D'art mineur, la photographie est devenue une valeur sûre du marché de l’art. Certaines œuvres, telles "Le Violon d’Ingres" de Man Ray, vendu 12 millions d’euros, atteignent des prix similaires à ceux de tableaux. Gad Edery, fondateur de la galerie Gadcollection, revient sur le phénomène.

Décideurs. Pourquoi avez-vous choisi de créer en 2008 une galerie spécialisée dans la photographie ?

Gad Edery. Je souhaitais que chacun puisse accéder à la photo. Le prix des peintures était déjà très élevé et les dessins d’artistes émergents ou connus également. Le marché de la photographie "classique" en était à ses débuts et de nombreux photographes, présents dans les grands musées, étaient restés hors de la bulle spéculative du marché de l’art. J’ai essayé de remettre sur le devant de la scène certains photographes et de faire comprendre aux acheteurs leur importance quant à l’histoire de l’art et celle de la photographie.

 Quelle est l'évolution du marché de la photo ?

Tout dépend de quel marché nous parlons car il n’y a pas un seul marché. Il existe différentes catégories de photos : photos d’information et de reportage destinées aux journaux ou magazines, photos à usage commercial et publicitaire, photos d'art. Mentionnons également les différentes catégories de photos d’art : mode, animalière, climatique et environnementale, spatiale. Au sein de chacune de ces catégories, il existe différentes sous-catégories. Sans oublier la photographie du XIXe siècle, la photographie de voyage et la photographie plasticienne.  En réalité, il s’agit d’un marché restreint, composé de peu de spécialistes.

La crise sanitaire a-t-elle eu un impact ?

Oui. J’ai constaté une demande en hausse de la part des particuliers, des entreprises et des administrations. Les particuliers avaient plus de temps pour penser à leur collection et à la décoration de leur intérieur. Ils en ont profité pour acquérir des œuvres qui leur plaisaient et ont souvent acheté en ligne pour leur domicile en click and collect. Depuis la sortie de la crise sanitaire, les entreprises et les cabinets d’avocats organisent de plus en plus d’expositions dans leurs locaux et sont demandeurs de ces projets. Les collectivités territoriales et les administrations ne sont pas en reste. J’ai développé une activité de location d’expositions clés en main, soit intra-muros, soit en plein air.

"Depuis la fin de la crise sanitaire, entreprises et cabinets d'avocats organisent de plus en plus d'expositions dans leurs locaux"

Je suis également attentif à l’évolution du marché des NFT. Les nouvelles générations y sont sensibles. Cela peut permettre à ceux qui n’auraient jamais poussé la porte d’un musée ou d’une galerie de s’intéresser à l’art. Il y a une forme de démocratisation avec ce nouveau support.

Vous êtes l’un des principaux galeristes spécialisés dans l'univers spatial. Pourriez-vous nous expliquer ce choix ?

Il s’agit d’une passion depuis mon enfance. J'ai toujours été intéressé par le système solaire, les étoiles et les planètes. Déjà à l’école j’avais la tête dans les étoiles avec un côté rêveur. Un jour, j’ai découvert par hasard que des photographies de la Nasa étaient en vente. J’en ai acheté une, puis deux, puis trois, puis beaucoup plus.

À cette époque, personne ne s’y intéressait et j’ai pu acquérir une grande partie de ce qui me plaisait. J’ai croisé Buzz Aldrin en 2014 à Londres. J’étais comme un enfant qui rencontre son joueur de foot ou sa rock star préférée. Il semblait intrigué par mon parcours et impressionné par ma collection de photos. Lorsque je lui en ai montré quelques-unes, il m’a regardé avec surprise en me demandant comment j’avais fait pour acquérir ces clichés que lui-même n’avait pas.

Au cours des années 2016-2017, il y a eu une explosion du marché de la photographie spatiale : on est passé de la photo scientifique et documentaire à de la photo historique et esthétique. Avec les premiers pas de l’homme sur la Lune, l’Humanité a pris un nouveau tournant. C’est un fait historique sans précédent, le marché de l’art a corrigé ce manque et les prix ont commencé à sérieusement monter. Cette tendance se confirme d’année en année avec des ventes records comme celle de Christie’s en novembre 2020. En ce moment, j’expose les photos de Guillaume Cannat, Monsieur astronomie du Monde. Nous restons dans le même univers mais il s’agit de l’Espace vu de la Terre.

J’ai également la chance de représenter des grands photographes connus dans des domaines aussi variés que la photographie environnementale (Cássio Vasconcellos, Paul Nicklen, Mitch Dobrowner), la photographie animalière (Kyriakos Kaziras), l’Urbex (Romain Veillon), La Street Photography (Éric Houdoyer, Cássio Vasconcellos), la photographie de mode (Ormond Gigli, Jean-Daniel Lorieux, Douglas Kirkland) ou encore des photographes qui travaillent sur la notion de temps comme Stephen Wilkes. Et bien d’autres encore à venir découvrir à la galerie.

Quels sont les critères qui expliquent la valeur d'une photo ?

Le premier est évident : l’offre et la demande ! Mais il existe d’autres paramètres comme la dimension de l’œuvre, son ancienneté, la qualité du tirage, la renommée de l’artiste, la qualité du travail artistique et son originalité.

Est-ce que vos clients sont des initiés ou des amateurs ?

Mes clients sont des amateurs, des initiés, et des personnes qui souhaitent vivre entourées de belles choses. Leurs projets ne sont pas les mêmes selon leur degré de connaissance. C’est un plaisir pour moi de partager ma passion avec eux quand ils viennent à la galerie, de répondre à leurs questions et de contribuer à les rendre sensibles à l’art. Nombreux sont ceux qui poussent la porte d’une galerie une première fois et beaucoup reviennent me voir régulièrement au fil des expositions.

En savoir plus : Après avoir passé quinze années en salle des marchés entre Londres, Paris et Genève, Gad Edery a décidé en 2008 de se consacrer à sa passion pour l’art en ouvrant une galerie entièrement dédiée à la photographie.

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