Ancien avocat d’affaires, Anton Carniaux est depuis 2013 à la tête du département juridique et compliance de Samsung Electronics France. Il livre ses réflexions sur les enjeux du métier et l’évolution de la fonction au cours ces dernières années.

Décideurs. Vous avez été Head of legal department chez SFR avant d’intégrer Samsung Electronics France il y a 7 ans. Quelles principales évolutions de la fonction juridique au sein des entreprises avez-vous observées au cours de ces dix dernières années ?  

Anton Carniaux. Les directions juridiques sont de plus en plus consultées en amont des décisions comme parties prenantes intégrales de la vision de l’entreprise. Leur rôle devient davantage stratégique et transverse, elles portent plus que les autres l’éthique, et structurent ainsi toute l’entreprise autour de valeurs communes.
D’autre part, l’inflation réglementaire et l’accroissement de la concurrence rendent notre métier complexe. Nos interventions requièrent plus de réactivité, de créativité, d’efficacité et en dernier lieu beaucoup de pédagogie vis-à-vis du top management. 
Enfin, j’ai pu observer la nécessité croissante d’une bonne coordination entre les les pays où un groupe est implanté, a fortiori dans une zone intégrée comme l’Europe. Une décision de justice rendue dans un pays peut avoir d’importantes répercussions ailleurs, notamment en raison de la coopération grandissante des autorités nationales. 

En quoi consistent vos missions en tant que directeur juridique et conformité au sein d’une entreprise innovante ? 

De façon générale, nos missions permettent à l’entreprise de croître de manière sereine, sans craindre le risque qu’un contentieux ou un contrôle ne vienne ternir sa réputation ou impacter ses finances. C’est un exercice particulièrement délicat car il s’agit pour nous de réussir à concilier beaucoup d’enjeux distincts, en trouvant le bon équilibre entre approche business et respect de la réglementation.

"Nous avons fait preuve de résilience en cette période de crise sanitaire"

Concrètement cela signifie qu’il faut être capable de comprendre l’ensemble des activités pour pouvoir s’insérer intelligemment dans la stratégie de développement de l’entreprise.  

Vos cinq années d’expérience en tant qu’avocat spécialisé en droit économique vous aident-elles au quotidien ?  

Effectivement ! Le métier d’avocat m’a permis d’acquérir certaines expertises utiles. Cela facilite aussi ma relation avec nos avocats puisque je comprends bien leur philosophie et leur fonctionnement. Et un tandem juriste-avocat qui fonctionne bien peut gagner toutes les batailles ! Concernant ma spécialisation en droit économique, elle constitue le cœur du métier de juriste chez Samsung. 

" j’avais besoin de faire partie de « l’équipage d’un grand navire » "

Pour quelles raisons avez-vous décidé de quitter la robe pour entrer en entreprise ? 

Je l’ai fait à un moment qui m’a paru le plus opportun : plus on y entre tôt, plus il est facile de s’y intégrer. Côté motivation, j’avais besoin de faire partie de « l’équipage d’un grand navire », or je ne retrouvais pas cette émotion en cabinet d’avocats.  

Avec la crise sanitaire qui sévit depuis début 2020, avez-vous du faire face à de nouvelles problématiques dans votre domaine d’activité ? 

Oui tout à fait ! De nouvelles problématiques ont surgi et des notions plutôt marginales habituellement, comme la force majeure et l’imprévision se sont installées au centre du débat. Les sujets de restructuring nous mobilisent aussi dans un contexte où les risques de faillite de certains partenaires restent élevés. Globalement, l’assèchement de la trésorerie a tendu les relations entre acteurs économiques et les juristes ont donc été très sollicités. 

Quelle a été la plus grande réalisation interne que vous avez menée depuis votre arrivée au sein de votre direction juridique ? 

Je suis particulièrement fier d’avoir obtenu en 2017 l’annulation d’opérations de visite et saisie d l’autorité française de la concurrence dans nos locaux. Cette bataille judiciaire a duré quatre ans au bout desquels  Mais, à la réflexion, ce dont je suis le plus fier, c’est la résilience dont mes équipes ont fait preuve en cette période de crise sanitaire majeure. 

Propos recueillis par Yannick Tayoro 

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