Des présidents de la République lettrés, une BD sur Basquiat, un essai sur la dépopulation du monde, le dernier roman de Seb Spera, l'affaire Fillon... Voici les ouvrages à ne pas manquer ce mois-ci.
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Destins de femmes

Elles s’appellent Annie, Gertrude et Retta. L’une est septuagénaire, propriétaire d’un atelier de couture et d’une grande maison blanche avec salles de bains, téléphone et domestiques. L’autre, mère de quatre enfants, lutte au quotidien pour échapper à la famine et aux coups de son mari. La troisième est une ancienne esclave et « une bonne chrétienne », revêche et généreuse, dure au travail et capable de voir les morts. Dans cette Caroline du Sud des années 1920 où sévit encore la fièvre des marais, où la chaleur de l’été peut tuer et le poids des secrets faire autant de ravages sur une existence que les charançons sur les plantations de coton, les destins de ces trois femmes que tout sépare vont se croiser, se reconnaître, se mêler ; liés par le poids du secret des unes et des blessures de l’autre. Dans « Le Chant de nos filles », un premier roman magnifique porté par une écriture saisissante de sensibilité et de justesse, Deb Spera dépeint cet univers pétri de conventions et de non-dits. Cette époque corsetée d’interdits dans laquelle chacun est censé connaître sa place et y rester : les Yankees avec les Yankees, les noirs avec les noirs, les pauvres avec les pauvres. 

Le chant de nos filles, de Seb Spera, Editions Charleston, 396 pages, 22,5 euros

Les lettrés de l'Elysée

Qu’il s’agisse d’une passion étalée au grand jour ou d’un jardin secret jalousement préservé, tous les présidents de la République ont en commun l’amour de la littérature, source d’apaisement, de contemplation, de détente ou de compréhension du monde. C’est à ce rapport au livre qu’est dédié l’ouvrage dirigé par le journaliste Étienne de Montety, Dans la bibliothèque de nos présidents, qui donne longuement la parole à Valéry Giscard d’Estaing et Emmanuel Macron. Des conseillers de Nicolas Sarkozy, François Hollande, Jacques Chirac ou François Mitterrand prennent également leur (très belle) plume pour montrer une face méconnue de nos dirigeants. Qui en ressortent tous grandis.

Dans la bibliothèque de nos présidents, sous la direction d'Etienne de Montety, Tallandier, 192 pages, 17,90 euros.

Où sont les hommes ?

L’ONU prévoit une croissance continue de la population pour les décennies à venir. Dans Planète vide, le journaliste John Ibbitson et le statisticien Darrell Bricker soutiennent une thèse différente : selon eux, le nombre de terriens croîtra moins vite que prévu et diminuera à l’horizon 2040. En cause ? L’urbanisation, l’augmentation du niveau d’instruction des femmes, la baisse spectaculaire et inattendue de la fécondité au Moyen-Orient, en Inde et au sein des populations immigrées en Occident, la surévaluation de la population chinoise... Saluons le travail rigoureux et convainquant des auteurs qui se penchent ensuite sur les impacts de cette transition démographique. Si la planète devrait être moins polluée et plus sûre, tout ne sera pas rose. Solitude, croissance faible, disparition de la diversité culturelle seront, selon eux, au rendez-vous. Un essai brillant qui remue les méninges et suscite le débat. Notamment lorsque les auteurs défendent le recours massif à l'immigration pour faire face à la diminution de la population en Occident. Enfermé dans une vision anglo-saxonne, ils semblent parfois méconnaître une partie de la culture européenne.

Planète vide, de Darrell Bricker et John Ibbitson, Les Arènes, 363 pages, 20 euros

Graffeur et graphisme

New York, fin des années 1970 : une ville au bord de la faillite, où les artistes désargentés pouvaient encore se permettre de vivre. C’est à cette époque que les chemins de Jean-Michel Basquiat rencontrèrent ceux de Blondie, Keith Haring ou encore Andy Warhol. L’ouvrage retrace le parcours tumultueux et fulgurant de l’artiste dont l’œuvre est marquée par tous les grands courants culturels – punk, jazz, hiphop, graffitis… – mais aussi par son histoire personnelle. On (re)découvre ainsi l’influence, dans son travail, d’un traité d’anatomie offert par sa mère à la suite d’un accident alors qu’il était enfant. On assiste à l’ascension de Basquiat et à la montée de ses démons intérieurs − figurés par un monstre peint en noir avec qui il échange − jusqu’à ce que ces derniers le conduisent à sa perte alors qu’il n’est âgé que de 27 ans. Mention spéciale au dessinateur de BD danois, Søren Mosdal, auteur d’un univers graphique qui n’est pas sans rappeler celui de son héros

Basquiat, de Julian Voloj et Soren Mosdal, Editions Soleil, 136 pages, 18,95 euros.

Fillon : le grand déballage

Alors que le procès Fillon bat son plein, de nombreuses questions demeurent. L’emploi de Pénélope était-il vraiment fictif ? Qui a envoyé les informations au Canard enchaîné ? Nicolas Sarkozy se cache-il derrière la manœuvre ? Le célèbre duo Gérard Davet et Fabrice Lhomme ne prétend pas se substituer à la justice. Il se contente d’interroger de nombreux poids lourds de la droite qui se livrent sans filtre, que ce soit par calcul, par vengeance, pour tourner définitivement la page ou pour se dédouaner. L’accumulation de témoignages et l’enquête journalistiquement rigoureuse livre un portrait étrange de celui qui fut candidat à la présidentielle. François Fillon y apparaît comme un homme seul depuis le début, un homme incapable de susciter l’amour et la fidélité de troupes prêtes à le suivre au combat. Si ce livre ne permet forcément de découvrir le fond de l’affaire (est-ce son but ?), il permet de comprendre pourquoi, dans son camp, certains avaient intérêt à le voir tomber.

Apocalypse, les années Fillon.  française, de Gérard Davet, Fabrice Lhomme, Fayard, 346 pages, 22,50 euros.

Caroline Castets, Lucas Jakubowicz, Olivia Vignaud

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