La dernière pépite de Joann Sfar, les coulisses de la déroute d'Anne Hidalgo, la face méconnue du Brésil, un roman plein de peps... Voici la sélection mensuelle de la rédaction.

Des roses et un cercueil

C’est une tradition du journalisme politique : raconter de l’intérieur une campagne présidentielle au sein d’un camp. Pour ce cru 2022, les amateurs du genre ont eu droit à plusieurs ouvrages sur Éric Zemmour et attendaient avec impatience le "cas Hidalgo". C’est Olivier Pérou de L’Express qui s’y colle avec brio. Le livre, regorge d’informations, de off et de rencontres qui révèlent comment la campagne de la maire de Paris, mal engagée à la base a peu a peu sombré dans le ridicule. Entourée par un cercle déconnecté et flagorneur, peu aidée par certains "camarades", victime de la recomposition de la gauche, elle sombre rapidement. Les pages se dévorent comme un épisode de Game of thrones en moins sanglant. Et avec des personnages tout aussi égocentriques et calculateurs mais avec moins de panache. Olivier Faure, Christiane Taubira et la candidate PS ne sortent pas grandis de l’enquête. Petite réserve stylistique, si la narration basée sur le Cluedo peut faire rire certains, elle verse parfois dans la lourdeur. Mais qu’importe, la scène finale du livre vaut à elle seule son achat. Indices : Rooftop, et François Hollande.

Autopsie du cadavre, d’Olivier Pérou, Fayard, 193 pages, 18 euros

Jeunesse niçoise

Des BD, des romans, des séries TV, un film sur Serge Gainsbourg salué par la critique... Joann Sfar est un auteur prolifique qui, en filigrane de ses œuvres, met souvent en avant sa culture juive. Pourtant, il reste très pudique sur lui-même. Gravement atteint par le Covid l’an dernier, il décide enfin de quitter son univers onirique et semi-imaginaire pour revenir sur son enfance et son adolescence. À la clé, un album magnifique qui présente de nombreuses similitudes avec Romain Gary : une jeunesse à Nice, des racines en Europe de l’Est, une scolarité au lycée Masséna, la passion de la séduction, l’amour du débat et des fréquentations insolites, la volonté vaine de percer dans le sport, un quotidien de fils unique avec un seul parent exigeant et protecteur, l’envie de se faire un nom et de se distinguer. L’auteur nous plonge dans la Côte d’Azur des années 1980, ses skins, son FN omniprésent, ses inégalités sociales, sa solidarité. Un régal que les "Sfarologues" attendaient de longue date

La synagogue, de Joann Sfar, Dargaud, 208 pages, 25,50 euros

Vignok

L’énigme Bolsonaro

Pour l’opinion publique occidentale, les choses sont simples : Jair Bolsonaro n’est qu’un soudard d’extrême droite au QI médiocre élu par accident à la tête de la première puissance d’Amérique latine. La réalité est plus complexe et Bruno Meyerfeld, correspondant du Monde au Brésil, nous permet d’y voir plus clair. Oui, l’ancien para est vulgaire, plus porté sur les clashs que sur le fond des dossiers. Mais il est également un politicien de talent qui a réussi à séduire au-delà des nostalgiques de la dictature en attirant à lui évangéliques, milieux d’affaires et classes populaires jusqu’à construire une idéologie structurée qui pourrait bien lui survivre malgré sa défaite. Comme souvent, Grasset publie un ouvrage qui oscille entre le roman, la biographie, l’essai politique. Ces pages nous font découvrir un homme plus complexe qu’il n’y paraît. Et un pays fracturé où le quotidien est bien éloigné des clichés sur la samba et la joie de vivre. La politique y est de longue date vécue comme un cirque dans lequel des "clans" et des hommes assument leurs excentricités et leurs défauts pour séduire un peuple qui assimile les élections à un jeu et leurs responsables à des bouffons. À sa manière, Bolsonaro a rempli son rôle au-delà des espérances.

Cauchemar brésilien, de Bruno Meyerfeld, Grasset, 368 pages, 23 euros

Explosion de légèreté

Sous l’eau, au bord du burnout et victime de crises de panique récurrentes, Joy se voit confier une énième mission par ses patrons. Surmenée et malmenée par ses collègues de bureau, cette accro au travail et à son téléphone accepte le dossier qui semble être celui de trop. Pourtant, la tâche se révèle être la bouffée d’air frais dont elle a besoin car le destin la met sur le chemin de Benjamin, éternel optimiste, dont le travail est synonyme de légèreté. En contrepoint à tout ce que l’héroïne représente, Benjamin vient bousculer ses certitudes jusqu’à faire exploser le pop-corn enfoui en elle. L’employée discrète et dévouée troque son addiction aux applications mobiles contre une nouvelle version d’elle-même, laissant place à sa liberté.

Le spleen du pop-corn qui voulait exploser de joie, de Raphaëlle Giordano, Plon, 308 pages, 20,90 euros

Lucas Jakubowicz, Marine Fleury

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