Les villes, où résident plus de la moitié de la population mondiale, se tiennent à la croisée des chemins. Alors que le réchauffement climatique impose des changements radicaux le digital apparait comme un outil incontournable pour repenser et transformer nos métropoles. Malheureusement, son appropriation par les acteurs de la ville est encore imparfaite.
Le digital, outil indispensable à la transformation écologique des villes
Depuis que la smart city est devenue dans les années 2000 une figure centrale du débat sur l’aménagement urbain, trois écosystèmes pourtant complémentaires coexistent sans vraiment se comprendre. D’un côté, les acteurs traditionnels de la ville : urbanistes, architectes, élus locaux… De l’autre, les tenants d’une vision technologique de la ville, souvent accusés par les premiers de reléguer au second plan les habitants et leurs usages. Le troisième écosystème, c’est celui des énergéticiens, qui sont depuis longtemps des acteurs de l’aménagement urbain, sans être toujours reconnus comme tels. Le défi réside dans la conciliation de leurs perspectives parfois divergentes.
L’approche low tech, souvent évoquée comme une réponse à nos maux, ne peut se suffire à elle seule face à l'ampleur des défis. Nous devons innover, avec discernement mais sans tourner le dos aux différentes technologies qui émergent aujourd’hui. Prenons l’exemple du béton : critiqué pour son empreinte carbone, il reste pourtant fondamental pour la construction. La solution ? Le réinventer, le décarboner et optimiser son usage grâce au digital. Partout, c'est cette démarche pragmatique que nous devons adopter, dans une approche technologique raisonnée et durable. Prenons un autre exemple : celui des énergies renouvelables.
Elles sont bien sûr indispensables, mais leur efficacité dépend du pilotage digital qui permet d’optimiser leur production. Idem pour le bâti : comment imaginer des bâtiments performants sans maquette numérique, sans outils de conception digitaux ? Comment optimiser le mix de transports entre différentes modalités ayant chacune leurs mérites ? Et pourquoi se priver des outils qui aujourd’hui rendent plus fluide la concertation citoyenne sur les projets d’aménagement ? Tous ces exemples prouvent que refuser la technologie est en réalité une vue de l’esprit.
Pour autant, le digital lui-même doit être exemplaire et se décarboner. Les data centers, pivots de notre ère numérique, doivent eux aussi devenir plus respectueux de l'environnement. Il est temps d'exploiter les technologies les plus avancées, combinées à des sources d'énergie propre, pour rendre le digital vraiment durable.
L'un des plus grands défis à relever reste la coopération entre les différents écosystèmes. Urbanistes, élus, spécialistes de l'énergie et experts du digital doivent unir leurs forces, et opérer, chacun, une petite révolution copernicienne. Car, face à l'impératif climatique, collaborer devient une nécessité absolue. Il est essentiel de dépasser préjugés et rivalités, d’apprendre à travailler ensemble, et d’intégrer les différences de temporalité : alors que les grands projets urbains prennent souvent une décennie, ou plus, le digital, lui, vit dans l’instantané. Et tous – public et privé, architectes, ingénieurs et data scientists, startups, PME et grands groupes – doivent embrasser une vision commune : celle d’une ville humaine, désirable et écologique. Le temps est venu d'un élan collectif pour réaliser cette vision !
Comment y parvenir ? La réponse est complexe ; gageons que nous la trouverons en plaçant l'humain et la planète au cœur de nos réflexions. Une chose est sûre : l'harmonie naîtra de la complémentarité des trois écosystèmes, dont chacun détient une partie de la réponse pour redéfinir ce que peut être une smart city à l'ère de l'impératif climatique. L’avenir de nos villes se joue maintenant ! Chacun doit donc œuvrer, sans attendre, à mieux se connaître, et à mieux collaborer. Car c'est ensemble, main dans la main, que nous dessinerons des villes à la fois innovantes et respectueuses, des villes qui préservent et inspirent, et qui serviront les générations à venir.
Charles-Edouard Delpierre, directeur général adjoint de Tractebel-Engie