Filiale de la maison suisse éponyme, Bordier & Cie France revient sur les raisons de son succès et les tendances d’aujourd’hui et de demain qui dessinent le métier de banquier privé.
Christophe Burtin (Bordier & Cie) : "Nous avons gagné de grands clients grâce à notre offre de private equity"
Décideurs. Comment Bordier & Cie a-t-elle réussi à maintenir une dynamique de croissance rentable malgré les fluctuations de marchés ces dernières années ?
Christophe Burtin. Cela tient de l’ADN entrepreneurial du groupe et des attentes des clients, qui recherchent d’avantage d’architecture ouverte et d’investissements en direct. Ils expriment un besoin d’indépendance dans le conseil et la gestion. Notre offre et la structure capitalistique du groupe répondent à ces attentes. Nous sommes également très tournés vers le développement, avec un sentiment d’appartenance des collaborateurs embarqués par l’autonomie qu’offre notre maison à taille humaine.
De plus, nous avons lancé il y a trois ans de cela, une offre à destination des CGP et MFO. L’idée est de développer des relations actives avec quelques acteurs privilégiés du marché. Notre objectif est d’arriver à 200 millions d’euros en gestion déléguée d’ici 18 mois contre 130 millions aujourd’hui, soit près de 15 % de nos encours en France.
Pourriez-vous nous en dire plus sur votre développement, tant sur le plan RH que sur les investissements dans les outils numériques chez Bordier & Cie ?
Notre équipe de banquiers et gérants privés s’étoffe année après année. Ainsi en avril, Cyrille Pierre nous a rejoint comme banquier privé senior. Doté d’un profil très complet, il a comme objectif de développer une clientèle de chefs d’entreprise et de familles.
Côté IT, nous investissons chaque année pour le développement de notre outil central qui regroupe les fonctions de gestion de portefeuilles, de compliance, de contrôle des abus de marché et que nous faisons progresser régulièrement avec de nouveaux modules. En parallèle, nous avons intégré la solution Hokus dédiée à l’assurance-vie afin de gagner en productivité sur la partie administrative et les reportings. Nous travaillons cette année sur la signature électronique et nous lancerons en 2025 une application mobile à destination des clients.
Face à la montée du numérique, quel est le rôle de l’homme ?
Il n’est pas question que le client interagisse avec une intelligence artificielle, mais de gagner en productivité sur l’ensemble des tâches. Si les clients rejoignent Bordier, c’est parce qu’ils s’attachent à une relation de grande proximité avec leur banquier. Il leur offre de la stabilité, des compétences techniques, de la performance mais aussi de l’écoute, de la confiance réciproque qui se construit sur le temps long, grâce à une compréhension des enjeux familiaux que l’on acquiert avec l’expérience. La visibilité sur la pérennité des équipes et de notre structure est aussi un point très important dans un contexte de consolidation du secteur. La stratégie de Bordier & Cie s’inscrit sur le très long terme
Comment vous différenciez-vous sur votre offre de private equity ?
Nous avons gagné des grands clients grâce à notre offre sur cette classe d’actifs. À ce jour, 10 % de nos encours sont engagés au sein de fonds non cotés, private equity ou dette privée. Chaque année depuis sept ans, nous proposons deux à trois opportunités d’investissement au sein de fonds de gérants et de classes d’actifs différents, et nous aidons ainsi nos clients à se constituer un portefeuille sans passer par des feeders, et ce via des véhicules historiquement réservés à une clientèle institutionnelle. Sur toute la durée de vie du fonds, nous synthétisons les reportings trimestriels en mettant en évidence les points clés et nous communiquons auprès de nos clients sur les investissements ou cessions des fonds.
Comment sélectionnez-vous ces fonds ?
L’idée est d’apporter de la diversification aux allocations grâce à des sociétés de gestion dont les équipes sont stables et les track records reconnus. C’est ensuite une question de calendrier de levées de fonds, de professionnels avec lesquels nous aimons travailler, et de fidélité si les promesses sont tenues.
La dette privée fait beaucoup parler d’elle. Pourquoi ?
Les fonds de dettes ont eu une place à prendre lorsqu’en 2022 les banques se sont partiellement retirées des financements de LBO et d’opérations de croissance externe. Par ailleurs, la forte hausse de l’euribor a rendu ce type d’investissement beaucoup plus attractif que lors de la décennie passée.
Tous vos gérants et banquiers privés sont certifiés AMF Finance durable, envisagez-vous d’autres actions pour soutenir la finance responsable ?
Au-delà de notre projet de rejoindre les PRI, nous intégrons dans nos processus de stock picking une analyse de risque ESG fournie par Sustanalytics. Nous proposons également une large gamme de fonds classés article 8 et 9 selon la réglementation SFDR pour répondre aux besoins de nos clients en quête d’impact. J’ajouterai toutefois que, selon nous, celui qui souhaite avoir par ses investissements financiers un impact direct sur la décarbonation de l’économie ou le social doit en priorité se tourner vers des investissements non cotés.
Comment vous adaptez-vous aux durcissements de la réglementation ?
Les processus réglementaires sont devenus si lourds qu’ils poussent à l’industrialisation et à une certaine standardisation, pour ne pas dire un rétrécissement de l’offre des banques privées. Or, il se développe chez les clients fortunés une demande pour plus de personnalisation, de transparence, d’absence de conflits d’intérêts, et c’est là que des Maisons comme Bordier & Cie, agiles, indépendantes et disposant d’une belle envergure, ont tout leur sens et légitimité.
Propos recueillis par Marine Fleury