Le confinement s’annonçait critique pour le marché de l’art. Il en fut tout autrement grâce aux initiatives digitales de ces derniers mois. Entretien avec Patrick Ganansia, fondateur du multi family office Herez.

Décideurs. Pouvez-vous nous parler de vos services en matière d’art ? 

Patrick Ganansia. À côté des placements financiers, immobiliers ou en Private Equity, nos clients consacrent fréquemment une proportion importante de leur patrimoine à leur passion, et le marché de l’art est souvent en première place. C’est à ce moment-là que nous intervenons : quelle quote-part est raisonnable ? Comment optimiser la détention, la fiscalité, l’acquisition, la transmission, les questions de stockage ou encore d’assurance ou d’expertise ? Nous mettons également à leur disposition notre carnet d’adresses. Adrien de Felcourt, conseiller en gestion de patrimoine, intervient particulièrement sur cette thématique. Nous n’intervenons pas sur le choix des acquisitions, nos autres services sont très personnalisés sur la partie art ; nous ne faisons que du sur mesure, pour une clientèle souvent en Family Office.

Existe-t-il un profil type de client ?

La clientèle amoureuse de l’art n’a pas d’âge et les budgets sont variés. Ce sont des passionnés qui peuvent investir sur différents supports : peinture, sculpture, photographie, voitures, montres, vins… même s’il est vrai que certaines catégories ne sont accessibles qu’à des budgets élevés. Dans la plupart des cas, ils ne recherchent pas à générer de la plus-value mais à se faire plaisir avec des actifs réels dont ils peuvent profiter tous les jours.

Quels sont les inconvénients de cet actif ?

La gestion est particulière : comment protéger la valeur d’un actif unique en son genre, qui procure à celui qui le détient un plaisir d’une autre dimension que celle d’un actif immobilier ou d’actions d’entreprises ? Il existe des contraintes de transport, d’assurance, de sécurité. Le marché est de plus divisé en segments fonctionnant à un rythme différent. Tout le monde est bien sûr attentif au prix d’acquisition de l’œuvre mais il ne faut pas oublier que, comme dans le marché du luxe, le haut de gamme est souvent plus prudent que les œuvres à petits prix. Il faut en parallèle tenter d’éviter les mouvements spéculatifs ou de mode. L’autre grand risque sur ce marché est celui des faux. Fournir la garantie de la traçabilité des œuvres dans les ventes de gré à gré est compliqué, les maisons de ventes aux enchères ou les galeries sont en général beaucoup plus sécurisantes.

"Le marché de l’art suit le schéma du luxe"

La crise actuelle a-t-elle eu une incidence sur ce marché ? 

Comme dans beaucoup de secteurs, la pandémie et les confinements ont accéléré la bascule digitale. Les collectionneurs se sont encore plus habitués à l’achat à distance. Le marché de l’art suit le schéma du luxe ; le haut de gamme est très recherché et les grandes signatures dans le luxe comme dans l’art restent très prisées. À l’inverse, les plus petites galeries ou les artistes plus jeunes, moins connus, souffrent beaucoup car le faible ticket d’entrée n’est pas sécurisant pour l’acheteur, surtout en cette période troublée.

Et s’agissant des maisons de ventes aux enchères ?

Un triptyque de Francis Bacon qui se vend 85 millions de dollars en quelques minutes lors d’une vente Sotheby’s entièrement à distance montre bien que le marché est en pleine mutation. Acheter une œuvre d’art sans l’avoir vue va devenir monnaie courante. C’était déjà un peu le cas mais la crise l’accélère. Le monde de l’art bascule un peu plus dans le digital ; c’est une autre forme de voyage, avec des découvertes surprenantes. Bien sûr, il restera toujours la magie des rencontres avec les artistes, l’univers muséal, les galeries, les collectionneurs…

Herez continue son mécénat ?

Nous avons en effet poursuivi notre démarche de mécénat, de partage et de « donner du sens » à travers le monde de l’art. En 2019, nous avons soutenu le street-artiste Seth Globepainter – en collaboration avec la galerie Itinerrance – qui a peint un mur incroyable sur le Boulevard Vincent Auriol à Paris, ainsi que la photographe Marie Benattar dans le cadre de notre Carte blanche. En cette fin d’année 2020, nous soutenons un projet photographique de Frédéric Blanc au profit de l’Hôpital Saint Joseph à Paris. Nous avons tous besoin de donner du sens à notre quotidien, à notre patrimoine et privilégier le partage au sens noble du terme, particulièrement en ce moment.

Propos recueillis par Emilie Zana

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