Au coeur des problématiques relatives au secteur de la santé l’équipe dédiée du cabinet d’avocats Hogan Lovells suit de près les évolutions en la matière. Les associés Charlotte Damiano, Mikael Salmela, Stanislas Roux-Vaillard et Patrice Navarro présentent leur analyse.

Décideurs. Dernièrement, le secteur pharmaceutique a fait part de ses préoccupations vis-à-vis d’un marché français qu’il considère à bout de souffle. Quelle est votre position en la matière ?

Charlotte Damiano. De toute l’Europe, les autorités françaises sont les plus exigeantes en matière de preuves scientifiques et de négociation des prix. Pour un même médicament, la mise sur le marché intervient ainsi de façon plus tardive dans l’Hexagone qu’en Allemagne. Ces longues négociations reposent en grande partie sur la politique de sécurité sociale de l’État français consistant à "tout rembourser".

À mon sens, il faut redéfinir les priorités du système d’assurance maladie français pour laisser plus de place, entre autres, aux innovations de pointe et aux maladies rares. En collaboration avec le ministère de la Santé et les syndicats du secteur, nos équipes ont à coeur de prendre part à ces évolutions. Malgré l’accroissement des difficultés que rencontrent les laboratoires, ils ne se priveront jamais de la France, qui constitue un marché de référence.

Au-delà des problématiques propres à la France, à quelles tendances réglementaires devez-vous faire face ?

C. D. Au niveau européen, le projet de réforme de la législation pharmaceutique et celui de réduction de la protection des médicaments en matière de brevets inquiètent les industriels. Au-delà des difficultés franco-françaises, un problème d’investissement se dessine au vu de la protection insuffisante des innovations. Si l’hypothèse me paraît peu probable, compte tenu de l’importance du marché européen, certains acteurs pourraient y réduire leur présence. Quelle que soit l’issue, notre rôle au conseil comme au contentieux évoluera à la hausse.

"Un problème d’investissement se dessine au vu de la protection insuffisante des innovations"

Mikael Salmela. Pour l’industrie pharma, le projet de nouveau cadre réglementaire publié le 26 avril, et qui avait fuité il y a quelques mois, va apporter des modifications substantielles. Cette réforme des produits pharmaceutiques vise notamment à enrayer les pénuries de médicaments et favoriser l’accès aux traitements innovants. Il est important pour l’industrie de s’approprier ce projet et faire entendre sa voix au cours des débats qui seront portés auprès des instances européennes.

Pour le secteur des dispositifs médicaux, nous constatons encore des niveaux de maturité très variables entre les opérateurs en matière d’application du règlement relatif aux dispositifs médicaux (RDM) et de son articulation avec les règles nationales qu’il ne couvre pas. L’extension récente des dispositions transitoires applicables au RDM a donné un répit aux fabricants, mais il reste encore un travail important d’adaptation et de pédagogie à faire. Nous constatons ainsi une demande croissante sur la stratégie concernant la réglementation en construction, ou encore l’évaluation des mises en conformité sur les textes actuels.

L’arrivée de la JUB rebat les cartes en matière de protection des brevets. Comment accompagnez-vous vos clients à cet égard ?

Stanislas Roux-Vaillard. La juridiction unifiée du brevet est source de nouvelles opportunités. Avec le brevet unitaire, elle permet d’envisager une mise en oeuvre plus globale des droits de brevets dans la plupart des pays de l’Union européenne en limitant les procédures et les coûts associés. Si gérer des enjeux d’une taille bien plus importante représente un défi, notre équipe paneuropéenne dédiée pourra accompagner notre clientèle de façon agile. De même, la diversité de notre groupe permettra de répondre aux attentes du client tout en s’adaptant parfaitement au caractère multinational des panels de juges. Au global, nous combinons expertises juridique et technique, toutes deux incontournables. Nous aidons également nos clients à adapter leurs contrats en intégrant ce nouveau cadre légal.

"Les industriels, historiquement très conservateurs, se défendent de plus en plus"

S’agissant des DM et traitements basés sur les données et nouvelles technologies, quels sont vos conseils ?

Patrice Navarro. Aujourd’hui, les innovations foisonnent, allant des nouvelles applications de santé connectées à l’amélioration des algorithmes d’aide au diagnostic, en passant par les thérapies géniques. Toutes ces avancées et pratiques inédites nécessitent un traitement massif de données personnelles sensibles. Il est essentiel pour les fabricants de dispositifs médicaux, les laboratoires pharmaceutiques et les différents acteurs impliqués dans ces innovations de recevoir des conseils multidisciplinaires et hautement spécialisés dans ce secteur afin de les aider à trouver des solutions face aux obstacles juridiques que peut représenter une telle rupture. C’est ce que nous proposons. 

Grâce à nos équipes data et IT expertes dans le domaine de la santé, qui travaillent en étroite collaboration avec nos spécialistes de la réglementation, de l’accès au marché, des contrats et de la propriété intellectuelle dans le secteur de la santé, nous formons un ensemble uni capable d’offrir une approche cohérente, pratique et expérimentée pour guider nos clients. Nous avons l’expérience nécessaire pour passer d’un "ce n’est pas possible" à un "voici comment procéder".

Actifs au conseil, contentieux et en lobbying, vous occupez un rôle pivot. Quelles sont vos recommandations pour les acteurs du secteur ?

C. D. Ces derniers temps, je constate que les industriels, historiquement très conservateurs, se défendent de plus en plus. Ils se sont notamment aperçus que la politique de frilosité ne fonctionnait pas. Sans forcément aller au tribunal, nous les aidons par notre vision à la croisée entre le conseil et le contentieux à atteindre leur but.

M. S. Je partage l’avis de Charlotte : les acteurs ne doivent pas manquer d’audace face à une réglementation qui permet souvent bien plus que ce qu’une lecture conservatrice laisserait entendre. La mise en oeuvre de solutions technologiques d’accompagnement des patients en est un exemple. Le conseil d’une équipe pluridisciplinaire reste, dans ce contexte, un atout pour développer une approche prudente basée sur une gestion appropriée des risques.

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