Diversité, équité et inclusion. Des termes forts qui occupent une place de choix au sein des entreprises. Sans être nouveau, le sujet demeure toujours aussi sensible et appelle à une profonde réflexion, notamment en matière d’égalité des chances, véritable défi dont s’approprient progressivement les agendas des dirigeantes et dirigeants.

Pour construire l’entreprise inclusive de demain et relever les enjeux qui en découlent, les leaders doivent mobiliser, développer et cultiver des qualités nouvelles qui leur permettront de manager autrement. Les membres de codir, tout particulièrement, peuvent contribuer à cette promesse d’égalité des chances pour enrichir un capital humain où les couches sociales sont encore trop similaires.

Égalité des chances : combattre le déterminisme social

Qu’on le veuille ou non, le monde du travail se prépare dès le plus jeune âge. Si la promesse d’un accès équitable à la connaissance semble aller de soi, la réalité est tout autre. Pour les jeunes issus des milieux populaires, les discriminations sont les plus fortes et freinent leur ascension sociale dès leur entrée dans l’enseignement scolaire. Un constat tristement connu, auquel s’ajoutent les discriminations liées aux origines. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : dans une étude publiée en novembre 2021 par la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), les candidats avec un nom à consonance maghrébine, diplômés d’un CAP à un bac +5, ont 31,5% de chances en moins d’être contactés par les recruteurs.

Dès lors, ces jeunes vivent avec la pression systématique de devoir faire encore mieux scolairement et professionnellement que les autres. À cela s’ajoutent d’autres contraintes : ne pas évoquer son adresse, son milieu socio-économique, gommer ses origines culturelles ou sociales, ou encore taire le parcours de ses parents. Tant d’exemples pour revenir à une seule et même question : comment montrer sa valeur ? Imane Bounouh, fondatrice de @grimpe.fr sur Instagram, conseille des étudiants ainsi que de jeunes adultes et regrette cette inégalité de traitement : "Les jeunes issus des quartiers populaires, des REP et REP+ ne devraient pas se précariser pour aspirer à une ascension sociale. Dans la situation actuelle où les dispositifs publics peinent encore à soutenir assez les trajectoires scolaires de ces jeunes, les entreprises en deviennent davantage responsables." L’identité, première information lue sur un CV, est le facteur le moins égalitaire dans cet accès à l’emploi. Leïla Grison, directrice diversités, équité et inclusion de Publicis France, combat avec convictions le phénomène : "Les chiffres montrent que, d’une manière générale, les recruteurs passent en moyenne 7 secondes et demie sur un CV. Alors que l’identité et votre milieu social ont trop souvent une incidence sur l’orientation, notamment subie, face à un jeune, même très performant, qui n’est pas passé par une grande école, le recruteur partira du principe qu’il n’a pas sa place dans l’entreprise sur des fonctions à potentiel. C’est injuste et injustifiable."

Les candidats avec un nom à consonance maghrébine, diplômés d’un CAP à un bac +5, ont 31,5% de chances en moins d’être contactés par les recruteurs

Plus encore, pour Imane Bounouh, le déterminisme social empêche des personnes talentueuses de s’épanouir en raison de ces inégalités et du manque de réseau. En dépit d’une prise de conscience, force est de constater leur persistance : "Pour ces jeunes, et encore plus pour ceux des petites villes, il est difficile de sortir du milieu social dans lequel ils ont évolué. La plupart pense qu’il s’agit de leur destinée et s’y conforme. Il y a des rencontres qui peuvent être déterminantes. Un professeur ou un manager peuvent passer le mot ou accorder le stage qui sera la première pierre de cette ascension." Son expérience résonne avec celles des jeunes défavorisés à qui l’on dresse le tapis rouge uniquement pour des formations professionnelles : "Ces jeunes ont tout aussi droit à suivre des formations prestigieuses qui leur permettra d’accéder à des postes à responsabilité. C’est très difficile de briser ce chemin de vie lorsque personne ne croit en notre potentiel." Leïla Grison corrobore ces propos et affirme même que la situation est plus dramatique : "De nombreux jeunes issus des quartiers populaires, dont de très nombreux bons élèves se voient poussés vers des formations professionnelles, et le plus souvent dans des filières qui ne les intéressent pas du tout. En faisant cela, on brise des vies et on fabrique du décrochage et de la précarité programmée."

Pour ces jeunes issus des milieux populaires, être reconnus pour leur valeur et leur mérite, et contribuer à la société est une nécessité. Il devient alors urgent pour les directions de mettre en place une organisation inclusive et ce, bien en amont du recrutement.

"Pour les jeunes des petites villes, il est difficile de sortir du milieu social dans lequel ils ont évolué"

Recruter autrement : l’ouverture à des diversités de profils

Les récentes transformations du marché du travail bouleversent drastiquement la fonction recrutement et amènent à refondre profondément les habitudes. Pour Leïla Grison, les méthodes de recrutement traditionnelles conduisent à une trop grande homogénéité du vivier de candidats et limitent la créativité, l’innovation et le progrès dans un contexte RH tendu : "Il est bien difficile de pousser certains DRH et managers à innover en matière de recrutement. En effet, quand on se convainc que les talents n’existent que dans un vivier restreint, on a vite recours à la cooptation. Cela ne fait qu’entretenir l’homogénéité du système et ne vise à aucun moment ni la recherche réelle de talents, ni leur diversification." Le constat est sans appel : au-delà de l’aspect "visuel" de la diversité – nombreuses sont les singularités invisibles –, le manque de diversification peut considérablement réduire la performance de l’entreprise qui se prive de talents déconsidérés et ignorés. Même si les différences peuvent effrayer et éloigner de ce que l’on connaît, il est important, pour Imane Bounouh, de "s’ouvrir à des profils différents et donc complémentaires" et de s’intéresser aux qualités intrinsèques : "Élargir son horizon de candidats en limitant ses critères de recrutement est une opportunité d’enrichir son vivier en s’intéressant davantage à l’individu."

D’autant plus que ces discriminations ont un coût considérable. Les jeunes issus des quartiers populaires et issus de l’immigration doivent affronter la double épreuve du manque de moyens, et pour nombre d’entre eux, du racisme. Réussir ses recrutements en s’efforçant de rédiger l’offre tout en se confrontant à ses propres biais et stéréotypes peut être la condition sine qua non pour embrasser la diversité. Miser sur les compétences douces pour élargir l’horizon de candidats et les évaluer de la même manière s’avère pertinent. Encore faut-il que la direction soit prête à changer.

Alexis Ellin

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