Filière commerciale transversale, la supply chain est entièrement bouleversée par l'émergence de nouvelles technologies et de problématiques d'ordre mondial. Lors du Sommet du droit en entreprise organisé le 26 janvier dernier, deux spécialistes du droit en entreprise ont débattu des évolutions juridiques qui touchent les chaînes logistiques, aujourd'hui prises en étau entre rapidité et sécurité.

Pour approfondir ce sujet, vous pouvez visionner la vidéo de la table-ronde organisée lors du Sommet du droit en entreprise 2021 :

De la solidité de la supply chain dépend le fonctionnement mondial du commerce, tous secteurs confondus. Cet ensemble de maillons de la logistique d'approvisionnement regroupe les achats, la gestion des stocks, la manutention, le stockage, la distribution, la livraison… Entre la globalisation des échanges commerciaux et la nécessité de diminuer les délais de livraison, l'enjeu de la filière de la supply chain est de trouver un équilibre entre sécurité et qualité, équilibre dont la recherche ne peut se faire qu’en intégrant certaines contraintes juridiques. Les regards se tournent dès lors vers le juriste d’entreprise.

Un gage de qualité

La performance d'une supply chain tient à la bonne organisation existant entre les différents acteurs du circuit d’approvisionnement d’une marchandise. "Il existe une panoplie de dispositions à intégrer dans un contrat, comme les pénalités de retard, les garanties à mettre en place, les conditions de résiliation du contrat, celles de mise en jeu de la responsabilité des parties prenantes, les contrats d’assurance, etc., explique le spécialiste du droit des assurances Christophe Wucher-North, associé du cabinet DAC Beachcroft. Dès lors, la mission de l'avocat doit dépasser la rédaction du contrat pour inscrire la prestation de chacun au sein d'un service global et organisé". La difficulté première de la supply chain est en effet le nombre important de ses intervenants. "Il y a des secteurs qui comptent naturellement un grand nombre d'affiliés, comme celui de l'aéronautique où chaque pièce peut être conçue, produite puis assemblée dans des pays différents. Sauf qu’aujourd’hui, n’importe quel secteur est concerné par la démocratisation du commerce en ligne", précise l'avocat. Autrement dit, les problématiques liées aux chaînes d’approvisionnement de l’industrie se sont dupliquées à l’ensemble du commerce, augmentant le niveau d’exigence de la qualité des intermédiaires.

"Il ne faut pas sacrifier la qualité au profit de la course aux délais."

Le general counsel de Bolloré Transport & Logistics Éric Amar met en garde : "Il ne faut pas sacrifier la qualité au profit de la course aux délais. Cette qualité se juge dans le réseau que les professionnels de la supply chain construisent avec les logisticiens sur le terrain". Pour le directeur juridique, la solidité de la chaîne d’approvisionnement de son groupe a été mise à dure épreuve lors du déclenchement de la crise sanitaire en mars 2020, lorsque le gouvernement l’a sollicité pour l’acheminement de matériel médical en France : "Notre chaîne logistique impliquait déjà des fournisseurs en Chine et au Vietnam, qui ont pu trouver des masques disponibles. Mais les moyens de transport vers la France étaient bloqués par l'arrêt des lignes aériennes commerciales par lesquelles se fait normalement le fret. Nous avons donc dû trouver de nouveaux partenaires pour avoir accès à des avions affrétés."

La sécurisation juridique de la chaîne de logistique est incontournable. "La mise en conformité des conditions contractuelles sécurise le processus en cas de contentieux", prévient Christophe Wucher-North. Une mission qui revient aussi au risk manager, lorsqu’il existe, en tant que responsable de la cartographie des risques juridiques, des études d'impacts et du dialogue avec les intervenants de la chaîne logistique. Ces juristes internes ont l’avantage de bénéficier "d’une connaissance fine des contrats, des différents aspects techniques de la filière et d’une compréhension de l'entreprise dans laquelle ils évoluent", explique Éric Amar. Un rôle clé puisque la supply chain est passée au peigne fin dans le contexte de prévention des comportements à risques : "En ce moment, la lutte contre la fraude ou les faits de corruption est prégnante, révèle Christophe Wucher-North. Les assureurs y portent une grande attention, tout comme d'ailleurs à la recrudescence de la contrefaçon", rappelant la révélation de la fraude à la viande de cheval en 2013.

Des considérations technologiques et éthiques

Dans le contexte de la mondialisation, les acteurs de la supply chain ont intégré de nouveaux outils, facilitant non seulement leur mission mais permettant également d'élever la qualité des services proposés. Personne ne pourrait commander un article sans espérer un délai rapide de livraison et un suivi presque en temps réel de son déplacement. Les prochains espoirs de développement sont suscités par la démocratisation, encore lente, de la blockchain, technologie de stockage et de transmission d'informations sécurisées à laquelle est attachée la promesse d'une révolution des échanges commerciaux, à laquelle s’ajoute un argument de compétitivité. Installée dans certains secteurs, notamment le transport maritime, la blockchain se conçoit comme un registre mondial procédant à l'enregistrement et au cryptage d'informations et de transactions, reliées entre elles par des chaînes d'informations. "Cette technologie permettrait de simplifier, voire d’automatiser, les échanges d’informations et de générer une confiance accrue entre les différents partenaires", anticipe Éric Amar. C’est alors toute la chaîne logistique qui gagnerait en rapidité d’exécution, en permettant un suivi des conditions de transport, telles la température de stockage ou la mise en place de procédures de vérification du respect des réglementations par les différents fournisseurs.

"une supply chain qui contient certains maillons agissant en dehors des considérations sociétales actuelles est touchée sur son intégralité."

Et ces réglementations elles-mêmes sont appelées à évoluer. La supply chain mobilise en effet un nombre important de thématiques auxquelles s'imposent désormais de nouvelles considérations d'ordre public. Comme Éric Amar le relève, "il y a une capillarité entre les programmes de compliance devenus classiques (antitrust, anticorruption, antifraude…) et les nouvelles exigences telles le RSE, les bonnes pratiques de travail et d'emploi. On utilise la compliance pour mettre en lumière de nouveaux sujets d'égalité et d'environnement par exemple." Ces nouveaux sujets deviennent par là même un critère de sélection commerciale des entreprises. Ces dernières doivent se montrer élitistes non seulement sur leur manière d'exercer leur activité en accord avec leurs politiques de RSE et de protection de l’environnement, mais également sur le choix des partenaires lors de la construction de la chaîne logistique. Comme le relève Christophe Wucher-North, "une supply chain qui contient certains maillons agissant en dehors des considérations sociétales actuelles est touchée sur son intégralité." De récents scandales portant sur les conditions de travail organisées par certains participants de chaînes logistiques, incluant le travail des enfants ou des discriminations, viennent entacher tout le réseau. La publicité née de l’accès à l'information ne laisse que peu de place à la dissimulation ou même à l'ignorance de la part de l'entreprise donneuse d’ordres.

Louise Tydgadt

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