Le président de Comgest continue à privilégier les entreprises dont la croissance est structurelle et exerçant une activité peu sensible au cycle économique.

Décideurs. Le scénario d’une reprise durable, notamment des économies occidentales, est en train de prendre corps. Partagez- vous cet optimisme ?

Arnaud Cosserat. Si la reprise économique a bien eu lieu dans les pays développés, la véritable question a trait à sa durabilité et à son ampleur. Les banques centrales semblent tenir à bout de bras l’économie. En 2009, la Réserve fédérale américaine avait entamé son intervention en utilisant des armes monétaires non conventionnelles. Malgré cet activisme, la reprise économique américaine demeure de faible ampleur. Cette année, elle atteindra péniblement les 2,5 %. Le constat est identique pour la croissance mondiale. En 2015, le PIB mondial s’est accru de seulement 2,5 %, bien en deçà des moyennes long terme. Pour 2016, celui-ci devrait s’établir à 2,9 %, à condition toutefois qu’il n’y ait pas d’atterrissage brutal de l’économie chinoise ou de mauvaises nouvelles en provenance de l’économie américaine. Tout cela nous fait dire que nous ne sommes pas dans un environnement particulièrement porteur. Concernant la zone Euro, plusieurs facteurs positifs sont aujourd’hui à souligner : les prêts bancaires s’accélèrent, la demande domestique est au rendez- vous tandis que la baisse de l’euro et du pétrole seront autant de soutiens aux entreprises.

Le ralentissement économique des pays émergents ne devrait pas être de nature à empêcher la zone euro de continuer sa croissance, certes modeste mais sans trop de heurts. Les banques centrales n’ont toutefois pas réussi à relancer l’investissement, générateur de création de valeur et d’emplois. C’est une grande déception, au vu notamment de la faiblesse des taux d’intérêt et de l’action massive des banques centrales. Les chiffres de croissance des bénéfices des entreprises de la zone Euro sont également très décevants. Chaque année, les analystes anticipent une croissance de l’ordre de 10 % à 15 %, et atteignent, au final, péniblement la barre des 3 %.

 

Décideurs. Vous mettez en oeuvre une approche dite « bottom up », privilégiant ainsi les caractéristiques propres de la société à la dynamique de son secteur d’activité. Quels sont vos critères d’investissement ?

A. C. Ces dernières années la performance des marchés actions a principalement été générée par leur revalorisation, et non par la croissance des bénéfices des entreprises. Le price earning des marchés est remonté à des niveaux plus élevés. Cette grande phase d’expansion des multiples de valorisation est cependant derrière nous. La performance future des marchés actions sera désormais tirée par la capacité des entreprises à faire croître leurs bénéfices.

Nous privilégions donc celles présentant une croissance durable, offrant un positionnement unique ou disposant d’un pricing power. Nous nous évertuons à trouver des entreprises dont la croissance est structurelle et exerçant une activité qui est peu sensible au cycle économique. C’est pourquoi vous pourrez trouver dans nos portefeuilles un certain nombre d’entreprises dont le coeur de métier est lié à des tendances structurelles. Les entreprises du secteur des nouvelles technologies fournissent par exemple des perspectives d’investissement intéressantes.

Le secteur de la santé, lié au vieillissement de la population, est également représenté dans la mesure où l’on a privilégié des entreprises avec une croissance structurelle durable et peu affectées par les ralentissements économiques. Nous avons à cet égard une préférence pour des sociétés qui réinvestissent une partie de leurs bénéfices pour innover et apporter de nouvelles solutions à leurs clients. Parmi les firmes sur lesquelles nous sommes positionnés figurent Novo Nordisk, entreprise pharmaceutique spécialisée dans le traitement du diabète, Essilor dont la gamme de produits s’est élargie ou encore le leader mondial des logiciels de création 3 D Dassault Systèmes.

 

Décideurs. Vous avez, par ailleurs, succédé à Vincent Strauss à la tête du comité de direction de Comgest. Quels objectifs vous êtes-vous fixés ?

A. C. Ce passage de témoin a été réalisé dans la plus parfaite continuité puisque j’étais déjà directeur général délégué et membre du comité de direction depuis 2012. Il y a un an, j’ai également succédé à Vincent Strauss en tant que directeur des investissements afin que la transition soit soigneusement préparée. Il en est de même pour les objectifs, qui sont fondés sur des principes immuables. Nous devons continuer à servir nos clients et faire perdurer les valeurs fondatrices de Comgest : être très sélectifs sur le choix des sociétés que l’on a en portefeuille. Aujourd’hui, avec les investissements que nous avons réalisés au sein des équipes de gestion, nous couvrons quasiment tous les marchés actions mondiaux. Nous venons d’ouvrir une entité aux États-Unis, afin d’y exercer des activités de recherche, avant, dans le courant de 2016, d’y loger également des ressources en charge d’assurer le suivi de nos clients américains et le développement de nos encours sur ce marché.

 

Propos recueillis par Aurélien Florin

Retrouvez la suite de cet entretien dans l'édition 2016 du supplément « gestion de patrimoine & gestion d'actifs » du magazine décideurs

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