Les SUV prennent le pouvoir
Elle a la face avant d’une berline, le coffre d’un break… et la stature d’un SUV. À l’image de la nouvelle Citroën C5 X bientôt commercialisée, plus question pour les marques automobiles de lancer un nouveau modèle qui ne soit pas apparenté de près ou de loin par son design à un SUV. Il est vrai que, chez Citroën, on ne fait jamais rien comme tout le monde. Ici, il ne s’agit pas en effet de SUV. "Avec C5 X, Citroën renouvelle l’esprit du Touring, cette capacité à voyager dans une automobile élégante, raffinée, et partir à la découverte du monde en toute sérénité", affirme Vincent Cobée, directeur général de la marque Citroën. Malgré tout, comme le précise le designer de la marque, Frédéric Angibaud, "du SUV, elle a emprunté l’aspect up on the road, cette posture surélevée qui offre une sensation de protection, de solidité. Et le traitement de ses flancs et de ses galbes est un signe de robustesse que l’on retrouve dans les SUV".
La face avant d’une berline, le coffre d’un break... et la stature d’un SUV, la nouvelle Citroën C5 X surprend !
Reste qu’en quelques années le look Sport Utility Vehicle est devenu le nouveau "normal" des designers auto, et rares sont les constructeurs qui tentent d’échapper à l’emprise de ces silhouettes trapues, hautes et dotées d’énormes roues. Même Jaguar, marque réputée pour ses berlines d’exception aux lignes très classiques, a franchi le pas. Comme l’explique Laurent Letourneur, directeur du marketing et des relations extérieures de la marque, "l’ADN de la marque Jaguar est plutôt constitué de berlines statutaires et de coupés sportifs mais quand les clients ont goûté à l’habitabilité, la position de conduite haute et le sentiment de sécurité que procurent les SUV, ils ne reviennent pas en arrière. Aujourd’hui, nos clients préfèrent nos SUV aux berlines. C’est vrai des particuliers et encore plus de la part de la clientèle des entreprises."
En Juillet 2021, 46% des véhicules neufs vendus en Europe sont des SUV !
Un essor sans précédent
Tel un tsunami, les ventes de SUV emportent tout sur leur passage. En dix ans, ces 4x4 "diminués" qui n’ont de tout-terrain que le nom puisqu’ils ne disposent pas tous de la transmission intégrale, ont atteint l’an passé un total de 41 % des immatriculations en France... Et même 46 % en Europe au cours du mois de juillet dernier. Les ventes si florissantes de monospaces, il y a quelques années, sont aujourd’hui réduites à 2 % du marché total, quant aux breaks, leur part de marché stagne à 4 %. "Plus sûrs, plus habitables, plus sécurisants, les SUV vont également être la base à de nouvelles silhouettes de véhicules. On le constate déjà avec les SUV coupés ou cabriolets, l’essor des SUV compacts et bientôt avec l’arrivée de petits SUV de la taille des citadines, explique Martin Millot, chef du service marketing de Lexus France. Notre concept Lexus LFZ Electrified préfigure ainsi le design de nos futurs modèles et il ne fait pas de doute que les futurs SUV vont se placer à l’avenir entre les différents segments de ventes." Mais, comme le signale également Martin Millot, si le SUV est un axe de design, dans le même temps la marque travaille aussi à accorder aux SUV l’agrément de conduite, le confort et la tenue de route qui sont les qualités reconnues des berlines.
La fée électricité
Précurseur dans le domaine des SUV lors de la commercialisation des X3 et X5, puis des X1 et X7 ainsi que des déclinaisons SUV coupé X6, X4 et X2, BMW dispose également dans son catalogue de modèles d’une gamme premium composée de berlines, breaks, coupés, cabriolets et de roasters. Pourtant, ce sont les SUV qui se taillent la part du lion dans les ventes de la marque. "Ils représentent 51 % des ventes de BMW et, parmi eux, en tête des ventes, le X1 devrait atteindre les 10 000 immatriculations cette année", indique Olivier Philippot, directeur des ventes et du développement réseau. Une gamme de SUV qui devrait continuer de s’enrichir puisque BMW a commercialisé cette année le iX3, (équivalent électrique du X3), lequel dispose d’une propulsion électrique de 210 kW (286 ch) alimentée par une batterie de 80 kWh offrant une autonomie de l’ordre de 460 km. Avec sa technologie, l’iX3 peut retrouver 80 % de la charge de sa batterie en 34 minutes. Avec un gabarit plus imposant, le nouveau BMW iX également électrique sera proposé en fin d’année avec des niveaux de puissance de 326 et 523 ch. Cet SUV équipé de deux moteurs électriques (chacun sur un essieu), promet une accélération de 0 à 100 km/h en moins de 5 secondes. Il est vrai que l’électrification des SUV donne des ailes à cette catégorie de véhicules. Pour la marque Volvo, la priorité accordée aux SUV se traduit en France par une hausse de ses immatriculations de 42 % au premier semestre avec plus de 9 000 immatriculations dont 4 774 pour le SUV XC40, 2 554 pour le XC60 et 915 pour le XC90. Et depuis le début de l’année, les modèles Recharge équipés d’une motorisation 100 % électrique ou hybride rechargeable représentent 61 % des ventes de Volvo en France. De bon augure alors que la marque suédoise vient de lancer la commercialisation du nouveau SUV coupé électrique baptisé Volvo C40 Recharge, lequel adopte les mêmes caractéristiques techniques que le Volvo XC40 électrique mais avec une ligne de toit plus basse et un mode de commercialisation accessible en ligne.
Comme un SUV avec la silhouette d’une berline, le concept Lexus LFZ Electrified donne le ton quant au design qui sera adopté par la marque à l’avenir.
La fin des berlines ?
Cet essor sans fin des ventes de SUV en France, en Europe et comme dans le reste du monde marque-t-il la fin des berlines ? La réussite de la Tesla Model 3 semble prouve e contraire puisque cette berline s’arroge par exemple la première place des ventes de voitures électriques en France. Pourtant, même si elles réalisent encore près de 50 % des immatriculations, le succès des berlines sur le marché automobile n’est plus assuré et va nécessiter une remise en cause. Pour compléter sa gamme de modèles 100 % électriques, Tesla vient d’ailleurs de commercialiser son Model Y. Dérivant étroitement de la berline Model 3, le SUV familial Model Y est proposé avec une puissance de l’ordre de 350 ch et une autonomie de 500 km. En attendant la version 7 places, avec ses 4,75 m de long et 1,90 m de large, le Model Y offre une excellente habitabilité et un énorme coffre de 854 litres en version 5 places.
"Les SUV représentent 45 % de nos ventes et nous ne voyons pas le succès de ces silhouettes s’arrêter, affirme Jérôme Micheron, directeur du produit de Peugeot. Cependant, à l’examen de notre portefeuille de futurs modèles, nous parvenons à poursuivre le développement de notre gamme de SUV et à conserver dans le même temps l’identité des berlines et des breaks notamment pour la clientèle européenne. Selon lui, "les berlines cherchent aussi à se réinventer. La nouvelle Peugeot 308 en est l’archétype. Basse, racée, dotée de caractère et d’une forte personnalité, elle répond aux codes attendus sur ce segment où nos clients ont la volonté d’obtenir un haut contenu technologique et un design expressif très poussé." Cette volonté de bien distinguer les silhouettes n’empêchera pas la marque au lion de proposer, en 2022, la 308 en version crossover.
Deuxième modèle le plus vendu auprès des entreprises, le Peugeot 3008 continue sa carrière fulgurante notamment avec sa version hybride rechargeable qui représente près d’un tiers de ses ventes.
Un design qui fait école
Si chez Peugeot on tient à bien distinguer les différents modèles de la gamme, pour beaucoup d’autres marques automobiles priorité est donnée à l’adaptation des codes design des SUV aux autres catégories de voitures. L’un des meilleurs exemples en est donné par la nouvelle DS4 qui partage justement la même plateforme de production que la nouvelle berline compacte de Peugeot. Mi-coupé, mi-crossover, cette splendide silhouette adopte en effet des éléments de design propres aux SUV. Avec son pavillon arrière fuyant, sa face avant provocatrice et un épaulement très prononcé, la DS4 associe un caractère luxueux et techno avec un physique athlétique et soigné. Mais c’est surtout l’adoption de grandes roues de 720 mm (jantes jusqu’à 20 pouces) qui donnent à cette jolie voiture son design très typé SUV. Encore plus radical sur ce même segment des berlines compactes, Renault a pris le parti de transformer l’image de sa traditionnelle Mégane. Cette métamorphose devrait en fin d’année donner naissance à la Mégane E-Tech ; un crossover 100 % électrique doté d’un design enfin tourné vers la modernité. Ce nouveau modèle sera disponible en deux versions de puissance (130 ou 218 ch) avec des couples allant de 250 à 300 Nm. Chez Renault, on annonce même que cette nouvelle Mégane sera une véritable « GTI » dans sa catégorie dotée d’une autonomie de 300 ou 470 km. Selon les versions, une recharge en courant continu (DC) jusqu’à 130 kW permettra de récupérer jusqu’à 300 km en 30 minutes. Ce sera notamment le cas de la version business EV60 130 ch Optimum charge AC22 + DC130 réservée aux professionnels. L’électrification à marche forcée que mènent les constructeurs automobiles pour leurs nouveaux modèles et la nécessité de loger dans ces nouveaux modèles de volumineux packs de batteries, sont autant de raisons qui ne laissent planer aucun doute quant à l’avenir réservé aux SUV. Leur silhouette massive et leur design d’avant-garde ne sont pas près de s’effacer du paysage automobile.
Jean-Pierre Lagarde