Nicolas de Sevin, l'artisan du dialogue social
Sous les feux croisés de "relations syndicales de plus en plus radicales" et d'une "administration presque sourde aux corps intermédiaires", le président du premier syndicat d'avocats d'entreprise en droit social se fait depuis son élection en 2015 le porte-voix de sa profession, de ses confrères et du dialogue social en France. Nicolas de Sevin n’a pas une minute à perdre.
Remettre la pratique au cœur du droit
Car le droit social évolue extrêmement vite. Acteur majeur et indépendant de la construction du droit social en France, Avosial est devenu depuis sa création en 2004 une véritable plateforme d'information et d'innovation. Affirmant son indépendance financière et idéologique, “Avosial ne se fait pas la voix du Medef”, insiste son président, le syndicat rencontre et échange avec différents acteurs du dialogue social, sur la base de réflexions forgées par les commissions thématiques du syndicat. Une mobilisation perçue par exemple durant les élections présidentielles de 2017. “Nous avions sollicité les équipes des candidats, et avions reçu les conseillers des équipes d’Emmanuel Macron et de François Fillon pour les conseiller dans la création de leur programme politique et les aviser de nos propositions”, confie Nicolas de Sevin. En 2016 déjà, Avosial avait émis quinze propositions de refonte du Code du travail, synthétisées en cinq thèmes : libertés et entreprises, contrat de travail, dialogue social, licenciement et, enfin, restructuration et contentieux. Portées devant les conseillers sociaux de l’Élysée, de Matignon et du ministère du Travail, plusieurs ont été reprises dans les ordonnances dites Macron du 22 septembre 2017, notamment la fusion des instances de représentation du personnel par la création d’un comité social et économique (CSE), la restriction sur le plan national de l’obligation de reclassement des employés licenciés ou encore l’harmonisation des délais de prescription de recours administratifs et contentieux, désormais établis à douze mois aussi bien pour les licenciements économiques que pour ceux pour motif personnel. “Nous cherchons, par notre action, à conseiller les pouvoirs publics pour que leurs textes soient effectifs et efficaces en pratique. Plusieurs réformes – comme la loi Hamon en 2014 – sont porteuses d’un message politique, mais sont inefficaces voire dangereuses pour la cohérence juridique”, regrette Nicolas de Sevin.
“J’avais envie de travailler pour les avocats, de représenter et de valoriser ma profession auprès des pouvoirs publics, en enrichissant les débats liés aux problématiques toujours renouvelées du droit du travail”
Cette volonté de moderniser le droit social, Avosial doit désormais la porter devant l'administration d'Emmanuel Macron, à l'encontre de laquelle l’avocat ne mâche pas ses mots, dénonçant le “vase clos” dans lequel elle travaille. “Alors que nous étions régulièrement entendus au Parlement, le système Macron a coupé le contact entre les praticiens et les pouvoirs publics”, déplore-t-il. Si son lien avec les décideurs semble distendu, Avosial projette toutefois de renforcer son action auprès de nouveaux auditeurs : "Nous cherchons aujourd'hui à nous étendre en région, auprès de professionnels qui ne peuvent pas nécessairement participer à nos rassemblements parisiens", une considération évidente pour celui qui a passé près de vingt ans de sa vie en Bretagne. Grâce à l’organisation de webinars et de réunions régionales, le syndicat renforce son savoir-faire en prenant en compte les spécificités des territoires. Une nouvelle zone d’influence à exploiter.
Président d’Avosial, un rôle d’évidence
Ancien étudiant de Sciences Po Paris, Nicolas de Sevin nourrit son goût pour le débat dans sa pratique du droit public et du droit social, ce qui constitue pour lui “un équilibre parfait pour la matière si technique et si changeante qu’est le droit du travail”. En 1983, il rejoint CMS Francis Lefebvre, où il conforte son intérêt pour un droit du travail en perpétuelle construction et développe un savoir-faire y afférent en assistant à ses multiples réformes. Attaché à son cabinet, dont il vante “la pluridisciplinarité, la fidélité et la liberté extraordinaire”, il participe au “développement de la marque” en formant de nouveaux collaborateurs, dont cinq sont aujourd’hui devenus associés de l’enseigne. Il s’investit tout autant dans des responsabilités administratives, devenant successivement membre du directoire et du conseil de surveillance entre 2003 et 2005. Également membre du conseil de l’Ordre du barreau des Hauts-de-Seine de 1996 à 1998, cet adhérent de la première heure d’Avosial semblait le successeur naturel de Hubert Flichy, “avec qui nous étions sur la même longueur d’onde”, à la tête du syndicat, ce que confirment ses pairs en 2015 en le portant à la tête de l’institution. “J’avais envie de travailler pour les avocats, de représenter et de valoriser ma profession auprès des pouvoirs publics, en enrichissant les débats liés aux problématiques toujours renouvelées du droit du travail”, explique-t-il. L’occasion pour lui de poursuivre les objectifs de sa carrière, sans jamais abandonner sa robe : rendre le droit du travail plus humain, et plus moderne, insistant sur l’identité du syndicat “composé d’avocats d’entreprise pro-employeurs, mais dont l’objectif est, plus largement que la défense de leurs intérêts, de développer des pistes salvatrices de sortie de crise pour toutes les parties, employés compris”.
En parallèle de son activité politique, Avosial fait également office de forum entre les professionnels de la matière, une tâche que le Toulousain d’origine juge “nécessaire mais forcément complexe, car nous réunissons des avocats parfois concurrents. La solidarité fait rarement partie de l’ADN des avocats”, sourit-il. Nicolas de Sevin voudrait développer toujours plus les échanges de perspectives et d’expériences pratiques entre les membres, “le droit du travail étant en grande partie jurisprudentiel, ces discussions constituent un atout dans l’évolution de notre matière”. Dernier objectif, et certainement le plus dense, celui de mener une action de lobbying, “une mission d’information des pouvoirs publics sur les réalités pratiques du droit du travail, qu’ils ignorent parfois”. Comptant aujourd’hui plus de 500 membres, “une réussite pour notre légitimité en matière de représentation des différentes structures”, le syndicat n’évacue aucune thématique. Il critique de manière récurrente le peu de prévisibilité du droit du travail et des prises de position de la Cour de cassation, qu’il juge parfois “choquantes par le peu de considérations que la Haute Cour semble accorder à l’impact de ses décisions”, citant notamment le revirement de jurisprudence exécuté en 2016 en matière de clauses de non-concurrence. Avosial tente également d’anticiper de nouvelles thématiques afin de fournir des expertises rapides et pertinentes à l’action publique. Par le biais de commissions, de colloques ou d’ateliers pratiques, il travaille depuis plusieurs années sur la protection des données personnelles, ou encore sur les risques psychosociaux en droit du travail, aujourd'hui considérés dans les textes comme devant faire l’objet de mesures assurant la sécurité physique et mentale des salariés. Contexte sanitaire obligeant, ses travaux se portent à l'heure actuelle sur de nouvelles problématiques découlant de la généralisation du télétravail et du flex working. Problématiques qu’Avosial aborde d’ailleurs avec les étudiants. Le syndicat prêche sa conception du droit au cours de séminaires donnés notamment à Sciences Po Paris, sur des thématiques d'actualité : négociation collective, stratégie syndicale ou encore influence des normes européennes en matière de droit du travail. De quoi inspirer toujours plus de futurs champions du dialogue social.