Les mesures de confinement ont eu l’effet d’un cataclysme dans certains cabinets d’avocats, mais sont presque passées inaperçues pour ceux qui utilisaient des outils numériques. L’occasion pour la legaltech française de montrer ses atouts aux professionnels du droit et à leurs clients. Et de gagner leur confiance.

Près de 7,5 millions de Français exerceraient leur activité professionnelle en télétravail depuis le début du confinement le 17 mars dernier. Les cabinets d’avocats ne font pas exception à la règle. Dans ce contexte de crise, les outils digitaux sont devenus de véritables bouées de sauvetage pour la poursuite de leur activité : gestion à distance des dossiers, signature ou encore closing à distance. « Nous avions déjà expérimenté positivement le télétravail par le passé, notamment lors de la grève des transports à la fin de l’année 2019, débute Mahasti Razavi, managing partner du cabinet August Debouzy. L’annonce des mesures de confinement a donc été accueillie avec sérénité et souplesse par nos équipes, et à cette occasion, nos outils informatiques et de gestion à distance ont été testés de nouveau. »

Préparés pour affronter la crise sanitaire

Aujourd’hui, plus de 200 avocats et professionnels du cabinet August Debouzy travaillent à distance sans encombre. « Nos clients vivent une période fiscale intense, laquelle se clôture prochainement, nous sommes pleinement en mesure de les accompagner », ajoute l’avocate. Autre cas d’espèce, le cabinet indépendant Racine, présent à Paris et en région, qui ne s’est pas laissé surprendre par la crise : « Nous avions déjà deux outils efficaces, le VPN pour l’accès sécurisé à la documentation électronique et à notre logiciel de gestion, et My Collab pour recevoir des appels sur notre ordinateur, confient Xavier Rollet et Frédéric Broud, les co-managing partners de Racine. Team, pour les visio-conférences, était encore en test. Nous l’avons déployé en 24 heures. » Comme les avocats d’August Debouzy et de Racine, la plupart de ceux que nous avons interrogés dans le cadre de l’enquête lancée par Décideurs Juridiques exercent dans des cabinets allouant déjà un budget important aux équipements IT et digitaux : c’est la raison pour laquelle 56,4 % d’entre eux estiment que leur structure était suffisamment équipée pour mettre en place le travail à distance et donc préparée pour affronter la crise sanitaire (voir ci-dessous). Quand 26,9 % confient que les outils mis à leur disposition étaient certes bien adaptés, mais que dans la mesure où ils étaient rarement, voire jamais, utilisés, il a fallu que le management s’adapte. Ils ne sont que 8,3 % en revanche à considérer qu’ils n’étaient pas préparés pour le télétravail. Ils ont dû redéfinir dans l’urgence leur façon de travailler pour assurer la continuité de leur exercice professionnel. Ce que la legaltech française n’a pas manqué d’observer.

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Pic de sollicitation

« Les demandes de connexion à Doctrine se sont multipliées par 2 depuis le début du confinement », relève Grégoire Thomas, VP marketing de Doctrine, le moteur de recherche dédié aux professionnels du droit. Naturellement adapté aux nouvelles méthodes de travail du fait de son positionnement, Doctrine a suscité encore plus qu’à l’accoutumée l’intérêt des cabinets d’avocats. « Doctrine est compatible avec tous les appareils utilisés par nos clients, tablette, smartphone ou ordinateur… et n’est, de ce fait, pas limité à un seul poste. » La plateforme a par ailleurs choisi de faciliter les recherches de ses clients, confrontés à de nouvelles problématiques juridiques, en lançant un hub d’informations spécialement dédié au coronavirus, rassemblant les ordonnances et informations fleurissant chaque jour sur le sujet. « Cet accès plus rapide à l’information juridique du Covid-19 reste une extension de notre mission de base : faciliter l’accès à l’info clé dans une masse d’informations produite tous les jours. » Cette page, qui a vu le jour le 20 mars dernier, comptabilise déjà plusieurs dizaines de milliers de consultations et elle est même devenue la page la plus consultée du site qui enregistre par ailleurs un demi-million
de visiteurs.

Au-delà de la phase de recherche juridique, les professionnels du droit ont besoin d’outils pour gérer à distance leur activité, la création et le suivi de leurs dossiers, la facturation ou encore la centralisation des données documentaires dans un espace dédié. « En tant qu’entrepreneurs, nous ne connaissons que trop bien les enjeux et les défis à relever quotidiennement », annonçait dans un communiqué Alexandre Yeremian, fondateur de Jarvis Legal. C’est pourquoi, dès l’annonce des mesures de confinement, ce dernier lançait Jarvis One, une version simplifiée et gratuite des solutions Jarvis Legal, « afin de garantir aux utilisateurs la poursuite de leur activité et garder le lien avec leurs clients », explique-t-il.

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Vision claire des engagements contractuels

La gestion des contrats à distance et de manière sécurisée constitue également un enjeu pour tous les professionnels du droit, particulièrement à l’heure actuelle. Fragilisées par la crise, les entreprises ont besoin de visualiser clairement leurs engagements contractuels, pour les réviser, les suspendre ou les rompre, selon leur santé financière et leur trésorerie. « La crise a imposé à toutes les entreprises de réfléchir à leurs contrats sur les court et long termes. La prestation que nous leur proposons à un prix forfaitaire dans le cadre de cette crise leur permet de cibler les points juridiques clés à surveiller pour suspendre, rompre ou revoir un contrat », explique Alexandre Grux, cofondateur d’Hyperlex. Les cabinets d’affaires déjà utilisateurs des solutions d’Hyperlex disposent quant à eux d’une automatisation de la revue et d’analyse de leurs contrats et documents juridiques comme les baux, les contrats de travail, statuts et procès-verbaux notamment. Des outils particulièrement précieux dans cette période et pour les mois à venir, qui les amèneront à procéder à de nombreux audits de sociétés clientes touchées financièrement par la crise.

Poursuite des transactions

Acolad, leader européen de la traduction professionnelle en Europe et spécialiste du secteur juridique, a pour sa part vu une augmentation importante de demandes pour disposer d’un interprète pendant des conférences-call. « Nous avons proposé à nos clients, qui n’en seraient pas déjà équipés, de bénéficier d’un service d’interprétation à distance. Nous sommes aussi sollicités davantage pour le sous-titrage des conférences », explique Julie Riouallon, senior marketing manager au sein d’Acolad. Si le nombre de traductions juridiques a aussi augmenté, l’urgence reste cependant centrée sur celles des documents des secteurs scientifique et du e-commerce. « Depuis une quinzaine de jours, nous notons tout de même une forte demande en traduction de documents émanant de départements M&A de cabinets d’avocats pour des opérations en cours », relève Julie Riouallon. Car, en effet, si certaines sont suspendues ou ont avorté, d’autres se concrétisent malgré le confinement et la crise financière qui en découle.

McDermott, qui accompagnait Ubble dans le cadre d’une levée de fonds, réalisait son premier e-closing le 25 avril dernier

Un constat partagé par le CEO d’un outil de conclusion de transactions, Grégoire Debit : « Plus de 500 nouveaux projets ont vu et des dizaines de closings ont été réalisés depuis la mise en place des mesures de confinement », relève le cofondateur de Closd. Pas de stand-by donc dans l’activité de cette start-up, qui réalisait début mars une levée de fonds pour son propre compte en plein confinement. Malgré l’interruption de certaines opérations, des cabinets et entreprises concrétisent aujourd’hui des partenariats avec des outils digitaux pour mener à bien leurs transactions à distance. McDermott, qui accompagnait Ubble dans le cadre d’une levée de fonds, réalisait son premier e-closing le 25 avril dernier. Autre transaction très récente, le partenariat entre Engie et Mirova orchestré notamment par De Gaulle Fleurance & Associés. Desfilis et Hogan Lovells procédait également avec succès à un closing entièrement digitalisé aux côtés des actionnaires de Vivalto Vie dans le cadre son entrée au capital d’Amundi Private Equity Funds et Société générale Capital Partenaires. « Nous ressentons une réelle accélération du mouvement vers la digitalisation, y compris pour les plus réticents, poursuit Grégoire Debit. Cette crise permet de révéler les acteurs de la legaltech comme de réels partenaires des professionnels du droit, engagés à leurs côtés pour la survie de leur activité. »

Moyen de survie

Le mouvement vers une digitalisation plus importante des cabinets d’avocats ne risque pas de s’essouffler de sitôt. « Toutes les solutions et initiatives proposées sur le marché peuvent être de réelles armes pour la continuité de l’activité des entreprises et des cabinets », poursuit le CEO de Closd. Un sentiment partagé par l’avocate Mahasti Razavi : « La crise sanitaire du Covid-19 est la preuve absolue que l’outillage technologique devient incontournable dans le milieu juridique. » Mais, dans les faits, ce n’est pas si simple. « Cela suppose des investissements lourds, tous les cabinets ne peuvent pas se lancer dans un processus de digitalisation sans discernement. Le besoin technologique est devenu une réalité, mais sa mise en œuvre n’est pas identique dans tous les cabinets, et même dans les entreprises que nous comptons parmi nos clients », tempère la managing partner d’August Debouzy. Si la crise confortera les cabinets dans leur choix de s’outiller, elle apporte un regard nouveau sur la legaltech, aujourd’hui capable de leur proposer des solutions rapides et efficaces en réaction à une crise soudaine. Et de convaincre peut-être les plus réfractaires.

Marine Calvo

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