Mardi 30 avril, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture la proposition de loi Terlier. Le texte – qui encadre la confidentialité des avis juridiques rendus par les juristes d’entreprise – avait fait l’objet d’une censure par le Conseil constitutionnel en novembre 2023. Peu médiatique, ce texte pourrait changer de nombreuses choses.

Nouvel épisode dans la saga du legal privilege. Après le Sénat en février dernier, c’est l’Assemblée nationale qui se prononce sur la question. Les députés ont adopté mardi 30 avril la proposition de loi Terlier en première lecture. Le texte entend réguler la confidentialité des consultations juridiques rendues par les juristes d’entreprise.

Formation des juristes, procédure de levée de confidentialité et champ d’application

La proposition de loi reprend les dispositions de la loi de programmation pour la Justice 2023-2027. Elle instaure ainsi un legal privilege "à la française" et entend offrir aux juristes d’entreprise la confidentialité de leurs avis sous certaines conditions, dont le fait qu’ils doivent au moins être diplômés d’un master de droit et avoir suivi une formation éthique.

En outre, le texte se limite "aux matières civile, commerciale et administrative et exclut les procédures pénales et fiscales car elles sont les premières garantes de l’ordre public économique." Une procédure de levée de la confidentialité est également prévue. Celle-ci "peut être obtenue pour tout manquement pouvant faire l’objet d’une sanction au titre de la procédure administrative concernée, lorsque le document visait à inciter ou faciliter la commission du manquement".

La France fait figure d’exception parmi les pays de l’OCDE qui accordent pour la plupart aux juristes d’entreprise la confidentialité de leurs avis. "Avant tout, nous devions assurer à nos entreprises de pouvoir lutter à armes égales avec les entreprises étrangères", a affirmé le rapporteur de la loi Jean Terlier, député Renaissance du Tarn, lors de la séance publique. Avant d’ajouter que "cette proposition de loi [n’était] pas une atteinte au secret professionnel des avocats ni la mise en place d’une profession réglementée". Pas de quoi rassurer les opposants à l’adoption de ce texte qui ont réitéré leur rejet dans une tribune publiée par le Syndicat des avocats de France le 24 avril dernier.

Censure, proposition, adoption

Ce n’est pas la première fois que le legal privilege fait l’objet de débats. Le 17 novembre 2023, la disposition de la loi Justice relative à la question de la confidentialité des avis juridiques émis par les juristes d’entreprise s’est trouvée censurée par le Conseil constitutionnel pour qui cette disposition constituait un "cavalier législatif". Autre son de cloche au Sénat. Le 14 février 2024, les sénateurs adoptent la proposition de loi de Louis Vogel, avocat fondateur du cabinet Vogel & Vogel spécialisé en droit économique, visant à "garantir la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise".

Avec l’adoption de la loi Terlier par les députés, le Parlement se retrouve avec deux propositions de loi quasiment identiques. "Il appartient désormais au gouvernement (maître de l’ordre du jour des assemblées) de choisir le texte qui va faire la navette parlementaire jusqu’à son adoption définitive", rappelle Raphaël Gauvain, avocat chez Stephenson Harwood, ancien député et auteur du rapport sur la protection des entreprises françaises contre les lois extraterritoriales.

Ilona Petit

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