En dix a, une grande partie des atteintes aux marques sur Internet a été juridiquement quadrillée grâce à l’évolution de la jurisprudence, l’adaptation de la pratique et la mise en place de procédures spécifiques et dédiées. Aujourd’hui, le nommage sur Internet est sur le point d’être profondément modifié, de nouvelles fonctionnalités apparaissent et les plateformes d’enchères restent da la mire des titulaires de marques.

En dix ans, une grande partie des atteintes aux marques sur Internet a été juridiquement quadrillée grâce à l’évolution de la jurisprudence, l’adaptation de la pratique et la mise en place de procédures spécifiques et dédiées. Aujourd’hui, le nommage sur Internet est sur le point d’être profondément modifié, de nouvelles fonctionnalités apparaissent et les plateformes d’enchères restent dans la mire des titulaires de marques.

Il y a quelques mois, nous mettions l’accent sur les atteintes suscitées par les sites Internet participatifs ou contributifs, la réservation de mots-clés dans le système AdWords de Google ou encore le changement jurisprudentiel concernant eBay. Désormais, une révolution est en marche avec la possibilité ouverte à tous de détenir une extension sur Internet. La toute dernière fonctionnalité de Google, Google Suggest, est également placée sous les feux de l’actualité. Enfin, eBay fait l’objet de toutes les attentions sous les traits d’un annonceur sur les moteurs de recherche.
 

Le bon en avant des nouvelles extensions !


En juin 2008, l’ICANN (entité gérant le système des noms de domaines) annonçait une prochaine modification dans le nommage sur Internet en ouvrant à tous la possibilité de disposer de sa propre extension. Alors qu’aujourd’hui nous connaissons des extensions telles que .com, .net, .org, .biz, .info, .fr, .mobi, etc, existeront demain des nouvelles extensions correspondant selon ce système au nom corporate, à une marque, voir à une activité ! Le mécanisme annoncé est désormais proche de la concrétisation : la troisième version du Guide du candidat date du 5 octobre 2009, les premières candidatures à une extension devraient être déposées en février 2010 pendant une « fenêtre » ne durant que 45 jours. Bien que le processus et les procédures ne soient pas encore définitivement arrêtés, l’impact stratégique et juridique est d’ores et déjà mesurable et attendu. Sur le principe, le titulaire d’une nouvelle extension va bénéficier d’un effet levier de valeur de ses droits de propriété industrielle.
La logique corporate consistant à disposer de l’extension reprenant le nom de la société et/ou la marque ombrelle phare va accroitre la valeur des actifs immatériels au regard de l’investissement financier attaché à l’extension. La soumission du dossier de candidature coûterait en effet 185 000 $ (une espèce de « pas de porte ») auxquels s’ajouteraient des redevances annuelles pour les frais de redevance (minimum 25 000 $ ou avec un système de pourcentage). De manière plus indirecte, l’existence d’une extension corporate augmentera la visibilité de la marque sur Internet et sa connaissance par le public compte tenu du trafic généré par l’extension lui-même issu du traffic généré par chaque site Internet rattaché à cette extension. En outre, les extensions dites « communautaires » (représentatives d’une communauté restreinte comme le .food ou le .automobile par exemple) également envisagées dans ce nouveau système représenteront un avantage concurrentiel et financier fortement impactant dans une logique business. Dans tous les cas, l’extension constituera un vrai centre de profit à raison des annuités provenant des propriétaires des noms de domaines liés à cette extension.

Le système envisagé offrirait plusieurs filtres et procédures aux (futurs) titulaires d’extensions et/ou propriétaires de marque vis-à-vis d’une demande d’extensions nouvellement présentée. Un premier filtre interviendrait lors de l’évaluation du dossier de candidature. Outre l’analyse des aspects structurels, financiers et techniques du candidat, une comparaison avec les extensions déjà accordées et les autres demandes d’extensions en cours interviendrait afin de relever des points de contacts visuels (et uniquement visuels).
Une fois l’évaluation du candidat « validée », la demande serait publiée afin de permettre aux tiers de présenter des objections. Aucune notification n’étant prévue auprès des titulaires de marques et d’extensions pendantes ou déjà accordées, cette publication devra faire l’objet d’un système de surveillance spécifique de leur part. La procédure d’objection serait notamment ouverte aux titulaires d’extensions déjà demandées ou accordées ainsi qu’aux propriétaires de marques antérieures.
Une procédure complémentaire pourrait enfin intervenir pour les demandes d’extension retenues comme identiques ou similaires à une ou plusieurs autres demandes d’extensions lors de l’évaluation du candidat ou lors de la procédure d’objection. Cette phase complémentaire se déroulerait selon les cas en deux ou trois étapes avec in fine des enchères en ligne entre candidats.
 

Le pas en demi-teinte de Google Suggest


Jusqu’à présent, la plupart des décisions impliquant Google concernaient le système Adwords qui permet de déclencher l’apparition de liens commerciaux à partir de mots clés introduits par l’internaute. La jurisprudence apparue depuis 2001 hésite encore aujourd’hui sur le fondement le plus opportun pour agir efficacement contre le moteur de recherche. La décision de la CJCE, questionnée par plusieurs juridictions des pays de la Communauté pour savoir si la contrefaçon de marque peut s’appliquer, reste attendue dans les prochains mois.
D’ici là, les toutes premières décisions concernant Google Suggest   sont déjà apparues. Cette fonctionnalité mise en place depuis l’été 2008 suggère automatiquement dix termes ou expressions liés à la recherche de l’internaute. Le système serait conçu de telle sorte que les suggestions s’affichant à l’écran résultent d’un algorithme basé sur les résultats des recherches identiques déjà effectuées par des internautes. Or les deux premières décisions qui viennent d’être rendues en la matière ont statué dans un sens opposé.
Dans la toute première affaire, la société Direct Energie avait constaté qu’une recherche sur Google générait comme première suggestion « direct energie arnaque ». Une procédure de référé devant le tribunal de commerce de Paris fut introduite afin que Google supprime le terme « arnaque » des suggestions générées par Google Suggest lorsque « direct energie » était introduit par un utilisateur.
Google indiqua que Google Suggest était une fonctionnalité statistique, automatique et objective du moteur de recherche qui n’impliquait aucune intervention de sa part quant aux suggestions affichées à l’écran. Les liens suggérés furent présentés comme légitimes et utiles à l’ensemble des utilisateurs dans la mesure où ils reflétaient objectivement les recherches les plus fréquemment effectuées par les internautes. 
Le juge des référés sanctionna Google le 7 mai 2009 au titre de la responsabilité pour faute. Non seulement la suggestion « direct energie arnaque » créait une suspicion sur le demandeur mais en outre elle n’était pas en terme de nombre l’interrogation la plus fréquemment introduite par les internautes alors qu’elle apparaissait comme première suggestion.
Dans une seconde affaire, le juge des référés près le tribunal de grande instance de Paris rejeta le 10 juillet 2009 la demande de suppression de la suggestion « CNFDI arnaque » s’affichant lors d’une recherche sur le nom du demandeur au motif qu’elle ne pouvait être considérée comme une injure au sens de la loi sur la liberté de la presse.
Ces deux décisions adoptent une position radicalement différente à l’égard de Google. Certes les fondements des actions ne sont pas les mêmes ce qui peut a priori expliquer cette disparité. Il s’agit là bien entendu des toutes premières étapes dans la construction d’une jurisprudence contre Google Suggest qui est en devenir.
 

Le pas de côté d’eBay


Le groupe LVMH avait remporté une première victoire le 30 juin 2008 avec la condamnation des sociétés eBay à payer près de 40 millions d’euros à titre de dommages-et-intérêts. Les magistrats avaient en effet retenu que la plateforme d’enchères portait atteinte à l’étanchéité des réseaux de distribution sélective et impliquait une perte de maitrise de l’image des produits des plaignants.
Le tribunal de grande instance de Paris a de nouveau donné raison au groupe LVMH le 18 septembre 2009 en condamnant les sociétés eBay pour contrefaçon de marques. Les sociétés eBay avaient en effet réservé sur différents moteurs de recherche (Google, MSN et AOL Search) des mots clés reproduisant ou imitant des marques telles que “Ange ou demon”, “Hot Couture”, “L’heure bleue”, “(parfum) Habit rouge” et “Kenzo” afin d’amener les internautes vers leurs sites eBay.fr et eBay.com.
Pour se défendre, les sociétés eBay ont exposé qu’elles n’effectuaient aucun usage personnel et direct des marques invoquées. Pour elles, le public percevait parfaitement que la reproduction et l’imitation des signes en cause servaient uniquement à présenter les produits disponibles à l’achat sur leurs sites d’enchères. L’usage des marques des demandeurs était donc une nécessité pour fournir au public une information claire et complète quant à la disponibilité de produits sur ces sites.
Le tribunal a considéré que l’usage des marques sur les pages des sites eBay n’était pas concerné, et indiqué que seule l’exploitation non autorisée de ces marques en tant que mot-clé générant des liens commerciaux vers les sites d’eBay devait être prise en compte. Dans ce contexte, le magistrat a retenu un usage des marques dans un but uniquement promotionnel et l’absence de toute démarche d’information du public. Il n’y avait donc aucune nécessité à reproduire ni imiter les marques des demandeurs. Un montant de 60 000 euros a été accordé au titre des dommages et intérêts.
Ce jugement s’inscrit dans une jurisprudence constante qui condamne pour contrefaçon de marque les annonceurs réservant comme mots-clés des marques de tiers afin de déclencher des liens promotionnels vers leurs propres sites. C’est en tout cas une alternative  à considérer face aux hésitations des tribunaux à l’égard de Google (AdWords).
 

Conclusion


Aujourd’hui plus qu’hier, de nouvelles atteintes aux marques se profilent sur Internet. Elles nécessitent la mise en place de stratégies adaptées, préventives et innovantes afin d’anticiper et de répondre juridiquement à ces évolutions. L’ouverture prochaine des nouvelles extensions, la mise en place de nouvelles fonctionnalités et l’existence de modèles économiques spécifiques ne sont que quelques-uns des aspects émergents du moment. D’autres sont à venir et font déjà l’objet de démarches des titulaires de marques outre-Atlantique, comme c’est le cas de Twitter par exemple.
 

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