L’industrie de la mode est pointée du doigt pour ses excès. Reléguées encore récemment au dernier rang des priorités du secteur, les préoccupations sociale et environnementale prennent désormais les devants de la scène. Une prise de conscience est en marche, qui répond notamment aux attentes des jeunes générations.

Si l’industrie de la mode est relativement épargnée par les crises, elle doit relever des défis de taille : l’éthique et l’écologie. Accoutumée à la culture de l’outrance et de la démesure, la seconde industrie la plus polluante du monde, après celle des hydrocarbures, s’engage sur le chemin de la raison. Les initiatives en ce sens ne cessent de prendre forme notamment ­depuis le drame du Rana Plaza au ­Bangladesh en 2013 laissant derrière lui l’image désastreuse d’une industrie « fast fashion » trop exigeante, non respectueuse, bafouant les droits de l’homme, et faisant travailler des ouvriers dans des conditions inhumaines. Souvent commentée et critiquée elle tendrait aujourd’hui à plus de vertu. Réalité ou simple opération marketing ? Une chose est certaine : elle n’a plus le choix et doit changer pour ­rester attractive.

Halte au gaspillage !

À l’image du secteur alimentaire, la mode est, elle aussi, en proie à la montée en puissance des exigences écologiques et du socialement responsable dans le cadre de ses opérations marketing. Des stratégies qui changent pour s’adapter aux attentes des nouvelles générations Y et Z, en quête d’authenticité, de transparence, de sens, et pour s’assurer que leurs produits auront été conçus de manière responsable. Le gaspillage de certaines grandes enseignes comme Burberry, qui l’admet dans son rapport annuel, ou H&M, accusé par des journalistes danois, de brûler, tous deux, chaque année plusieurs tonnes de vêtements invendus, n’est plus toléré ! Aujourd’hui, les écarts sont lourdement sanctionnés par des bashing digitaux parfois violents. La maison Chanel se souviendra longtemps de son défilé « grandiose » au sein du Grand Palais où la célèbre maison de couture avait recréé artificiellement une forêt au prix de l’abattage d’arbres centenaires. Un événement qui avait fait l’objet d’un déferlement digital sans précédent lancé par la fédération France Nature Environnement (FNE) et ce malgré l’engagement de la marque à replanter un nombre d’arbres identique. Preuve que l’industrie de la mode ne peut plus se permettre la moindre désinvolture « éco-irresponsable » sans craindre de voir son image ternie et ses ventes en subir le contrecoup.

De l’intention à la réalisation

L’objectif est clair pour les marques : créer mieux pour consommer moins. Pavée de bonnes intentions, cette industrie doit intégrer de manière concrète ces préoccupations dans sa stratégie et communiquer pour convaincre. Le 10 décembre 2018, lors de la COP 24, 43 marques dont GAP, Adidas, Kering ou encore H&M se sont ainsi engagées à réduire leurs émissions de CO2 de plus de 30 % d’ici 2030 pour atteindre une neutralité carbone à horizon 2050. Des précurseurs du luxe ont déjà pris le pli, revoyant intégralement leurs choix de matières premières (cuir végétal, fibre d’agrume, coton biologique) et leurs processus de production (abandon de la destruction des invendus et réutilisation des chutes de tissus). ­Stella ­McCartney fait figure de pionnière avec ses collections végan vierges de toutes matières premières animales. Levi’s et Gucci agissent et réduisent leur consommation d’eau de 30 % en modifiant les process et en supprimant les métaux lourds lors du tannage. Le groupe Kering (Yves Saint Laurent, ­Gucci...) montre également l’exemple avec son plan 2025 : façonner le luxe de demain. Celui-ci propose une approche triangulaire : réduire l’empreinte environnementale (Care), promouvoir la parité, la diversité et agir pour être reconnu en tant qu’employeur de référence (Collaborate) et imaginer des alternatives innovantes destinées à impulser des changements (Create). Confirmant que la préservation écologique est aujourd’hui fondamentale pour l’industrie de la mode, 147 marques menées par François-­Henri Pinault (Kering) viennent de présenter à Biarritz lors du G7 2019, un « fashion Pact ». La vocation d’un tel engagement, bien que non contraignant, vise à limiter, en fixant des objectifs substantiels, les atteintes au climat, à la biodiversité et aux océans à horizon 2030 et 2050.

Si le 100 % éthique n’existe pas encore, les marques commencent à être à l’origine de nouvelles stratégies marketing qui reflètent mieux leur histoire et leurs engagements. Une chose est sûre aujourd’hui : être éthique et responsable, c’est chic. 

Alexandre Lauret

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