Pour Yann Galet, dirigeant fondateur du multi-family office G Consult Finances, la valeur ajoutée du conseil passe par des outils informatiques adaptés fonctionnant comme un cerveau collectif au service du client. Entre pilotage interne, visualisation de données et transmission d’un patrimoine intangible, rencontre du troisième type avec un logiciel atypique.
Yann Galet (G Consult Finances) : "La technologie devrait nous aider à être plus humain"
Décideurs. En quoi la technologie permet-elle de répondre aux besoins des clients ?
Yann Galet. Si nous voulons développer cette activité de conseil financier, fiscal et social auprès des familles que l’on accompagne, il nous faut des méthodologies de travail et pouvoir quantifier notre valeur ajoutée. Cela nécessite un reporting et des outils adaptés, sans quoi les honoraires ne sont pas compris par les clients, qui demeurent les vrais propriétaires de leurs données. Cela nous a amenés à développer un logiciel depuis sept ans, que nous allons proposer en marque blanche en 2024, en le couplant à des ateliers de formation. Les comptes-rendus de rendez-vous doivent être le plus automatisable possible, puis repris par un conseiller pour en ressortir la quintessence des décisions. Notre outil propriétaire, Sève, permet de produire des rapports automatisés et des illustrations spécifiques de simplification des données.
Quelles en sont les spécificités ?
Sève a été conçu en premier lieu pour permettre à un multi-family office de pouvoir piloter la gestion interne du cabinet et la répartition de charges entre collaborateurs, qui peuvent ainsi fonctionner comme un cerveau collectif. La centralisation et la circulation de l’information sont des points clés de l’outil. Les donneurs d’ordre que sont les familles ont besoin également de s’approprier l’outil afin de suivre l’ensemble des dossiers, documents et échanges par projet. Elles doivent pouvoir détenir et accéder à toutes les informations les concernant en totale transparence et instantanéité, ce qui permet d’augmenterla confiance légitime entre la famille cliente et ses conseils privilégiés.
"Il s’agit de transmettre l’histoire familiale, les valeurs et les expériences vécues, pas uniquement un montant en euros ou des actifs"
Le deuxième point important concerne l’interprofessionnalité. Chacun doit être dans le conseil, et non dans la récupération d’information. La data visualisation nous aide à simplifier et mettre en perspective des données éparpillées dans des centaines de documents. Sève permet de projeter de manière schématique un organigramme dynamique. Les experts ont alors les informations pertinentes pour faire avancer leur réflexion pendant les réunions. Le temps gagné est précieux. Après la visualisation et la manipulation des données, qui s’apparentent à des photosinstantanées, l’enjeu est d’en faire un film. La compilation des modifications que l’on effectue au fil des années nous permet de dresser rétrospectivement le film de l’évolution du patrimoine familial. Il s’agit de transmettre l’histoire familiale, les valeurs et les expériences vécues, pas uniquement un montant en euros ou des actifs. C’est un réel cadeau pour les générations suivantes, qui comprennent alors le parcours et les choix faits par leurs ascendants. Un family officer qui a été témoin pendant trente ans de la vie d’une famille doit pouvoir, lui aussi, léguer un patrimoine d’accompagnement professionnel aux héritiers.
Enfin, une version "light" verra le jour dans deux ans, en mode Saas, pour les chefs de famille. D’un côté, ils pourront suivre des formations de premier niveau. De l’autre, ils bénéficieront d’un outil de gouvernance familiale étendu, avec des vues consolidées et évolutives. C’est un moyen de démocratiser la culture financière et fiscale en France. Ils pourront gérer eux-mêmes leur patrimoine, être leur propre conseil jusqu’à un certain niveau.
Qu’en est-il de la récupération des données?
La base Salesforce que nous utilisons interopère avec de nombreux modules externes et progiciel métiers existants. L’objectif est d’aller chercher l’information sur d’autres bases publiques et gouvernementales très bien documentées. Le tout est stocké sur des serveurs français. Pour certains secrets de familles ultra-confidentiels, nous avons développé l’idée, avec un leader de la blockchain en Suisse, d’un coffre-fort hardware utilisant cette technologie et des nodes privés.
Quel usage faites-vous de l’intelligence artificielle?
Nous devons être des hommes et femmes augmentés sur le plan des micro-tâchesafin de nous concentrer sur la dimension émotionnelle et humaine de la relation, et comprendre les enjeux de la famille. La technologie devrait nous aider à être plus humain et faire en sorte que le cerveau collectif fonctionne et soit plus intelligent. La technologie en soi n’est ni positive ni négative, elle peut aussi bien nous amener à une certaine croissance et une démocratie, ou au contraire à un isolement et un totalitarisme.
Propos recueillis par Marc Munier