Le confinement semble toucher à sa fin. Mais ce n’est pas une raison pour lire moins. BD, histoire, essais… Décideurs vous présente sa sélection littéraire du mois.
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L’enfer c’est l’autre

Un enfer, les confinements successifs ? Pas pour tout le monde, répond l’essayiste Vincent Cocquebert qui théorise avec fluidité sa notion de "civilisation du cocon". Face à un monde perçu comme de plus en plus dangereux, nous tendons à nous replier sur nous-mêmes, notre famille, notre foyer. Les parents et les enseignants surprotègent, les réseaux sociaux coupent du réel, les algorithmes ne font remonter que des informations qui confortent nos opinions, l’émotion prime sur la raison. Et les conséquences sur notre société sont réelles: quiconque vit dans son cocon nourrit une aversion au risque, ne crée plus, n’argumente plus, devient amorphe, s’indigne pour un rien quitte à promouvoir la censure ou voter pour celui (parfois très à droite) qui lui promet un safe space. Cet essai est un véritable "shot" qui permet de mieux comprendre les tendances actuelles telles que l’essor du populisme, du marché de la décoration ou encore l’épidémie de politiquement correct qui ronge la société.

La Civilisation du cocon, de Vincent Cocquebert, Arkhê, 180 pages, 16,50 euros

Qui est Gorbi ?

Traître accusé d’avoir mis fin à l’Union soviétique pour les uns, démocrate résolu pour les autres. Mikhaïl Gorbatchev ne laisse personne indifférent. Et pourtant, ce dirigeant qui a marqué l’histoire du monde comme peu d’autres reste une énigme. Vladimir Fédorovski, ancien diplomate soviétique et conteur de talent, nous mène à la découverte du "plus célèbre des inconnus". Si son enfance, son ascension et ses idéaux sont retracés patiemment, l’ouvrage s’éloigne de la classique biographie. À la manière d’un Max Gallo, l’auteur nous plonge dans une ambiance d’époque : amours discrètes sur les bancs des universités staliniennes, conciliabules à bord des Tupolev, festins dans les villas d’apparatchiks… De quoi faciliter la lecture, mieux comprendre la Russie d’aujourd’hui mais aussi "Gorbi" qui renvoie l’image d’un apprenti sorcier hyper-confiant, se vantant jusqu’à la dernière minute de "tout contrôler".

Le Roman vrai de Gorbatchev, de Vladimir Fédorovski, Flammarion, 272 pages, 21,90 euros

Femmes partout, égalité nulle part

À part quelques militants arc-boutés sur leurs certitudes, tout le monde est féministe. Et c’est bien là le problème. À force de servir le féminisme à toutes les sauces, le concept perd son sens. La journaliste Léa Lejeune ne se prive pas de pointer les entreprises qui, de manière consciente ou non, renforcent les stéréotypes ou surfent sur la tendance pour se racheter une virginité et gonfler leur chiffre d’affaires grâce à de la com vide de sens ou du marketing peu scrupuleux. Songeons par exemple aux t-shirts féministes fabriqués par de jeunes femmes sous payées en Asie du Sud-Est. Le phénomène de féminisme washing concerne aussi la classe politique et les postes de direction. L’ouvrage, bien que remarquablement sourcé et documenté, a parfois un ton militant qui peut ne pas plaire à tous. Mais il a un mérite de taille : bousculer nos idées reçues sur un sujet plus que jamais d’actualité.

Féminisme Washing, quand les entreprises récupèrent la cause des femmes, de Léa Lejeune, Seuil, 256 pages, 19 euros

Un air de fêtes

Ancien relais de poste construit en 1740, le château d’Hérouville aurait abrité les amours de George Sand et Frédéric Chopin. Plus tard, il sert de décor à la Comédie humaine de Balzac avant de devenir, dans les années 1960, la propriété de Michel Magne. C’est dans cette demeure normande que le compositeur, notamment connu pour ses musiques de films et ses expérimentations infrasonores, décide de créer un studio d’enregistrement. Eddy Mitchell, Elton John, Cat Stevens ou encore les Grateful Dead s’y succéderont, profitant en parallèle des belles tablées et des fêtes démesurées dont Magne avait le secret. Le fil conducteur de cette BD? L’histoire d’amour entre Michel et Marie-Claude, une femme qui, bien que de vingt ans sa cadette, veille sur lui. L’ouvrage, entrecoupé de retours en arrière, de photos et postfacé par des personnalités, est très réussi et nous plonge avec délice dans la fièvre créatrice des années 1970.

Les Amants d’Hérouville - Une histoire vraie, de Yann Le Quellec et Romain Ronzeau, Delcourt, 264 pages, 27,95 euros

En fait, le Moyen âge c’était cool !

Le Moyen-âge, période d’ignorance, de crasse et de violence ? Pas tant que ça. L’hygiène était centrale, le nombre de personnes alphabétisées n’était pas si faible, les débats d’idées étaient vifs, le féminisme développé, la littérature érotique, l’alimentation équilibrée. Dans ce livre composé de plusieurs chapitres courts qui peuvent se lire indépendamment ou au coup par coup, le médiéviste Jean Verdon nous fait redécouvrir une époque polluée par les clichés. En terminant cet ouvrage accessible à tous, vous vous surprendrez peut-être à désirer remonter le temps. Direction les "siècles sombres" qui s’avèrent presque lumineux.

Étonnant Moyen-âge, de Jean Verdon, 350 pages, 20 euros

Lucas Jakubowicz

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