Des fragrances intemporelles et un nom synonyme de raffinement et d’authenticité. La maison poursuit aujourd’hui une mue entamée en 2013, en équilibre entre un patrimoine culte et des envies d’émancipation.

C’est une marque aussi discrète que mythique. Il suffit d’énumérer quelques-uns des jus phares de cette maison pour voir les perfumistas s’incliner, unanimes, saluant la mémoire de celle qui lui donna son nom et qui s’est éteinte en 1999 à l’âge de 59 ans. Sa vocation, Annick Goutal l’avait découverte un peu par hasard, en travaillant pour une amie qui développait une gamme de crèmes parfumées. Elle qui hésitait entre les carrières de pianiste et de mannequin fait ses gammes à Grasse, et ouvre sa première boutique parisienne en 1981, rue Bellechasse (7e). C’est la grande époque de L’Eau d’Hadrien, une eau mixte et fraîche, avec ses agrumes fusant et ses notes de fond boisées et musquées, à contre-courant des créations capiteuses du moment. Devenue culte, la fragrance est portée aussi bien par Catherine Deneuve ou Isabelle Adjani que… François Mitterrand. Le Président de la République fera même envoyer un flacon à la Princesse Diana pour la naissance du Prince Harry… La marque prospère grâce à ce parti-pris mêlant une authenticité à l’écart des grandes marques et de leurs égéries et un côté artisanal qui se reflète dans les flacons ciselés, les étiquettes joliment désuètes avec leur écriture cursive et leurs rubans – le père d’Annick Goutal était confiseur. En 1990, c’est le sommet de la gloire : la marque intègre le Top 5 des meilleures maisons de haute parfumerie dans un classement américain.

Lorsqu’Annick Goutal disparaît, sa fille Camille accepte de reprendre les rênes. À 24 ans, elle choisit d’œuvrer en tandem avec Isabelle Doyen, l’associée de sa mère. Elles partagent le goût des mêmes matières premières (rose, jasmin, iris…) et s’inspirent de voyages et de moments d’émotions pour créer à quatre mains des parfums comme Songes, Nuit étoilée, la collection des Soliflores ou encore Un Matin d’Orage.

 

Mais en 2013, face à la concurrence, l’image un peu (trop) sage de la marque est repensée. Exit les rubans, les flacons se font plus épurés. Des inconditionnels se sentent trahis lorsque la production de jus comme Folavril ou L’Eau de Camille sont interrompus. D’autres se réjouissent à l’arrivée de nouveautés comme la très élégante Eau de Monsieur. L’année 2018 s’annonce comme celle d’un nouveau virage avec un packaging revu (des flacons féminins, masculins et mixtes), une classification des fragrances en cinq familles olfactives et une créatrice, Camille Goutal, désormais seule aux commandes. La maison s’appelle Goutal Paris, Conteur de Parfums. Et entend bien garder ce talent de narrateur intact. En témoigne la dernière création en date, Bois d’Hadrien (voir encadré), une manière pertinente de revisiter le patrimoine tout en explorant des voies tournées vers l’avenir.

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Bois d’Hadrien. Héritière de l’Eau bien connue, cette fragrance jour le contre-pied en mettant en avant les odeurs de la Toscane au coucher de soleil. S’y mêlent la fraîcheur des citronniers, la chaleur de la terre et un boisé sensuel affûté par le pin de Sibérie.

Guillaume TESSON

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