confier la nouvelle direction de la société au fils ou à la fille du dirigeant ne garantit pas la pérennité de l’entreprise"

Que faut-il mettre en oeuvre pour assurer la pérennité d’une entreprise et le passage d’une TPE-PME à celui d’ETI ?

Avec les différentes parties prenantes, il faut anticiper les situations de transmission en élaborant un nouveau projet d’entreprise ainsi que la gouvernance à y associer. C’est un enjeu considérable. Qu’il s’agisse de transmettre à une équipe de management déjà en place ou à la famille, le sujet de gouvernance est beaucoup plus présent qu’au cours d’une opération de M&A. Pour trouver la bonne gouvernance, il faut éviter d’identifier une personne par dogmatisme. Confier la nouvelle direction de la société au fils ou à la fille du dirigeant ne garantit pas la pérennité de l’entreprise. Il peut alors être nécessaire de retravailler le projet d’entreprise pour l’adapter à la nouvelle équipe. Des crises de légitimité peuvent survenir, notamment dans le cadre d’une transmission familiale, ce qui peut faire voler en éclat l’harmonie de la famille. Il est donc essentiel de mener un travail psychologique en amont, en parallèle d’importants travaux juridiques.

 

Propos recueillis par Céline Toni